La vacuité

ted

Dharmadhatu a écrit : Si on cherche à son tour ultimement la conscience qui fait ce constat, on ne la trouvera pas: est-elle l'aspect de clarté ? est-elle l'aspect cognitif ?
Et si on cherche le "on" qui cherche, on ne le trouvera pas non plus je suppose ? Et ainsi de suite. Mais ça peut aller loin comme ça. :oops:
Thich Nhat Hanh parlait de l'observateur qui observe l'observateur qui observe l'observateur qui... etc..

Ne serait-ce pas parce qu'on veut observer justement ce qui nous permet d'observer ?
L'oeil peut-il se voir lui même ?
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Dharmadhatu
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ted a écrit :
Dharmadhatu a écrit : Si on cherche à son tour ultimement la conscience qui fait ce constat, on ne la trouvera pas: est-elle l'aspect de clarté ? est-elle l'aspect cognitif ?
Et si on cherche le "on" qui cherche, on ne le trouvera pas non plus je suppose ? Et ainsi de suite. Mais ça peut aller loin comme ça. :oops:
Thich Nhat Hanh parlait de l'observateur qui observe l'observateur qui observe l'observateur qui... etc..

Ne serait-ce pas parce qu'on veut observer justement ce qui nous permet d'observer ?
L'oeil peut-il se voir lui même ?
jap_8 Oui on peut aller loin, c'est comme vouloir piquer les pépins de tomate avec la fourchette, ils nous échappent toujours.

En fait, on peut observer la conscience elle-même, au niveau conventionnel. Soit un instant de conscience actuel se rend compte d'un instant de conscience antérieur, soit une partie de la conscience en observe une autre (dans n'importe quel type de méditation, la vigilance jouera ce rôle par exemple). Quand les prasangikas comme Shantideva disent que l'épée ne peut se trancher elle-même ou la lampe s'illuminer elle-même, c'est parce que l'auto-perception envisagée dans certains courants du Chittamatra est considérée comme une auto-perception en soi.

D'ailleurs, dès qu'on n'est pas dans le Prasangika-madhyamaka, on adhère peu ou prou à une existence en soi, même si on se réclame officiellement de la voie médiane (madhyama-pratipad); seule la vue prasangika échappe effectivement aux extrêmes: celui du nihilisme par la vacuité et celui de l'éternalisme/absolutisme par l'existence dépendante (pour les autres écoles on échappe au nihilisme par l'existence dépendante et à l'absolutisme par la vacuité).

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
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jules
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Ted : Et si on cherche le "on" qui cherche, on ne le trouvera pas non plus je suppose ? Et ainsi de suite. Mais ça peut aller loin comme ça.


Il y'a bien me semble-t-il l'état extatique venant du terme "extase" signifiant étymologiquement "être en dehors de soi-même" qui est un état trompeur dans lequel on peut avoir le sentiment de pouvoir trouver ou voir le soi. Je crois que pas mal de bouddhiste connaissent cela et le prennent pour l'éveil. C'est à la fois jouissif et douloureux, jouissif sur le moment mais douloureux lorsque cela cesse et qu'on cherche vainement à le rattraper. C'est cet état que j'ai apparenté à tort semble-t-il au kensho dans le sujet que j'ai ouvert du même nom (kensho). jap_8
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michel_paix
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Belle présentation cher DharmaDhartu, je ne peux rien affirmer qui dirais que c'est faux, je dirais meme que c'est un peu trop bien !! Je vais te compter une histoire...

Un jour j'étais avec un ami dans ma voiture et il me dit: tu devrais attacher ta ceinture, il a beaucoup de police !! J'ai répondu t'inquiete pas, je les voient venir ..... paf les lumieres de police flash pour me demander de m'arreter, bref j'ai eu une infraction de 80$ pour ne pas avoir attacher ma ceinture !!

Depuis cette histoire, a tout les moments que je me dis: bah je vois cela venir, j'entend la sirène de police (dans ma tete) qui me rappel que j'ai eu tors !!

