Renaissance incompatible avec le bouddhisme?

Iskander

J'ai lu plusieurs fois tes interventions, mais malheureusement j'ai encore besoin d'explications...

Un des problèmes est que je patine beaucoup avec les concepts utilisés, donc je vais essayer de créer un glossaire:
vacuité
Dharmadhatu a écrit :la vacuité est incomposée, elle est permanente, et pourtant son identité est désignée par rapport aux phénomènes dont elle est le mode d'être: quand on dit "la vacuité" en général, il s'agit d'un raccourci, mais en fait c'est toujours la vacuité de tel ou tel phénomène, ou encore de l'ensemble des phénomènes, et aussi la vacuité ou l'absence d'existence indépendante.
Si je comprends bien ton explication, les phénomènes non composés sont dénués de vacuité, est-ce bien le cas? Peux-tu donner des exemples de phénomènes non composés?
Par ailleurs, il semblerait que tu penses que la continuité d'existence et de conscience ait la vacuité comme mode d'être. Est-elle donc un phénomène composé, sans être samsarique?
Je vais essayer de reformuler une explication de la vacuité, suivant ce que j'ai compris: on parle de la vacuité d'un phénomène, le fait que celui-ci n'existe qu'en tant qu'expression de causes dépendantes. On pourrait aussi dire que la vacuité est l'absence d'existence indépendante.

non-soi
Je trouve que la vague d'eau existe en elle même, même si elle n'a pas de composants matériels permanents...
Si la vague existait en elle-même, elle ne dépendrait pas des atomes dont elle est le mouvement. Puisque le mouvement des atomes dépend des atomes, il est vide d'existence en soi et par soi, d'existence indépendante.
Très juste. Si je te suis, le je non samsarique est marqué par le non soi, lui aussi? Dans ce cas là, est ce qu'un je non samsarique n'a pas de manifestation (en dépit de sa continuité) en dehors des renaissances? et s'il en a, quels sont les composés qui permettent sa manifestation? les prana? et dans les traditions qui n'admettent pas de composés subtils non contaminés, il n'y a pas de manifestation de je en dehors des renaissances?
Je dirais que ce que tu appelles le soi est la capacité de se manifester de façon indépendante. Et donc seuls les phénomènes non composés ont un soi, ce qui n'est pas le cas du je non samsarique?
Dharmadhatu a écrit :L'existence non samsarique (celle des Eveillés) est marquée par le non-soi et l'impermanence: même si la continuité existera toujours, ses instances successives changent d'instant en instant, car il s'agit avant tout de conscience, et la conscience est un flux qui se poursuit au sein de l'impermanence (sinon pas de flux, elle serait statique).
Pour ce qui est de l'impermanence de la continuité, je pense qu'on peut faire de nouveau le parallèle avec la vague: oui, la vague est différente à chaque instant, mais elle a une continuité dans le temps. Si cette continuité est permanente dans le temps, et bien c'est une forme de permanence, même si chaque instance est différente dans le temps. La conscience est permanente dans le fait qu'elle existe en tout temps, et impermanente dans son expression à chaque instant.
Attention, j'ai bien dit que cette identité permanente (le simple "je") est une désignation conventionnellement attribuée sur la base d'une continuité d'agrégats en perpétuel changement. Cela ne peut être assimilé à l'âme qui n'est pas sensée être une simple désignation mais le référent d'une désignation. Bref, ce n'est pas un "quelque chose" qui n'est qu'une fraction de ce qu'on appelle en général un humain".
Personnellement je ne vois aucun obstacle à appeler âme une conscience continue, qui est d'ailleurs pourvue de mémoire, même si elle manifeste à chaque instant une instance différente. Pourquoi "conscience + continuité + mémoire <=> âme" serait une affirmation incorrecte? Qu'est ce qui m'empêche de considérer l'ensemble conscience, continuité, mémoire comme le référant?
D'ailleurs j'imagine que ce flux continue aussi éternellement après l'éveil, sauf qu'il ne s'encombre plus d'une matière, une existence samsarique. Et dans ce cas de figure, Bouddha était ce flux dépourvu d'illusion, mais encore attaché à son "bardas samsarique" jusqu'à sa mort.
C'est une vue qui existe au sein du Bouddhisme, mais selon d'autres vues, le Bouddha n'avait plus aucun bardas samsarique, parmi le Trikaya, il avait un paranirmanakaya: des agrégats non contaminés. La matière n'est pas forcément samsarique, si elle est issue de souffles subtils (prana) non contaminés.
Intéressant, je ne connaissais pas ce concept de souffles subtils non contaminés.
Pour résumer, il y aurait donc un "je" samsarique (celui avec notre personnalité, notre corps physique, notre vision troublée, toujours changeant), et puis le "je" non samsarique, avec notre conscience, notre mémoire (puisque on se rappelle de nos existences passées), une "vision éveillée", et toujours le même au cours des âges, vu qu'il est permanent.
C'est le même "je". Lorsqu'on envisage la continuité de la conscience en son entier, le "je" sera désigné sur la base de cette continuité tout entière. Lorsque, parmi cette continuité, on envisage une période, celle du samsara, le "je" sera désigné en dépendance de la continuité contaminée, et lorsqu'on envisage la période éveillée, le "je" sera désigné en dépendance de la continuité débarrassée de contaminations.
ok.

