L'état naturel

Dumè Antoni

Michel-paix a écrit :Dire : l'absence d'existence inhérente qui anime les phénomène, est une constatation de l'expérience, elle n'est pas une expérience
Ce n'est pas le sujet ici, Michel. Jean Luc Achard veut dire ici que la Vacuité de l'Etat Naturel n'a rien à voir avec celle qui est propre aux phénomènes (en ce qu'ils sont vides d'existence propre car interdépendants...). Il ne faut donc pas appliquer au Dzogchen et au Zen (du moins au Saijojo zen car le Zen sutrique l'applique => voir TNH par exemple) les concepts qui résultent de l'observation raisonnée propre au Madhyamaka, par exemple.
Dire : une essence vide qui est éprouvée comme... c'est le ressenti de l'expérience
Non. L'épreuve n'a rien à voir avec un ressenti. L'épreuve exprime très justement le fait que la réalisation de l'Etat Naturel est la preuve de l'existence de celui-ci ; c'est l'élément sapiential et visionnaire de l'expérience. Sans réalisation, on ne peut prouver l'existence de l'Etat Naturel (et évidemment, s'il n'existait pas, on ne pourrait pas le réaliser et donc faire la preuve de son existence). Celui-ci n'étant pas mis en évidence par les inférences logiques du Madhyamaka (qui n'est pas une Vue, n'en déplaise aux adeptes acharnés), il faut le réaliser pour l'affirmer (ou affirmer son existence). Quand Çakyamuni a réalisé que tous les êtres ont la nature de Bouddha, il a fait la preuve de l'existence de l'Etat Naturel (Nirvana) et que celui-ci est la libération du Samsara.
en vrai, cette auteur est un peu ridicule, car peu importe nos ressenti, tout ce que l'on experimente est possible de l'experimenter parce que ce sont des dhammas (phenomenes)
Dire que JLA est un peu ridicule, euh, comment dirais-je :lol: . Non, certainement pas. Par ailleurs, mettre l'Etat Naturel au rang des phénomènes, c'est un peu court. Car cela voudrait dire que le non-né est un phénomène lié à d'autres. Ce n'est pas exact, même si sa réalisation est nécessaire (mais je ne pense pas que l'on puisse faire du non-né une conséquence de la réalisation ; réaliser n'est pas créer ou inventer). Encore une fois, la Vacuité/Clarté n'a rien à voir avec "l'absence d'existence qui anime les phénomènes". Bon, cela étant, tu auras tous les démentis de certains adeptes du Madhyamaka pour dire que ce n'est pas du Bouddhisme. Mais bon, comme ces adeptes n'ont aucune Vue, leur avis, en l'occurrence, ne compte pas ici.
que l'on parle de voile cognitif ou de l'experience de l'état naturelle, cette nature dites fondamentale, reste tout aussi vide d'existence inhérente que le samsara, bref on peut pas dire que sa soit plus que ça, car c'est pas plus que ça, meme si juste dire : l'etat naturel est vacuité est assez insatisfaisant, en tant que presentation intellectuelle (ensemble de mot qui font des phrases) !!
Non, Michel, tu appliques au Dzogchen des raisonnements qui le lui sont pas du tout adaptés. Ce que tu dis n'est pas exact et est inadéquat par rapport à l'expérience de l'Etat Naturel selon le Dzogchen. L'Etat naturel n'est pas "vide d'existence inhérente". La vacuité comme absence d'existence inhérente ne s'applique pas à l'Etat Naturel/Dharmakaya/Nirvana.
Si l'etat naturelle est libre d'elaboration intellectuelle, dirais-tu que ceux qui en fond c'est parce qu'il se sont égarer en chemin ?? :lol:
Je ne suis pas sûr de bien te comprendre, mais ceux qui font des élaborations intellectuelles relativement à l'état naturel en sont, au mieux, au 2ème tableau du dressage du buffle (en référence au Zen) et qui se nomme "trouver les empreintes", c'est à dire l'étape qui précède la Vue du buffle (le buffle est ici l'équivalent de l'Etat naturel) ; ils ne sont pas égaré. En revanche, ceux qui s'obstinent à penser que trouver les empreintes du buffle est la plus haute réalisation de la pratique bouddhiste sont des égarés, voire des incurables quand leur détermination à s'enliser dans cette étape est plus forte que le doute.
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Dharmadhatu
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Dumè Antoni a écrit :Il ne faut donc pas appliquer au Dzogchen et au Zen (du moins au Saijojo zen car le Zen sutrique l'applique => voir TNH par exemple) les concepts qui résultent de l'observation raisonnée propre au Madhyamaka, par exemple.
:D On pourra voir dans Dzogchen, l'essence du coeur de la Grande Perfection, et dans La Grande Paix de l'esprit, de Sa Sainteté le Dalaï Lama, ainsi que dans les 2 annexes de Realizing Emptiness de Gen Lamrimpa et enfin dans Meditation on the Nature of Mind (Dalai Lama, Khonton Peljor Lhundrup et José I. Cabezon) que la vue madhyamika est très utile pour opérer ce que le Dzogchen appelle trektcheu: la percée au travers de l'esprit (sems).

