Ted a écrit :Est-ce qu'il faut détourner les yeux "quand on assiste à la souffrance d'un être et qu'on "ressent" sa douleur" et contempler plutôt notre nombril ?
Non. Je dis qu'il ne faut pas confondre la Compassion Infinie, qui est une Sagesse déployée à partir du Dharmakaya par l'illumination de Prajna (qui est spontanée dans le Dharmakaya), et l'empathie ou la compassion des êtres "ordinaires", qui n'est qu'un sentiment d'identification fabriqué par une hormone. Il convient de faire la différence et se prendre pour un Bodhisattva parce qu'on éprouve de la compassion pour les malheureux, c'est simplement une erreur.
L'empathie ne jouerait qu'un rôle mineur dans la quête bouddhique ? Pardon si je te comprends mal.
Moins que ça : elle ne joue
aucun rôle.
Pourtant, il me semble que c'est l'empathie qui a poussé Siddartha Gautama vers sa quête de la libération. <<metta>>
Non, justement. Gautama est né avec un
karma très favorable ; cela signifie qu'il avait
déjà fait l'expérience de la Vue dans sa vraie nature dans une "autre vie". Son éveil n'était pas encore définitif et il est "revenu" pour parachever sa quête initiale. Si tu n'es pas convaincu, rappelle-toi que tous les êtres sensibles sont doués d'empathie (tout du moins les mammifères et, semble-t-il, certains oiseaux). Si cette empathie — laquelle est hormonale — était de nature à pousser les êtres vers la quête de la libération, nous serions tous bouddhistes. Or, c'est très loin d'être le cas.
L'empathie est un moteur formidable pour cesser de se complaire dans son petit confort de fils de roi ou d'occidental favorisé.
L'empathie me semble le coeur de la Bodhicitta (l'esprit d'éveil) sans lequel, il n'y a pas d'éveil possible.
L'empathie n'est pas un sentiment "bisounours" . Je ne crois pas.

C'est un sentiment partagés par tous, y compris les criminels, même si ces derniers ont sans doute des problèmes qui relèvent ultimement de la psychiatrie. Ne te fait aucune illusion là-dessus. Je ne suis pas non plus en train de dire qu'il faut rester froid et insensible aux êtres en souffrance, mais se prendre pour un Bodhisattva à cause de ça, c'est se mettre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude.
Je sens dans l'empathie une énergie transformatrice d'une rare puissance. Il y a des représentations du Bouddha de la Compassion versant des larmes.
Tu te fais des illusions, désolé de le dire aussi froidement. Les animaux éprouvent autant d'empathie que les humains. Ça a été démontré, précisément parce que c'est la conséquence d'un facteur biologique qui, s'il était bloqué par des antagonistes, rendrait les êtres insensibles. Par ailleurs, les iconographies sont des projections humaines. Les larmes sont un symbole associé à la souffrance ; il est donc logique de voir ce type de représentation. On montre aussi des Bouddhas assis sur des fleurs de lotus. Tu en as vu beaucoup, en vrai, des Bouddhas capables de s'asseoir sur une fleur de lotus ?
Alors, la Compassion Infinie, qui serait représentée uniquement en tant que Sagesse Connaissante, privée d'empathie me semble étrange.
Elle n'est pas privé d'empathie, encore une fois :
l'empathie n'a strictement rien à voir avec la Sagesse de la Compassion Infinie. Encore une fois : les êtres sensibles — qu'ils soient des Bouddhas ou des êtres ordinaires — éprouvent
sans exception de l'empathie comme ils éprouveraient de l'affection, ou de la faim ou de la soif (je veux parler du besoin de boire de l'eau quand on a soif)... ; mais seuls les Bouddhas et les Bodhisattvas connaissent la Compassion Infinie.