Où je veux en venir ?? C'est simple, quand je crois qu'une chose est réel en absolu pour moi, souvent accompagner d'un univers faites d'espoir et de peur, j'entend les discours, les livres, nos discussions et autre... mais ce rappel n'est pas une voie en soi, c'est meme pas un accomplissement en soi, ni meme un avancement "c'est un contre poison", un avertisseur, mais parfois cette avertissement face a nos propres ignorance n'a plus besoin de ce produire en nous, car CETTE ignorance ne se produit plus, si elle n'a plus besoin de ce produire, en nous, c'est que l'on a avancer sur la voie, car comme dans mon histoire, quand je me dirais plus a moi meme: je sais voir a police d'avance, alors le contre poison, l'avertissement n'aura plus sa raison d'etre, en ce sens la voie du milieu n'est pas une pensé intellectuelle, mais bien l'avancemement (fin de l'ignorance) bref en quelque sorte la voie du milieu est la fin de tes discours, ne plus avoir besoin de reposer sur un extreme pour garder l'equilibre !! Ce que tu presentes est important a discuter, mais sur la voie moyenne, sa seul fin importe "plus besoin d'avertisseur car l'ignorance a cesser", tu sais deja cela, c'est juste pour ne pas laisser entrevoir la meditation comme etant une pratique de reflexion et d'analyse speculative !! Tu répondrais comme l'oiseau a besoin de ces deux ailes pour bien voler !! ;)

Amicalement content de te lire !!
:)
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Dharmadhatu
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:D Coucou Michel,

Ce que tu rappelles est important parce qu'il y a une idée fausse qui traîne depuis longtemps dans les cercles plus ou moins bouddhistes: le fait que comme la réalisation ultime est dénuée de conceptions, il faut se passer le plus possible de réflexion ou de conceptions pour réaliser la vacuité. C'est là que le bas blesse, et le pire c'est que cette idée fausse (ou cet absence de juste milieu par rapport à la conception) est dite reposer sur des citations comme celles de Nagarjuna ("l'apaisement des élaborations") ou de Shantideva ("lesprit, libéré des concepts, s'apaise") etc. En effet il doit de toute façon y avoir un apaisement des concepts: mais jamais avant que ceux-ci n'aient joué leur rôle.

Autrement dit, l'apaisement des concepts est un effet de la réalisation de la vacuité engendrée par la vue juste, mais n'en est pas la cause.

Merci d'avoir permis cette précision. jap_8

FleurDeLotus
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axiste
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L'existence ne me semble pas purement nominale car elle se manifeste dans l'expérience au sein d'un mouvement qui s'étire, les mots tentent de la circonscrire mais elle échappe toujours…

C'est scintillant. alternatif. un courant de choses qui se connectent et vibrent d'un même pas…c'est animé, électrique.

L'expérience m'apparaît d'abord corporelle, mais curieusement je peux aussi avoir des sensations ou perceptions qui me projettent ailleurs: une main dans une glace qui n'est pas la mienne et que fugitivement j'ai saisie comme mienne, une chaise sur laquelle je m'appuis et qui est comme le prolongement de mon corps: je la ressens ainsi fugitivement…c'est renversant et je reviens aux limites corporelles, l'impression d'un basculement.

Est-ce que ce que je viens de nommer existe ?

L'existence dans un va et vient qui me plaque au dehors comme si j'observais ce mouvement, puis finalement non, je plonge dans ce mouvement et puis reviens encore…il n'y a pas de dedans ou de dehors, de moi ou de monde là, juste un entrecroisements de choses qui sont des explosions comme autant de naissances que je relie avec un fil mémoire qui lui même subit les assauts de perceptions lors des instants de conscience qui s'enchaînent… interception de milliers d'impressions en tâche de fond qui scintillent à la surface et qui passent…difficile de me voir là dans cette rivière de sensations et de perceptions.

