Bouddhisme, hétérosexualité et homosexualité

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ted

Quand j'observe toutes les contorsions que je fais pour essayer d'intégrer mes désirs sexuels dans ma pratique bouddhiste :mrgreen: je me dis qu'il serait temps d'essayer de comprendre le message du Bouddha et d'arrêter de faire une fixation sur la sexualité. Non pas de l'abandonner bien sur, mais de la voir pour ce qu'elle est : un outil de reproduction fourni par la nature, avec en prime, des sensations agréables pour faire passer la pillule.

Libre à nous de nous détourner du but premier de la sexualité et d'en faire une source d'équilibre personnel. Ca fait des siècles que l'homme a évolué dans ce sens. Mais comme disait Jean (je crois) inutile de vouloir mêler le bouddhisme à ça et de vouloir lui faire prendre position.

Donc, qu'on soit homosexuel ou hétérosexuel, il faut comprendre que le bouddhisme combat les étiquettes qui créent des attachements. On ne va pas tenter de se désidentifier de l'égo d'une part, pour d'autre part, aller revendiquer une "identité" sexuelle ! :shock:

Maintenant, y a t'il des pratiques hétérosexuelles ou homosexuelles qui constitueraient des obstacles à notre progression sur la Voie ? J'aurais presqu'envie de ricaner : faire une queue de poisson à un automobiliste, en jurant, est déjà un obstacle à notre progression !

Je laisse aux maîtres et érudits des traditions, le soin de dresser les listes de choses kusalas ou akusalas. C'est à chaque pratiquant, suivant son coeur et sa conscience, d'arrêter de se mentir et d'examiner ces recommandations consciencieusement.

En ce qui me concerne, je sais qu'il m'est très difficile de renoncer à certains comportements ou habitudes sexuelles ou autres. Je sais aussi que les textes et enseignements ont été quelquefois ajustés pour mieux coller aux usages culturels de différentes époques.

Devant tant d'indécision, il nous reste à développer prajna et à savoir par nous mêmes, tout au fond de nous mêmes, ce qui est juste. Un tel état d'esprit s'accommode mal avec un esprit avide de désirs, moralisateur, ou militant.

Je parle bien sur des pratiquants laïques. Les moines, nonnes et renonçants (tes) n'ont pas ce souci puisqu'ils ou elles, ont fait voeu d'abstinence.
:oops:
ted

Avec ce thème des pratiques hétérosexuelles ou homosexuelles faisant obstacle ou non, sur la Voie, je trouve qu'on est vraiment à la charnière, à la frontière de deux bouddhismes qui se côtoient, se frôlent et s'alimentent.

Un bouddhisme appelé péjorativement "light", qui met l'accent sur le bien être, le développement personnel, l'harmonie, l'intégration de pratiques à nos activités habituelles.

Et un bouddhisme plus exigeant, à la sagesse glacée, qui connaît de longue date les pièges éternels tendus par l'ignorance, les désirs et les passions. Qui connaît intimement les trésors cachés du véritable renoncement. Et qui peut surgir du bouddhisme light lors d'un éclair de lucidité et de compréhension.

Dans le premier bouddhisme, on n'abandonne pas sa sexualité. Tout au plus, on essaiera de la vivre de façon harmonieuse, dans le respect de l'autre. A l'image du troisième précepte qui déconseille les rapports sexuels dits "inconvenants". Les avis et références étant bien sur furieusement partagés à ce sujet. :) (sinon c'est pas drôle :D). :mrgreen:

Dans le second bouddhisme, à mon avis, la sexualité n'est qu'un phénomène comme un autre. Qu'une source d'attachement comme une autre, au même titre que la passion pour les frites, le chocolat, les jeux d'argent, la recherche de sensations fortes ou que sais je encore. Mais du fait de la puissance de sa capacité d'assujetissement de l'esprit, elle constitue une grande source de distraction. Le Bouddha l'a donc prudemment mise de côté.
(Il me suffit d'avoir une pensée à caractère sexuel trop prononcé, pour être éjecté d'un rêve lucide).