Merci des explications! jap_8
Iskander

Bonjour Michel,
michel_paix a écrit :L'existence n'est pas insatisfaisante, parce que tout phénomènes composé est impermanent. J'ai trouvé que traduire dukkha par "souffrance", insatisfaction" et autre mots sont limité, j'aime bien l'image de la roue: "kha" est le moyeu d'une roue, et le préfixe "duh" indique quelque chose de défectueux. C'est a dire que dukkha est simplement quelque chose qui ne tourne pas rond, qui n'est pas bien ajusté, face a la réalité tel quel est.
Je trouve que c'est une image intéressante, et que je vais adopter cette interprétation de dukkha: un truc qui tourne pas rond entre ce qu'on pense et ce qui est.
Une fois ceci compris, il devient difficile de voir comment la renaissance pourrait fonctionner dans ce système de pensée. Lorsque nous mourons, les agrégats qui nous composent se délient. Même si on imaginait que quelque chose reste assemblé le temps d'une autre renaissance, j'imagine qu'au fil des renaissances même ce "noyau" dur finirait par se disperser.

Ici je ne vois pas cela sous cette angle, la question selon moi n'est pas a savoir si un être transimgre ou pas, mais vise selon moi, plus sur "qu'est-ce qui fait le cycles sans fin de l'existence"? C'est la renaissance du tanha qui nous maintien dans le cycle des existances.
En fait, dans le cadre de cette discussion, ce qui m'intéresse vraiment est de savoir pourquoi le bouddhisme peut accepter une continuité, et non pas de savoir comment sortir du cycle des existences.
Il me semble par ailleurs que si vraiment les renaissances existent de façon indéfinie et unitaire (l'être x devient l'être y, qui devient z), alors ce "quelque chose" (ego, âme, etc) me semble en fait être ce qu'il y a de plus permanent dans la réalité, et non pas une illusion, comme le suggère le principe d'impersonnalité. Ne devrait-on pas dès lors utiliser cette chose permanente comme référence de toute existence, chercher à communier avec notre "ego" profond et éternel, plutôt que de se forcer à ne voir en lui qu'une illusion?