Y a t-il un monde là dehors quand le monde rentre en nous de telle façon qu'il n'y a plus de limites entre lui et nous? Pouvons nous encore définir par les mots ou nommer ce qui passe ? Simplement accueillir ce qui vient parce que…c'est ce qui est.

Mais on ne peut s'en saisir : il y a ces instants de conscience et c'est juste traversant.

Cela ressemble aux mots cités par Ted :
l'oeil ne peut se voir lui même…
J'aime bien aussi l'image de la fourchette et des pépins de tomates, c'est glissant.

Les mots pourtant sont de merveilleux outils pour créer, et comme dit Dharmadhatu
" l'outil dépend de l'usage qu'on en fait, et vice-versa. "
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- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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Dharmadhatu
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jap_8 Axiste.

Une question m'interpelle au milieu de ta jolie prose:
Est-ce que ce que je viens de nommer existe ?
On pourrait dire que ça dépend... hélas tout ce qu'on nomme n'existe pas: la paix dans le monde, l'égalité des salaires hommes/femmes, l'éternel printemps, l'existence en soi, des cornes de lapin.

J'aime imaginer pourtant qu'à force d'invoquer la paix dans le monde, l'égalité sociale etc. elles finiront bien par arriver à force de marquer ou d'inspirer les esprits; pour les cornes de lapin, avec les trafics d'ADN ça peut encore venir, pourquoi pas ? mais j'ai plus de mal à imaginer que même si on faisait de l'expression "existence inhérente" un mantra, ça ne la ferait pas venir à l'existence pour autant.

Nagarjuna dit dans le Traité du milieu: "Pour qui la vacuité est possible, tout est possible". On peut ajouter: sauf l'impossible ! ::mr yellow:: autrement dit, sauf l'existence absolue (puisque la vacuité en est la négation).

FleurDeLotus
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jules
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Est-ce que ce que je viens de nommer existe ?
Je dirais différemment de toi Dharmadhatu quant à cette question, et pour reprendre tes exemples : la paix dans le monde et l'égalité des salaires hommes/femmes existent tels un espoir, l'éternel printemps existe tel un fantasme, l'existence en soi existe en tant que concept, les cornes de lapin existent dans l'imaginaire.
D'ailleurs, je reviens à l'étymologie du terme exister qui est "sortir de, se manifester, se montrer". On pourrait parler je crois de manifestations abstraites concernant ces existants.
Qu'en penses-tu ? Comment tout ceci est-il traité dans le bouddhisme ?

jap_8
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michel_paix
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L'oeil ne peut pas se voir lui-même ?? Ah bon j'ai les yeux pair (vert et brun) je sais cela non pas parce qu'on me la dit, mais simplement puisque mes yeux peuvent se voir eux meme, en regardant dans le miroir d'une salle de bain (exemple) !! Hiihii

Amicalement !! :)
:)
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axiste
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Merci Dharmadathu, sans doute l'essentiel n'est pas les expériences que l'on traverse, c'est ce qu'on fait ensuite avec les yeux que l'on a. C'est pas si simple d'ailleurs. S'ancrer dans la réalité me semble être une bonne voie; ça passe par la reconnaissance de ce monde là en nous.

Et oui les mots sont sensées décrire des choses qui sont sensées fonctionner à leur tour. Pour un peu plus de paix et pour un peu plus de conscience dans ce monde. Chacun à son échelle …que les barreaux que je touche puissent être à la hauteur de mes jambes, ce sera beaucoup déjà.

Ted je ne sais pas. C'est pas la réalité concrète, le quotidien, ça permet pourtant de lâcher davantage….mais récolter des sourires autour de moi me semble plus utile et plus sain, une sorte d'écologie des relations humaines. Que mes pas touchent les coeurs pour rallumer des étincelles de vie. Le reste je ne sais pas.
...

Quant aux autres, merci pour vos contributions, j'aime beaucoup le poème de Soseki Flocon :)
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