Sans vouloir polémiquer non plus, je pense — je développe un peu plus bas — qu'on commet une erreur si l'on considère le Dharmakaya comme un phénomène ou un existant, même s'il est reconnu par un Bouddha et que bien entendu il existe, sinon, on ne pourrait pas le réaliser. En fait, c'est ce par quoi le Bouddha se reconnaît lui-même ou sa propre nature. En d'autres termes, le Dharmakaya se reconnaît lui-même, en quelque sorte.Dharmakaya a écrit :le Dharmakaya qui ne se manifesterait pas: toujours selon le BT, un Bouddha est doué d'omniscience (sarvakarajñana) et peut donc connaître tout existant, c'est pourquoi un existant/phénomène est forcément un connaissable [pour une conscience omnisciente]: donc un Dharmakaya est suceptible de manifestation au regard des autres Dharmakayas
Pourquoi dis-je que le Dharmakaya n'est pas un phénomène ou un existant ? Parce que sa vacuité n'est pas de la même nature que celle qui est inhérente aux phénomènes (interdépendance). De fait, il n'est pas perçu ou reconnu selon le mode qui permet de reconnaître un phénomène ou un existant. J'ajoute que ce mode de perception du Dharmakaya a été analysé par D.T. Suzuki dans son ouvrage "le non mental selon la pensée zen" quand il étudie le caractère chinois associé au verbe "voir" (dans sa vraie nature). En effet, avant Huineng, le caractère associé au verbe voir était 看, qui se prononce Kàn qui veut dire "regarder" et qui suggère donc une dualité sujet/objet (le Dharmakaya est vu comme un phénomène ou un existant). Depuis Huineng, le 6ème Patriarche, le caractère qui prévaut pour "voir" (dans sa vraie nature) est 見, qui se prononce Jiàn. Ce second caractère, qui représente un oeil sur deux jambes, suggère le simple fait de voir (sans objectif) et est donc non duel. D'après Suzuki, le fait qu'on ait écrit 看 avant Huineng tendrait à démontrer qu'une erreur sémantique était commise, même si, dans les faits, les Patriarches ne commettaient pas d'erreur. Mais, toujours selon Suzuki, cette erreur sémantique s'est transmise dans certaines écoles du Zen, dont l'école du Nord (Shen Xiu, le "rival" de Huineng) notamment, ce qui aurait conduit à une compréhension erronée.
Cela étant précisé, je ne connais pas bien le BT (ne l'ayant pratiqué qu'au tout début de ma quête, et seulement deux années de suite avec Lama Shérab, à Kagyu Ling), et ne saurais donc dire s'il existe, selon le BT, différents types de phénomènes et que le Dharmakaya ferait partie d'un phénomène d'un genre particulier (précisément parce que sa vacuité ne résulte pas de l'interdépendance).
Pour ce qui est du Dzogchen, mes seules connaissances résultaient de ce que j'ai pu apprendre de Yamantaka et de JL Achard dans leurs forums respectifs et ne saurais donc argumenter. D'après ce que j'en avais compris, Rigpa (qui signifie "discernement" selon JL Achard) est la reconnaissance de l'Etat Naturel et donc du Dharmakaya. Après, s'il existe différents type de discernements dans le Dzogchen, j'avoue que je n'en sais trop rien.Dans le Dzogchen, il existe plusieurs types de rigpa (assimilé à "état naturel"), mais n'importe quel type de rigpa n'est pas le Dharmakaya, seul l'est le gzhi'i rig pa, le rigpa de la base. (Cf. les enseignements dzogchens de Sa Sainteté le Dalaï Lama).