C'est un peu difficile de répondre, ici ??? En fait chaque phénomènes composé sont impermanent, et c'est justement parce que tout phénomènes composés sont impermanent que tout cela peux apparaitre, c'est précisément parce que tout phénomènes conditionné n'ont pas d'existance en eux-même, qu'il peuvent apparaitre. Donc l'on ne cherche pas du fond de notre âme éternel pour trouver un non-être, cela est illogique. C'est simplement que la nature ultime du soi, est non-soi. Donc c'est réalisé notre véritable visage et non pas ce rendre a néant.
Encore une fois, je serais intéressé d'avoir des exemples de phénomènes non composés, dont la composition produit les phénomènes composés.
Bref, il me semble qu'il y a un bug, une incohérence fondamentale entre les quatre vérités, les trois marques de l'existence, et la notion de renaissances. Si c'est le cas, il nous faudrait dès lors choisir une de ces deux visions, et rejeter l'autre.

Aucun bug. La renaissance du tanha "deuxième noble vérité" est ce qui maintien le cycle des existences [samsara] en constante co-production conditionné et conditionnant.

Tout phénomènes composés sont impermanent.
C'est une précision importante. Donc les phénomènes non composés sont permanents. La continuité du "quelque chose" est donc impermanente. Pas la manifestation du "quelque chose" mais le simple fait que ces manifestations soient reliées d'une façon unitaire et pendant une période de temps in(dé)finie.
Tout phénomènes sont dépourvu d'un en-soi
N'as-tu pas oublié le terme composé/conditionné après phénomènes?

Merci de ta contribution! <<metta>>
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Dharmadhatu
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jap_8 Bonjour Iskander,
Si je comprends bien ton explication, les phénomènes non composés sont dénués de vacuité, est-ce bien le cas?
Reprenons: en philosophie bouddhiste, il y a des catégories, des ensembles;

->A) l'ensemble le plus grand, celui qui contient tous les autres est celui de la vacuité: tout est vide, a) les existants comme b) les non-existants.

Parmi l'ensemble a) des existants, il y a

- a1) les causalement composés et les a2) non-causalement composés. Les premiers sont impermanents et les seconds sont permanents.