Bref, la sexualité, c'est un peu comme le Base Jump de notre ami Tirru : il faut être certain de pouvoir rester conscient et lucide pendant le saut, sinon, on s'écrase.

Combien d'entre nous en sont capables ?

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tirru...
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Bonjour Ted,

Je crois que l'objectif principal d'un bouddhiste laïc est de ne pas se vautrer dans les plaisirs sensuels quels qu'ils soient et de s'entrainer (sikkha) à garder la juste mesure. D'abord parce que les effets de pratiques débridées ont des effets négatifs, donc inefficaces ensuite et surtout parce que l'esprit s'aliène par un asservissement aussi sûr que certain au monde sensuel qui le domine et le déborde. Et comme il est dit à juste titre dans le dhammapada :
Par sa diligence, sa vigilance, sa maîtrise de soi, l'homme sage doit se faire une île que les flots ne pourront jamais submerger.
Après il ne faut non plus en faire une maladie, une sexualité "saine" est très bonne pour l'équilibre et la santé aussi bien physique que mentale.

<<metta>> jap_8
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Flocon
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ted a écrit :Combien d'entre nous en sont capables ?
Pour le savoir, lance un sondage. :lol:

Sinon, je suis d'accord avec ton point de vue, sauf que formulé de cette manière, on a une description d'un rapport à la sexualité qui n'est pas propre au bouddhisme : on trouve la même chose dans le christianisme, par exemple, qui a emprunté (pour autant qu'on le sache) sa représentation des dangers de la sexualité au stoïcisme. Il faudrait réussir à cerner ce que le bouddhisme comporte de véritablement spécifique en la matière, et ce n'est pas facile.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Jean

L'etre humain cherche le plaisir, est indifférent aux sensations neutres et fuit la douleur.

Chez les etres humains il y a les hommes, les femmes, les androgynes, les gays

That's life. C'est comme cela.

Il y a le respect, la tendresse, l'amour.

Tous ont leur propre nez, tous peuvent se toucher le bout du nez, tous ont leur propre nature de Bouddha et tous peuvent y avoir accès consciemment. Le nez est au centre du visage, la nature de Bouddha est au centre du coeur. La nature de Bouddha est au delà des conditionnements sexuels.

Chacun sa vie, chacun son truc.

Dans sa vie quelle qu'elle soit, on peut y introduire la méditation et être attentif à suivre le chemin du cœur.

Certainement à cause de la méditation, je me sens jeune (frais) intérieurement mais quand je me regarde dans une glace je vois un vieux singe décati. C'est un cauchemar, mais bon, je m'y suis préparé! C'est la vie et des milliards de personnes sont passées par là, pas la peine d'en faire un fromage! J'imagine alors la personne qui se sent comme une jeune fille fragile et qui dans la glace voit un chauffeur routier, ou la personne qui se sent chauffeur routier et qui voit dans la glace une frêle jeune fille. C'est un super cauchemar! Ca doit perturber, il doit y avoir un sacré travail à faire pour trouver son équilibre. En plus il y la pression de la désapprobation sociale et culturelle. J'éprouve vraiment beaucoup de compassion pour ces personnes.
ted

Flocon a écrit :formulé de cette manière, on a une description d'un rapport à la sexualité qui n'est pas propre au bouddhisme : on trouve la même chose dans le christianisme, par exemple, qui a emprunté (pour autant qu'on le sache) sa représentation des dangers de la sexualité au stoïcisme.
Sauf que dans le christianisme, on n'a pas une branche tantrique capable d'intégrer la sexualité à la pratique. C'est ce qui, à mon avis, est la spécificité du bouddhisme.

Il me semble que dans le christianisme, la sexualité relève plutôt du péché originel, puisqu'elle est la conséquence, le sous-produit, d'une désobéissance à un interdit divin. Du coup, la femme, agent de cette désobéissance, devient le symbole de notre déchéance. Et le système de reproduction de l'espèce est alors perçu comme une tache permanente, maculant notre pureté originelle.

