Chevaucher le vide...

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jules
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Flocon :

Billeter ne pense pas que Tchouang Tseu serait un anti-confucéen et se moquerait de Confucius, comme on le dit parfois trop vite, et je crois qu'il a raison.
Je le crois aussi.

<<metta>>
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Flocon
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Oui, enfin il y aurait de quoi nuancer. Il y a de la franche moquerie à propos de Confucius chez Tchouang Tseu, on ne peut pas non plus le nier. Ne serait-ce que la fameuse parodie des propos du maître, qui affirmait dans une formule célèbre : "A quarante ans, je n'éprouvais plus aucun doute. A cinquante ans, je connaissais le décret du Ciel. A soixante ans, j'avais une oreille parfaitement accordée".
Ce à quoi Tchouang Tseu réplique : "A soixante ans, Confucius n'avait fait que changer soixante fois d'avis : chaque fois qu'il commençait à dire "C'est cela", il concluait "Ce n'est pas cela"." :shock:

Et on voit bien, justement dans notre passage, qu'il doit y avoir une part d'ironie à attribuer à Confucius, l'homme à "l'oreille parfaitement accordée", une méthode qui préconise de ne pas écouter avec l'oreille... :lol:

Mais c'est vrai que souvent, Confucius apparaît dans le recueil comme occupé à s'instruire, plutôt qu'à pratiquer la forfanterie, et à transmettre humblement ce qu'il a appris, et qu'on sent chez l'auteur du respect envers sa démarche : le magnifique passage de ses rencontres avec Lao Tseu (à la fin du chapitre Le mouvement céleste) est emblématique à cet égard.

Bon, j'arrête là, car sur ce sujet je serais intarissable... :oops: :arrow:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Sourire

Ce n'est pas à la vapeur des céréales que je me fixe mais à l'opposition entre une matière mouvante et un vide qui absorbe cette matière.

J'ai lu pour la première fois le Tao Te King quand j'avais 15 ans, et la formule "la voie bol vide demeure vide pour qui en use" était alors très obscure pour moi. J'ai 28 ans. Mon exemplaire a été tellement relu qu'il perd ses pages.
La réponse à cette obscurité n'est pourtant pas loin. Juste sur la page en face, où on trouve l'image du soufflet.
Un peu plus loin, des figures moins obscures : la roue et le vase. J'ai très tôt apprécié la formule "d'une motte dans la glaise on façonne un vase / ce vide dans le vase en permet l'usage"... Par contre j'ai encore un peu de mal avec la conclusion du paragraphe où on trouve cette figure de vase : "l'avoir fait l'avantage et le non-avoir l'usage" (koiça "l'avantage" ? faudrait peut-être que je regarde une autre traduction, des fois que...)

Ce que je veux dire, c'est que le vide ne sert à rien en lui-même.
Il n'est que le moyen par lequel la matière va se trouver absorbée et mise en mouvement, le lieu où elle va se transformer
Image
Si on ne garde que le vide, il ne reste de la figure qu'un rond noir

Le Qi "est vide" je veux bien... Mais pas uniquement.
Ou bien, si c'est uniquement du vide... Je pige pas.
Sourire

J'ai trouvé ceci

http://books.google.fr/books?id=OvlXkSa ... de&f=false

"Pour Zhang Zai le grand vide invisible et tous les être visibles sont unis dans le Qi. Le Qi peut unir et contenir le Wu (Rien, Non-Etre) et le You (Avoir, Etre). C'est la plénitude dans le Vide, l'avoir dans le Rien, le visible dans l'Invisible."

(comme on ne peut pas copier-coller, je n'en recopie pas plus)
Il est bien dit que Zhang Zai parle de "Grand Vide"... Mais cette désignation est finalement à prendre avec des pincettes, puisque ce "vide" n'est pas si vide que ça...
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Flocon
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Le "vide" dans la pensée chinoise ne fonctionne qu'en relation dialectique avec le "plein", évidemment. C'est particulièrement vrai chez Zhang Zai (entre autres). Un passage éclairant à ce égard - je cite la traduction d'Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, p. 451 :
Le Dao du Ciel-Terre n'est autre que de faire du plein à partir du vide extrême (...) Au fil du temps, même l'or et les métaux se désagrègent, les plus hautes montagnes s'érodent, toute chose qui a forme se détruit facilement. Seul le Vide suprême, étant inébranlable, est le comble du plein".
Donc il me semble qu'il n'y a pas de problème ; en tout cas, je suis d'accord avec ce que tu écris.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Je crois comprendre que le vide du Tao n'est pas le vide bouddhiste (vacuité), ni le vide des physiciens...
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Flocon
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C'est vrai, c'est tout autre chose.
Zhang Zai a d'ailleurs pas mal polémiqué avec les bouddhistes, dont en bon confucéen il était un adversaire résolu, autour des notions de vide et de vacuité.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Flocon a écrit :
Lorsque l’on a besoin de pureté, fermer les yeux.
C’est l’obscurité : il n’y a pas de lumière à l’intérieur des yeux.

Longtemps, rester unifié : alors une lumière se lève.
On voit nettement les quatre pôles du monde.

On suit la lumière, doucement, longuement ;
alors on voit son propre corps et tous les dieux assemblés en lui.

Alors, le corps se transforme, et devient le cœur.
Constamment, effacer le cœur en mouvement, sans effacer le cœur de lumière.

Le cœur immobile, voici le cœur de lumière.
C’est le cœur du Tao.

Le cœur en mouvement, voici le cœur humain :
il est en agitation perpétuelle, en danger, jamais tranquille.

Mais dans ce cœur humain se trouve le cœur du Tao ;
de même, dans le cœur du Tao, se trouve le cœur humain :

aussi ce dernier peut-il s’y reposer.
[/size]
J'aime beaucoup cette traduction.

- Il me semble qu'on y décrit l'expérience méditative du nimitta qui précède l'entrée dans les jhanas (theravada).
- On y retrouve l'essentiel : la roue du coeur et les déités (vajrayana).
- Et l'homme sans situation de Lin Tsi qui apparait et disparait sans cesse au coeur du silence (Zen).

Au fait, c'est quoi les légères retouches ?
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Flocon
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Oui, une partie de la terminologie est empruntée au bouddhisme et ça se sent, comme c'est souvent le cas dans les textes taoïstes un peu tardifs (pas chez Tchouang Tseu, qui est antérieur à l'introduction du bouddhisme en Chine).

Pour les retouches, je vais essayer de regarder, quand je trouverai un peu de temps pour reprendre le texte chinois (d'ici demain donc).
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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Flocon
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Vérification faite, je me suis trompée : ce n'est pas une traduction d'Isabelle Robinet retouchée, c'est une traduction personnelle de Monsieur Flocon. Je croyais qu'il avait juste modifié quelques mots de la traduction française que je lui avais montrée en lui demandant de la corriger si nécessaire, mais non : il a tout refait. :lol:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
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Kong Tseu
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