Mais tous sont vides sans exception.
Peux-tu donner des exemples de phénomènes non composés?
Il y a des phénomènes non causalement composés qui sont composés de parties constitutives, comme l'espace (composé de directions), et des phénomènes incomposés (causalement ainsi que de parties), comme la vacuité, le svabhavikakaya...
Est-elle donc un phénomène composé, sans être samsarique?
La vacuité est incomposée. Elle est la véritable nature des phénomènes (et même des inexistants). Elle ne dépend pas de causes et conditions et ne dépend pas non plus de parties constitutives, mais elle dépend des phénomènes dont elle est la nature. Elle dépend aussi d'une désignation par rapport à ce qui n'est pas elle: les phénomènes et leur supposé soi inhérent.
on parle de la vacuité d'un phénomène, le fait que celui-ci n'existe qu'en tant qu'expression de causes dépendantes.
Pas uniquement, sinon les phénomènes non-produits (non-dépendants de causes) seraient doués d'existence indépendante.
On pourrait aussi dire que la vacuité est l'absence d'existence indépendante.
Tout à fait.
Si je te suis, le je non samsarique est marqué par le non soi, lui aussi?
Je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie "je non-samsarique", mais quoi qu'il en soit, tout est vide de soi, et donc tout est qualifié par le non-soi, tout sans exception.
Dans ce cas là, est ce qu'un je non samsarique n'a pas de manifestation (en dépit de sa continuité) en dehors des renaissances?
En dehors des renaissances, il peut en effet y avoir une continuité: par exemple, le Bouddha ne renaîtra plus, il ne fera que manifester des émanations. S'il n'en manifestait plus (si tous les êtres n'en avait plus besoin), son Dharmakaya continuerait d'exister. Et donc, il y aurait toujours ce "je" conventionnel car le continuum d'un Bouddha n'est pas le continuum d'un autre Bouddha: même si tous les Dharmakaya ont la même saveur, ils ne sont pas un seul et même esprit éveillé.
et s'il en a, quels sont les composés qui permettent sa manifestation? les prana?
Lorsqu'on parle d'état transcendant le samsara, il peut en effet d'agir de l'Eveil, or les prana sont le rupakaya: composé mais pas contaminé. Il n'y a pas que cela, il y a aussi la conscience éveillé: le jñanadharmakaya.
et dans les traditions qui n'admettent pas de composés subtils non contaminés, il n'y a pas de manifestation de je en dehors des renaissances?
Je ne sais pas trop car plusieurs de nos amis théravadins m'ont dit que le nirvana non résiduel n'était pas un néant. Donc il y a bien quelque chose qui continue d'exister; si c'est le cas, il est tout à fait possible d'attribuer ce "je" en dépendance de ce qui continue d'exister.
Je dirais que ce que tu appelles le soi est la capacité de se manifester de façon indépendante.
Lorsque je parle d'un supposé soi inhérent, oui, mais je nie totalement l'existence d'un tel soi.
Et donc seuls les phénomènes non composés ont un soi, ce qui n'est pas le cas du je non samsarique?
Si tu parles d'un soi inhérent, aucun phénomène n'en est doué, c'est impossible. Si tu parles d'un soi conventionnel, tous les existants en ont un, et dans le cas d'une personne, il est synonyme du "je" conventionnel (= je non-samsarique dans ton post ?)
La conscience est permanente dans le fait qu'elle existe en tout temps, et impermanente dans son expression à chaque instant.
Tout à fait, cela dépend du point de vue: s'il s'agit du continuum dans son entier ou bien s'il s'agit de ses instances constitutives et successives.
Personnellement je ne vois aucun obstacle à appeler âme une conscience continue, qui est d'ailleurs pourvue de mémoire, même si elle manifeste à chaque instant une instance différente. Pourquoi "conscience + continuité + mémoire <=> âme" serait une affirmation incorrecte? Qu'est ce qui m'empêche de considérer l'ensemble conscience, continuité, mémoire comme le référant?
Tout dépend du sens qu'on met derrière le mot "âme". Selon certaines définitions, il y a le mot "principe" la rapproche du mot "atma" qui est fortement chargé d'essentialisme. Selon d'autres définitions, c'est simplement l'ensemble des facultés morales et intellectuelles et ça peur coller.

C'est juste que ce mot a un lourd passé religieux chez nous et qu'il est bon d'en définir les contours afin de ne pas faire dévier la conception bouddhiste des renaissances vers une forme d'absolutisme.

Bien amicalement FleurDeLotus
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Schopenhauer

Dharmadhatu a écrit :Je ne sais pas trop car plusieurs de nos amis théravadins m'ont dit que le nirvana non résiduel n'était pas un néant. Donc il y a bien quelque chose qui continue d'exister;
On peut dire en effet que le nirvana n'est pas un néant, mais ça n'implique pas qu'il y ait "quelque chose qui continue d'exister". D'abord, il ne peut y avoir de différence ontologique entre nirvana résiduel et nirvana non résiduel. Ensuite, le terme de "néant" ne devrait pas être employé, car il est incorrect dans n'importe quelle utilisation logique qu'on peut en faire (l'emploi de ce terme est toujours paradoxal, car cela consiste à faire "quelque chose" à partir de rien). Comment peut-on employer ce terme qui ne recouvre rien ? L'erreur que commettent beaucoup de personnes est qu'elles croient désigner quelque chose de positif avec ce terme, ce qui ne peut jamais être le cas (sauf dans le cas de la "sphère du Néant", akiñcaññâyatana, qui est un état de la méditation). Notons que c'est la même chose avec le concept d’Être... L'esprit se rend prisonnier de deux catégories, l'Être et le Néant, qui ne correspondent pas à la réalité. Le nirvana n'est donc ni Être ni Néant, et l'esprit est impuissant à décrire sa nature autrement que négativement. Schopenhauer dirait que l'esprit n'a pas été fait pour ça.