Je ne veux pas rendre un autre être humain responsable des pulsions de désirs qui obscurcissent mon esprit. Si certaines pratiques sexuelles sont déconseillées dans le bouddhisme, elles devraient l'être au prorata du degré d'attachement qu'elles suscitent ?

Or, un hétérosexuel qui a des rapports sexuels "juste pour le plaisir" (avec pillule, préservatif, moyens contraceptifs) etc... s'éloigne autant de l'acte de procréation qu'un homosexuel qui aurait des rapports équivalents.

Quand je lis, sur un autre forum, que les rapports bucco-génitaux par exemple, et autres pratiques annexes, seraient inconvenants dans certaines traditions bouddhistes, ça me laisse songeur sur le rôle exact qu'ont pu avoir les influences judéo-chrétiennes dans la traduction et la propagation des enseignements bouddhistes en occcident.

S'il ne s'agit pas d'influence judéo-chrétienne et si les deux traditions en sont arrivé aux mêmes conclusions, ça laisse pensif. :roll:

Qu'elle soit hétéro ou homo, y a t'il vraiment une sexualité dite "saine" en dehors du simple acte de procréation ?

Y a t'il, par exemple, une gourmandise "saine" en dehors d'une alimentation destinée à subvenir aux besoins du corps ? :roll:
:)
Sourire

ted a écrit :Bref, la sexualité, c'est un peu comme le Base Jump de notre ami Tirru : il faut être certain de pouvoir rester conscient et lucide pendant le saut, sinon, on s'écrase.

Combien d'entre nous en sont capables ?
Ben je sais pas trop...
J'ai pas fait voeu d'abstinence mais je dois reconnaître que ça fait quelques années que je ne pratique plus et que je vis très bien cette absence d'origine de sensations fortes... Parce qu'il faut bien reconnaître que la sexualité est une source de sensations fortes et par là d'attachements et de souffrances (les deux ensemble ou alternativement)
Pas de dégout de la sexualité derrière ça... Juste... Pas d'envie.
Au début, je pensais que ça me reviendrait en rencontrant le gars qu'il faut... Depuis quelques temps, je n'en suis plus vraiment certaine. Peut-être que je vieillis ?


Concernant l'homosesualiyé...
Ne nous leurrons pas, Ted ! Si tous les rapports hétérosexuels avaient lieu dans le but de faire naître un enfant, ça se saurait.
Il n'y aurait pas tant d'IVG, pas tant de gamins qui se retrouvent parents à 15 ans, pas tant de ventes de pilules du lendemain (ni ordinaires d'ailleurs). On aurait pas inventé la capote non plus, et les auteurs de romans-feuilletons du XIX° siècle auraient eu bien du mal à trouver quoi dire vu comment on y trouve des bâtards partout.
Partant de là, je ne vois pas en quoi jeter la pierre aux uns plutôt qu'aux autres dès lors que la société a admis qu'il est normal de faire l'amour juste pour se faire du bien (ça n'est peut-être pas très bouddhiste, mais tout le monde n'est pas bouddhiste, et depuis les années 60, la sexualité s'est libérée, non ?)
D'un point de vue bouddhiste, je pense que les rapports amoureux, s'ils arrivent à éviter trop de souffrance (pas du tout, ça sera sans doute difficile, on est humains quand même), qu'ils soient homo ou hétéro... Ca doit pouvoir se faire. Même une rupture (tout a une fin) peut se faire en douceur.
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Flocon
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Oui, bien sûr, la notion de "péché originel" en lien avec la sexualité est absente du bouddhisme (mais elle l'est tout autant du judaïsme et de l'islam, sans compter que tous les courants chrétiens ne l'admettent pas). Cela dit, quand on regarde de près la manière dont les Pères de l’Église ont pensé ce "péché originel" pour le décrire en termes sexuels, on voit qu'ils ont emprunté la terminologie du stoïcisme, et on se retrouve avec quelque chose de très proche de certains aspects de l'approche bouddhistes que tu soulignais. Le désir sexuel et les plaisirs qui résultent des pratiques sexuelles sont décrits en termes de soumission de l'esprit, de renoncement à la connaissance correcte du monde, d'attachement à des sensations et à des représentations mentales, etc. Il faudrait développer tout ça pour être précis, et tel n'était pas mon propos.

