
Là, le propos paraît sérieux et renvoie à une méthode taoïste bien connue. Bizarre, vous avez dit bizarre?

Je pense que c’est la traduction la plus claire des trois qui ont été citées (en plus d’être la plus proche du chinois). Elle ne résout pas tous les problèmes posés par le texte, naturellement, mais elle est intéressante et elle a l'avantage sur celle d'Anne Cheng de faire des choix pour le rendu de termes comme Dao et Qi.Qu’est-ce que le jeûne de l’esprit ? demande Yen Houei.
Unifie ton attention, n’écoute pas avec ton oreille mais avec ton esprit. N’écoute pas avec ton esprit, mais avec ton énergie. Car l’oreille ne peut faire plus qu’écouter, l’esprit ne peut faire plus que reconnaître, tandis que l’énergie est un vide entièrement disponible. La Voie s’assemble seulement dans ce vide. Ce vide, c’est le jeûne de l’esprit.
Il faudrait peut-être commenter un peu ce qui est entendu par le Ciel dans le Tchouang Tseu (ce n’est pas une divinité supérieure, mais l’ordre naturel du monde, en simplifiant). Sinon le texte me paraît clair : là, on n’est pas dans le cadre d’une méditation formelle, plutôt dans celui d’une attitude générale face à la vie. En contexte, il s’agit de la description du mode de vie de Lie Tseu, qui « confiné chez lui, faisait la cuisine pour sa femme, nourrissait ses porcs aussi bien que des hommes, se désintéressait des affaires du monde. » Lie Tseu, un peu comme Confucius, est une figure de philosophe très valorisée dans le Tchouang Tseu quoique parfois ambiguë.Ne te fais pas le réceptacle du renom, la résidence du calcul. Ne te comporte pas en préposé aux affaires, en maître de l’intelligence. Fais plutôt par toi-même l’expérience du non-limité, évolue là où ne se fait encore aucun commencement. Tire pleinement parti de ce que tu as reçu du Ciel, sans chercher à te l’approprier. Contente-toi du vide. L’homme accompli se sert de son esprit comme d’un miroir, qui ne raccompagne pas ce qui s’en va, qui ne se porte pas au-devant de ce qui vient, qui accueille tout et ne conserve rien, et qui de ce fait embrasse les êtres sans jamais subir de dommage.