Un extrait important du Kaccayanagotta Sutta:

Ce monde, généralement (yebhuyyena), penche vers (ou « repose sur ») (nissita) un dualisme (dvaya), celui de l'être (atthitā) et du non-être (natthitā). Mais quand on voit avec juste discernement (sammappaññā) (=Connaissance transcendante) l'apparition (l'origine, samudaya) du monde telle qu'elle est (yathābhūtam), "non-être" n'est pas le terme qu'on retient. Quand on voit avec juste discernement la cessation (nirodha) du monde telle qu'elle est, "être" n'est pas le terme qu'on retient.

En pali :
Dvayanissito khvāyaṃ, kaccāna, loko yebhuyyena – atthitañceva natthitañca.
Lokasamudayaṃ kho, kaccāna, yathābhūtaṃ sammappaññāya passato yā loke natthitā sā na hoti.
Lokanirodhaṃ kho, kaccāna, yathābhūtaṃ sammappaññāya passato yā loke atthitā sā na hoti.
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Dharmadhatu
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Schop a écrit :On peut dire en effet que le nirvana n'est pas un néant, mais ça n'implique pas qu'il y ait "quelque chose qui continue d'exister".
jap_8 Je suis ok avec toi sur le reste, Schop, le nirvana n'est ni ceci ni cela. C'est à peu près ce qu'on entend lorsqu'il en est question. Et pour moi le néant n'existe pas, l'anéantissement non plus, donc. De même qu'on ne peut avoir quelque chose à partir de rien, on ne peut non plus avoir rien à partir de quelque chose.

Mais il y a bien quelque chose, puisque si nous nions le néant, nous ne pouvons qu'accepter que l'être continue: le nirvana non résiduel est un existant, sinon personne n'en ferait mention. Sauf que cet existant semble être au-delà des mots (comme beaucoup d'autres existants d'ailleurs). Je crois avoir lu quelque part que selon le Bouddha, le nirvana est l'un des composants de l'univers, donc le nirvana existe, mais pas tel qu'on le pense, pas en soi.

Selon le Mahayana, cet état est expliqué autrement, le nirvana non résiduel peut être l'absorption dans la vacuité (plus de résidus de conceptions dualistes). Lorsque le Mahayana interprète le nirvana non résiduel des Shravakas, il est dit qu'ils demeurent dans un corps mental (jusqu'à ce qu'ils entrent dans le Mahayana).

Amitié FleurDeLotus
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michel_paix
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Bonjour Dharmadhatu,
Dharmadhatu a écrit :
Schop a écrit :On peut dire en effet que le nirvana n'est pas un néant, mais ça n'implique pas qu'il y ait "quelque chose qui continue d'exister".
jap_8 Je suis ok avec toi sur le reste, Schop, le nirvana n'est ni ceci ni cela. C'est à peu près ce qu'on entend lorsqu'il en est question. Et pour moi le néant n'existe pas, l'anéantissement non plus, donc. De même qu'on ne peut avoir quelque chose à partir de rien, on ne peut non plus avoir rien à partir de quelque chose.

Mais il y a bien quelque chose, puisque si nous nions le néant, nous ne pouvons qu'accepter que l'être continue: le nirvana non résiduel est un existant, sinon personne n'en ferait mention. Sauf que cet existant semble être au-delà des mots (comme beaucoup d'autres existants d'ailleurs). Je crois avoir lu quelque part que selon le Bouddha, le nirvana est l'un des composants de l'univers, donc le nirvana existe, mais pas tel qu'on le pense, pas en soi.

