Un des problèmes est que je patine beaucoup avec les concepts utilisés, donc je vais essayer de créer un glossaire:
vacuité
Si je comprends bien ton explication, les phénomènes non composés sont dénués de vacuité, est-ce bien le cas? Peux-tu donner des exemples de phénomènes non composés?Dharmadhatu a écrit :la vacuité est incomposée, elle est permanente, et pourtant son identité est désignée par rapport aux phénomènes dont elle est le mode d'être: quand on dit "la vacuité" en général, il s'agit d'un raccourci, mais en fait c'est toujours la vacuité de tel ou tel phénomène, ou encore de l'ensemble des phénomènes, et aussi la vacuité ou l'absence d'existence indépendante.
Par ailleurs, il semblerait que tu penses que la continuité d'existence et de conscience ait la vacuité comme mode d'être. Est-elle donc un phénomène composé, sans être samsarique?
Je vais essayer de reformuler une explication de la vacuité, suivant ce que j'ai compris: on parle de la vacuité d'un phénomène, le fait que celui-ci n'existe qu'en tant qu'expression de causes dépendantes. On pourrait aussi dire que la vacuité est l'absence d'existence indépendante.
non-soi
Très juste. Si je te suis, le je non samsarique est marqué par le non soi, lui aussi? Dans ce cas là, est ce qu'un je non samsarique n'a pas de manifestation (en dépit de sa continuité) en dehors des renaissances? et s'il en a, quels sont les composés qui permettent sa manifestation? les prana? et dans les traditions qui n'admettent pas de composés subtils non contaminés, il n'y a pas de manifestation de je en dehors des renaissances?Si la vague existait en elle-même, elle ne dépendrait pas des atomes dont elle est le mouvement. Puisque le mouvement des atomes dépend des atomes, il est vide d'existence en soi et par soi, d'existence indépendante.Je trouve que la vague d'eau existe en elle même, même si elle n'a pas de composants matériels permanents...
Je dirais que ce que tu appelles le soi est la capacité de se manifester de façon indépendante. Et donc seuls les phénomènes non composés ont un soi, ce qui n'est pas le cas du je non samsarique?
Pour ce qui est de l'impermanence de la continuité, je pense qu'on peut faire de nouveau le parallèle avec la vague: oui, la vague est différente à chaque instant, mais elle a une continuité dans le temps. Si cette continuité est permanente dans le temps, et bien c'est une forme de permanence, même si chaque instance est différente dans le temps. La conscience est permanente dans le fait qu'elle existe en tout temps, et impermanente dans son expression à chaque instant.Dharmadhatu a écrit :L'existence non samsarique (celle des Eveillés) est marquée par le non-soi et l'impermanence: même si la continuité existera toujours, ses instances successives changent d'instant en instant, car il s'agit avant tout de conscience, et la conscience est un flux qui se poursuit au sein de l'impermanence (sinon pas de flux, elle serait statique).
Personnellement je ne vois aucun obstacle à appeler âme une conscience continue, qui est d'ailleurs pourvue de mémoire, même si elle manifeste à chaque instant une instance différente. Pourquoi "conscience + continuité + mémoire <=> âme" serait une affirmation incorrecte? Qu'est ce qui m'empêche de considérer l'ensemble conscience, continuité, mémoire comme le référant?Attention, j'ai bien dit que cette identité permanente (le simple "je") est une désignation conventionnellement attribuée sur la base d'une continuité d'agrégats en perpétuel changement. Cela ne peut être assimilé à l'âme qui n'est pas sensée être une simple désignation mais le référent d'une désignation. Bref, ce n'est pas un "quelque chose" qui n'est qu'une fraction de ce qu'on appelle en général un humain".
Intéressant, je ne connaissais pas ce concept de souffles subtils non contaminés.C'est une vue qui existe au sein du Bouddhisme, mais selon d'autres vues, le Bouddha n'avait plus aucun bardas samsarique, parmi le Trikaya, il avait un paranirmanakaya: des agrégats non contaminés. La matière n'est pas forcément samsarique, si elle est issue de souffles subtils (prana) non contaminés.D'ailleurs j'imagine que ce flux continue aussi éternellement après l'éveil, sauf qu'il ne s'encombre plus d'une matière, une existence samsarique. Et dans ce cas de figure, Bouddha était ce flux dépourvu d'illusion, mais encore attaché à son "bardas samsarique" jusqu'à sa mort.
ok.C'est le même "je". Lorsqu'on envisage la continuité de la conscience en son entier, le "je" sera désigné sur la base de cette continuité tout entière. Lorsque, parmi cette continuité, on envisage une période, celle du samsara, le "je" sera désigné en dépendance de la continuité contaminée, et lorsqu'on envisage la période éveillée, le "je" sera désigné en dépendance de la continuité débarrassée de contaminations.Pour résumer, il y aurait donc un "je" samsarique (celui avec notre personnalité, notre corps physique, notre vision troublée, toujours changeant), et puis le "je" non samsarique, avec notre conscience, notre mémoire (puisque on se rappelle de nos existences passées), une "vision éveillée", et toujours le même au cours des âges, vu qu'il est permanent.
Merci des explications!