J'imagine que ce ne sont pas les seuls occurrences puisque ça fonctionne, et Gyelwa Longchenpa, comme nombre de grands Maîtres authentiques, assimile les vues du Madhyamaka, du Mahamudra et du Mahasandhi dans sa trilogie du Samten.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Dumè Antoni

Yamantaka, sur son forum Vues Bouddhiques, répond – bien mieux que je l'ai fait car je ne suis pas un adepte du Dzogchen – à Michel paix.

S'agissant de la partie visible et accessible à tous du forum VB, chacun pourra répondre.

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Le vent

axiste a écrit :L'existence dans un va et vient qui me plaque au dehors comme si j'observais ce mouvement, puis finalement non, je plonge dans ce mouvement et puis reviens encore…il n'y a pas de dedans ou de dehors, de moi ou de monde là, juste un entrecroisements de choses qui sont des explosions comme autant de naissances que je relie avec un fil mémoire qui lui même subit les assauts de perceptions lors des instants de conscience qui s'enchaînent…
Texte surprenant qui met des mots sur quelque chose que j'ai vécu lorsque j'étais ado ! Très anxiogène pour moi à l'époque ce qui fait que le souvenir est fort... une prise de conscience vertigineuse involontaire et incomprise !
Je suis donc ce post avec attention puisqu'il éclaire une "claque" d'il y a 25 ans !
Merci à tous jap_8
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Flocon
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La réponse de Yamantaka est remarquable. Merci pour le lien.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Ta signature est remarquable Flocon. Je ne te l'avais pas encore dit, j'en profite.
  • Flocon a écrit : Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
    Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
    Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

    Kong Tseu
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Flocon
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Merci. :)
Pour éviter toute erreur, je précise qu'il s'agit d'un texte confucéen, et non bouddhiste. Je l'ai choisi par amour de la philosophie chinoise classique.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Dumè Antoni a écrit :
Jean-Luc Achard a écrit :La confrontation directe à l'essence de l'état naturel est la pierre angulaire de toute la « Voie de la grande perfection ». Elle est donnée par le maître, dans une intimité spirituelle qui favorise la reconnaissance de cet état et qui ouvre l'esprit de l'adepte aux sublimités de sa propre nature. Cette nature s'exprime dans la coalescence de ce que l'on désigne comme la vacuité-clarté. La vacuité est ici l'aspect d'immensité céleste que le yogi expérimente au cours de sa méditation. Nue et immaculée, cette immensité est bien plus que l'absence d'existence inhérente qui anime les phénomènes : c'est la base même de l'état naturel qui accueille en son domaine originellement pur les prodiges de sa propre spontanéité. Cette dernière est l'expression manifeste de l'état naturel, expérimentée dans le recueillement méditatif sous la forme d'une clarté intense de l'esprit qui se sublime en manifestations visionnaires irisées. Pour approfondir l'expérience de cette confrontation, l'adepte doit méditer avec soin sur la source, la demeure et la destination des pensées, afin de réaliser que l'esprit est proprement insubstantiel. Dans ce but, il s'installe dans l'instantanéité de l'esprit, c'est-à-dire qu'il accède directement à son essence (grâce à la confrontation antérieure donnée par le maître) et il s'ouvre ainsi aux merveilles du vide et de la clarté indifférenciés. De cette manière, il se révèle à lui-même sa propre essence à travers une véritable connaissance expérimentale de l'état naturel. Cette connaissance ou acte de conscience de la réalité est ce que l'on désigne comme le discernement (rigpa). Celui-ci permet en effet de discerner clairement la purissime nature de l'esprit en la distinguant du processus de discursivité ou de discours intérieur qui caractérise l'esprit ordinaire. Au cours des périodes intermédiaires entre les sessions de recueillement méditatif, l'adepte réalise que son discernement s'exprime en fonction de trois modalités :

1. une essence vide qui est éprouvée comme primordialement pure, libre de concept et d'ignorance, et comparée au ciel sans nuage, c'est-à-dire à la spatialité de l'état naturel ;

2. une nature lumineuse et spontanément accomplie, semblable au ciel et expérimentée comme une clarté incessante et libre de toute élaboration intellectuelle ;

3. une compassion omnipénétrante, exprimée en un dynamisme multiple qui est comparé aux rayons du soleil.
source : http://jmaes.free.fr/enseignements/peltrulrinpoche.htm
Ce texte est une pure merveille ! et un remarquable résumé d'une voie tout à fait respectable, j'en suis certain.
En parcourant le fil, j'ai été étonné qu'il déclenche autant de réactions négatives : "méfiance" de la part de Jules, "scepticisme" chez Michel Paix. Flocon a même parlé de style hyperbolique ou d'expressions hyperboliques pour être précis.