Ce qui suit ne prend pas uniquement les propos de Dharmadhatu en compte, mais un mélange de ces pages a travers ces mots. :lol: :

J'ai faites quelque recherche sur le nirvana [nibbana] et mes conclusions abouti sur l'obligation de comprendre la distinction et la non distinction des deux vérités [d'enveloppement et ultime]. Les phénomènes composés apparaissent et disparaissent selon la vérité d'enveloppement, mais ultimement rien n'apparait, rien ne disparait, car tout est non-né [inexistence d'un en-soi]. Il y a une comparaison dans un des sutra qui évoque "nibbana" : "Quand une flamme s'éteint, celle-ci est nibbané." Je crois pas qu'il soit justifiable de dire que nibbana soit un existant, sans non plus dire que cela soit un non-existant, mais en prennant en considération que la vérité ultime est non-né, alors tout phénomènes composés ou non-composé sont déjà nibbané, c'est la nature ultime de tout dhamma.


Et qu'entends-tu par "permanent" ??

<<metta>>
Dernière modification par michel_paix le 25 novembre 2011, 06:16, modifié 2 fois.
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michel_paix
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Bonjour Iskander,

Je crois saisir ton questionnement ??

En fait, la continuité est une notion sur-imposé sur une série de cause et de conséquence, pour reprendre les mots a Zafu, il n'y a pas une essence "continuité" qui existe comme support a une série de cause et de conséquence, il y a seulement une co-production conditionnelle, d'instant en instant, il est important de bien saisi que cette continuité [unité] n'a pas une existence en elle-même, pas plus que les phénomènes "produit" [multiciplicité].

Ce qui est incompatible avec le Bouddhisme est l'idée de "réincarnation". Car en aucun cas, ni l'unité "atma", ni la multiciplicité "agrégats" ne transmigre. En fait cette notion est une facon de parler, il ne faut pas croire qu'il y a des phénomènes qui existent dans une série, ce qui est totalement faux, pas plus qu'en dehors. La meilleur comparaison que je puisse donner est notre respiration, il y a une "continuité", mais il n'y a jamais la même respiration et expiration, il n'y a aucun contenu "série" a la respiration, il y a juste une "continuité", la première respiration permet la deuxième, mais la deuxième respiration n'est pas l'évolution de la première, la première cesse complètement d'exister pour ainsi laisser l'autre apparaitre. La deuxième respiration ne peut pas apparaitre tant que la première n'a pas complètement cessé. L'idée de "continuité" est bien réel par rapport a la réalité d'enveloppement, mais ultimement où est cette "continuité" a ta respiration ?? Nul pars...

<<metta>>
:)
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Dharmadhatu
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Michel a écrit :Et qu'entends-tu par "permanent" ??
:D Si cette question s'adresse à moi, je fais un petit copier/coller de la 1ère page de ce fil:
Personnellement j'ai plus de difficultés à comprendre la permanence que l'impermanence,
En philosophe bouddhiste, la définition de permanent est "ce qui est une base commune entre un phénomène et la non instantanéité" (tib. tcheu dang kétchikma mayin pa shithun pa). Ca veut dire que cet existant ne change pas d'instant en instant. Ensuite, il y a la permanence temporaire (rengawé takpa, comme la vacuité d'une tasse), et la permanence dans le temps (du tenpé takpa, comme la vacuité des existants en général ou comme l'espace).
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Iskander

shuuuut_8 double post shuuuut_8
Dernière modification par Iskander le 25 novembre 2011, 14:32, modifié 1 fois.
Iskander

Dharmadhatu a écrit :en philosophie bouddhiste, il y a des catégories, des ensembles;

->A) l'ensemble le plus grand, celui qui contient tous les autres est celui de la vacuité: tout est vide, a) les existants comme b) les non-existants.

Parmi l'ensemble a) des existants, il y a

- a1) les causalement composés et les a2) non-causalement composés. Les premiers sont impermanents et les seconds sont permanents.

