Juste une question : "qui" peut énoncer le fait qu'on est dans la sensation, la perception, la pensée discursive? Hein? Moutonnnnn
et donc "qui" peut énoncer le fait que l'éveil (et l'éveil de qui ou de quoi) soit là?
Bon, je chipote sur la formulation, mais il me semble que la façon de penser le langage a son importance dans tout ça.
Ajahn Chah dit une chose, tous les autres semblent dire autre chose à l'inverse (et permettez-moi juste de dire que vous êtes les relais indirects de ces paroles, donc je ne sais que ce que vous en dites).
Donc je vais me livrer en direct à un test : je vais prendre Dogen, Ikkyu et un sutra du bouddha. Je reviens.
Bon, dur de trouver dans le Shobogenzo...mais une chose me frappe : il me semble que Dogen ne se présente pas comme éveillé...par contre il parle de l'éveil sans doute sur l'éveil....mais je ne le vois pas parlant de lui au sujet de l'éveil....bien au contraire je le vois plutôt parlant de l'éveil et s'effaçant derrière lui.
J'ouvre Houang Po, et je tombe sur ceci:
"Lorsqu'on n'élabore ni karma divino-humain ni karma infernal et qu'on ne produit pas d'état d'esprit particulier, aucune circonstance causale ne se manifeste, et dans ce corps-ci et avec cet esprit-ci on est un homme libre. IL n'est pas systématiquement impossible à l'homme d'être libre, mais sa liberté dépend uniquement de sa volonté. C'est ce que les sutras entendent par ces mots : "le Bodhisattva prend volontairement un corps".
Quand vous sortez de votre compréhension vivante du non-esprit, vous vous retrouvez en train d'agir en vous attachant à des caractères particuliers, et cela relève des activités diaboliques.
Il n'est d'ailleurs pas jusqu'aux terres pures et autres "choses bouddhiques" qui, tournant en karma, ne soient des obstacles appelés Bouddha. Vous avez l'esprit bloqué par ce genre d'obstacles et, enchainé par la causalité, vous n'avez pas la liberté d'aller ou de rester où bon vous semble. C'est pour cela que des réalités comme l'Eveil n'ont jamais appartenu au domaine de l'existence........Ainsi, il n'existe vraiment aucune réalité répondant au nom d'Eveil suprême."
Voilà donc comment Houang Po nous remballe quand à la question de l'Eveil avec un E majuscule!
Je serai contrariant, mais je ne suis pas sûr que se sentir éveillé, soit contradictoire avec le fait de le sentir, le percevoir, le penser. Sinon comment pouvoir savoir sa condition d'éveillé? Je pense que c'est impossible de connaître la sagesse ni de l'exprimer sans les agrégats nous composant...mais la sagesse, c'est savoir que les agrégats ne sont pas une entité solide, mais un composé....donc on devient libre de ces éléments, ils cessent de nous conditionner....bon, je dis ça, mais dans le live de la vie, c'est pas si facile!
La sagesse est-elle indépendante des organes pouvant ressentir le monde sensible, indépendante de percevoir là où elle se manifeste, comment elle se manifeste, en qui elle se manifeste?
Quand le Bouddha parle d'éveil, de s'éveiller, il me semble qu'il commente bien plus comment réaliser, que l'objet de la réalisation, car réaliser est sans objet, l'objet de la réalisation est la réalisation elle-même, et sa nécessité disparaît par sa connaissance.
A ce titre, je pense que les formules comme atteindre l'éveil, est trompeuse, et que c'est un tour de pensée typique de notre structure de langage dans ses rapports entre dénomination sujet-objet, et la nomination de l'action (chez les asiatiques, peu de sujets existent dans les phrases). On crée un objet conceptuel appelé Eveil, à atteindre, et c'est sans fin.
Comme disait Jean, on fait une expérience, puis on largue les amarres : on passe à une autre affaire. On reste dans la linéarité du vivant, c'est juste un évènement parmi d'autres, pas plus important qu'éplucher les patates...ou plutôt on emmène l'éveil dans l'épluchage des patates.....ça fait des gens appréciés des femmes à la maison, au lieu de trop planer sur les questions d'éveil!
Bon, c'est pas le tout, mais il fait beau, et on va aller se balader dans la nature ensoleillée d'automne!
L'éveil, c'est ça aussi et surtout!