Mais si on n'était pas dans l'hyperbole hein ? Si tous ces superlatifs, que Jules a mis en évidence, ne décrivaient que l'exacte et plate vérité ?

Michel se méfie de toute liturgie et adhère à l'idée qu'il n'y a rien en dehors des 5 agrégats. Les présentations Dzogchen aux airs quasi-religieux ne peuvent que lui déplaire. Il n'y retrouve pas ses repères centrés sur une combinaison psycho-physique. Mais encore faut-il comprendre que cette magnificence ne décrit pas un univers extérieur, mais un univers intérieur. C'est là que le Dzogchen se rattache in extremis au bouddhisme.

Ca dérange qui de savoir que notre Vraie Nature est "immaculée", "grande perfection", "sublimité", "immensité céleste" ?

Le bouddhisme c'est de la souffrance au départ. Mais la Grande Félicité à l'arrivée, le Nirvana, c'est du plaisir en barre. C'est pas de l'esthétique hyperbolique pour attirer les gogos et prendre leurs sous, ni pour consolider l'influence d'un gourou ! Dans le canon pali, le Bouddha précise à un jeune homme que les plaisirs et la joie auprès des dévis sont 100 ou 1000 fois supérieurs (facteur à vérifier) que ceux apportés par la plus belle des femmes. :)

Le thème de l'extase et de la joie profonde, est un thème récurent dans le bouddhisme. Le mot nirvana étant devenu synonyme de pur bonheur, de pur plaisir, en langage courant.

Voilà pourquoi il serait bienvenu que ceux qui défendent ce texte fassent des réponses joyeuses, :) sous peine de laisser croire au lecteur que le remède n'est pas si efficace que cela. <<metta>>
love_3 <<metta>> love_3
Dumè Antoni

Ted a écrit :Voilà pourquoi il serait bienvenu que ceux qui défendent ce texte fassent des réponses joyeuses, :) sous peine de laisser croire au lecteur que le remède n'est pas si efficace que cela. <<metta>>
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Je ne sais trop que penser de ton intervention, Ted. Je ne crois pas qu'une réponse "joyeuse" soit adaptée à toutes les circonstances. Il existe des colères saines (voire "saintes") et parfaitement justifiées quand on est face à des opinions qui sont sources d'égarement. Il faut considérer, du point de vue bouddhique, que toute vue/opinion erronée est un poison et qu'il convient de le traiter comme tel, c'est à dire avec un remède adapté au mal. Et quand le mal est grand et profond, comme on dit : "aux grands maux, les grands remèdes". On ne soigne pas un cancer avec des pastilles Valda ou de l'homéopathie. Le mot "cancer" est un peu fort, sans doute, mais l'idée est là.

Les divinités courroucées existent dans le Bouddhisme. On n'en trouve pas dans le Zen, mais les coups de bâton des maîtres en sont l'expression la plus réaliste. Je ne sais pas comment l'on se représente la Vue Juste. Peut-être comme l'élimination de toute forme de courroux ? Mais il ne faut pas confondre le courroux et la haine ou la colère névrotique ! Lin Tsi (Rinzaï) disait que les coups de bâton qu'il reçut de son maître Huang po étaient "comme s'il m'eût caressé d'une branche d'armoise aromatique". Bien sûr, je comprends que sur un forum francophone, il n'y a pas de relation de maître à disciple et l'on ne vient pas pour prendre des coups de bâtons. Cela étant, quand on s'aventure dans des sujets sensibles parce qu'ils sont des fondamentaux du Bouddhisme (le Bouddhisme n'existerait pas sans la réalisation de l'état naturel, par exemple), il faut admettre que l'on puisse avoir des réponses musclées, parfois à la limite de la courtoisie.

Je pense, par ailleurs, que le lecteur ne doit, en aucun cas, prendre les propos des forums, quels qu'ils soient, pour des remèdes ou des preuves de remède, surtout quand on ne sait pas ce qu'est le remède (beaucoup, dans le Bouddhisme, prennent la maladie pour le remède). Il n'y a qu'un remède, c'est la réalisation de sa vraie nature et son propre enracinement dans cette réalisation. Tant qu'il n'y a pas réalisation – même incomplète – il n'y a pas de Vue ; et sans la Vue, les discours ne sont pas autre chose que des fatras d'opinions, même si, par ailleurs, lesdites opinions sont puisées dans les sutras.
ted

Je vais sur la plage.
Il fait beau.
flower_333
Verrouillé