Mais tous sont vides sans exception.
Merci de ce tableau récapitulatif. J'assume que ce que tu appelles phénomènes non-existants sont des phénomènes spéculatifs (par exemple le vide rouge, le soi)?
on parle de la vacuité d'un phénomène, le fait que celui-ci n'existe qu'en tant qu'expression de causes dépendantes.
Pas uniquement, sinon les phénomènes non-produits (non-dépendants de causes) seraient doués d'existence indépendante.
Pourquoi est-ce que les phénomènes non produits (non-dépendants de causes) ne sont pas doués d'existence indépendante?
Tu as donné trois exemples de phénomènes non produits (espace, vacuité, svabhavikakaya). L'exemple de l'espace est facile, car il est multicomposé. L'espace existe car il y a une orientation (et donc deux directions). Cette orientation ne peut exister sans espace. Il y a une dépendance entre les deux. Pour la vacuité, il y a la relation entre la vacuité, et le phénomène dont elle est l'expression. Pour ce qui est du svabhavikakaya, je ne sais pas en quoi ça consiste, donc je ne peux en discuter. Je veux dire, est-ce par ce ce genre de raisonnement au cas par cas qu'on arrive à la conclusion que les phénomènes non produits ne sont pas doués d'existence indépendante, ou il y a un principe plus général?
Dans ce cas là, est ce qu'un je non samsarique n'a pas de manifestation (en dépit de sa continuité) en dehors des renaissances?
En dehors des renaissances, il peut en effet y avoir une continuité: par exemple, le Bouddha ne renaîtra plus, il ne fera que manifester des émanations. S'il n'en manifestait plus (si tous les êtres n'en avait plus besoin), son Dharmakaya continuerait d'exister. Et donc, il y aurait toujours ce "je" conventionnel car le continuum d'un Bouddha n'est pas le continuum d'un autre Bouddha: même si tous les Dharmakaya ont la même saveur, ils ne sont pas un seul et même esprit éveillé.
Très intéressant (les continuums de même saveur mais distincts). Quelle est la nature des émanations du Bouddha? Et qu'est-ce le Dharmakaya?
et s'il en a, quels sont les composés qui permettent sa manifestation? les prana?
Lorsqu'on parle d'état transcendant le samsara, il peut en effet d'agir de l'Eveil, or les prana sont le rupakaya: composé mais pas contaminé. Il n'y a pas que cela, il y a aussi la conscience éveillé: le jñanadharmakaya.
Les untelkaya sont diverses formes d'expression du continuum? des sortes de "matières"?
et dans les traditions qui n'admettent pas de composés subtils non contaminés, il n'y a pas de manifestation de je en dehors des renaissances?
Je ne sais pas trop car plusieurs de nos amis théravadins m'ont dit que le nirvana non résiduel n'était pas un néant. Donc il y a bien quelque chose qui continue d'exister; si c'est le cas, il est tout à fait possible d'attribuer ce "je" en dépendance de ce qui continue d'exister.
Et quelles sont les manifestations de ce "je", suivant la conception théravadine (peut être qu'un lecteur versé dans cette tradition pourra répondre à cette question)?
Je dirais que ce que tu appelles le soi est la capacité de se manifester de façon indépendante.
Lorsque je parle d'un supposé soi inhérent, oui, mais je nie totalement l'existence d'un tel soi.
C'est ce que tu appelles un non-existant, si j'ai bien compris ton tableau initial.

Quelques remarques supplémentaires, en relation avec les commentaires de Schoppenhauer: la relation impermanence-permanence que je mentionnais au début de ce fil n'est pas tellement liée à la création ex-nihilo ou à l'anéantissement de quelque chose. Je parle de permanence/impermanence en termes d'existence de quelque chose en tant que phénomène unitairement identifiable. Ainsi par exemple je peux prendre de la farine, oeufs, sucre et graisse et faire un gâteau. Le gâteau a été créé (ou plutôt associé), puis détruit par son ingestion et digestion (le gâteau a été dissocié). Ma question porte donc sur la permanence en tant que phénomène unitaire et identifiable d'un continuum de conscience et mémoires associées qui semble persister de façon indéfinie. Je m'interroge sur le pourquoi de sa non dissociation à plus ou moins brève échéance.
Verrouillé