Quant à savoir s'il n'existe pas dans le christianisme d'équivalent du tantrisme... Chez certains auteurs mystiques chrétiens, il me semble que les pulsions sexuelles sont spiritualisées et transformées en mode d'adoration de Dieu, donc on n'en est pas forcément non plus si loin.

Mais j'ai eu tort de parler de christianisme sur un fil consacré au bouddhisme, pardon. Il existe d'excellents bouquins pour les curieux sur le sujet, comme celui-ci :

Image

Je m'en tiendrai donc là.
ted a écrit :Quand je lis, sur un autre forum, que les rapports bucco-génitaux par exemple, et autres pratiques annexes, seraient inconvenants dans certaines traditions bouddhistes, ça me laisse songeur sur le rôle exact qu'ont pu avoir les influences judéo-chrétiennes dans la traduction et la propagation des enseignements bouddhistes en occcident.

S'il ne s'agit pas d'influence judéo-chrétienne et si les deux traditions en sont arrivé aux mêmes conclusions, ça laisse pensif. :roll:

Qu'elle soit hétéro ou homo, y a t'il vraiment une sexualité dite "saine" en dehors du simple acte de procréation ?
Non non, je suis allée voir, les textes à ce sujet sont bien présents dans le Vinaya, y compris dans la forme Palie, et ils sont très explicites et précis. Il s'agit de règles concernant la sexualité des moines et moniales (qu'avoir fait vœu de chasteté ne libère évidemment pas automatiquement de leur sexualité, et qui sont donc confrontés à de nombreuses occasions de transgressions). Je n'ai pas encore trouvé de textes appliquant ces règles aux laïcs mais ils doivent exister dans certaines traditions : avec des accommodements, j'espère, parce que si le seul acte permis est la pénétration vaginale sans aucun préliminaire, aïe! La vie de laïc bouddhiste est bien difficile :shock: :oops:
Il semble donc bien que le bouddhisme tende à réduire la sexualité permise à la pure procréation, effectivement :-( : mais c'est peut-être lié aux sociétés patriarcales qui l'ont accueilli. Il faut creuser... :?:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ardjopa

Mieux qu'un livre "théorique" sur le renoncement, mieux que les "engagements" qu'on ne tiendra pas, ou l'hypocrisie de ceux qui se disent "religieux", sprituels, bouddhistes" ou autres, mais qui derrière tout ça sont pleins de désirs, d'avidités, de jalousie et copulent gaiement (avec ou sans jeu de mot :lol: ), le mieux est encore d'apprendre à se détacher de ses désirs, par la confrontation directe avec la réalité, les rencontres, les expériences, qui ont parfois tot fait (en tous cas pour certains ;-) ) de les "dégouter", détacher naturellement du sexe, du désir envers le "sexe convoité", et de l'accouplement de babouins en rut !
Que ce soit la réalisation de la nature égoiste, hypocrite, avide, vulgaire et "matérielle" du désir sexuel, de l'autre et/ou de soi, que ce soit la réalisation de la nature repoussante et peu ragoutante des corps physiques (sang, os, muscles, viscères, élements, vieillesse, maladie, mort, cadavre, décomposition etc) lorsqu'ils sont observés de façon neutre et objective, sans se laisser berner par le voile illusoire du désir;
A mon avis, ceux qui cherchent à s'en affranchir, devraient passer plus de temps dans les méditations des cimetières, ou d'australopithèques, que dans les "discothèques" ;-) , et devraient voir plus souvent le caractère avide, lubrique et "interessé", voire la haine et l'aversion qui accompagne certaines rencontres du sexe convoité, qu'elles soient réciproques ou pas;
Et voir ce dont sont capable les humains pour "défendre leur bifteck" (ou leur petit(e) ami(e)) pour réaliser qu'il n'y a là ni amour, ni beauté, ni bonheur, seulement du désir, du plaisir éphémère, et de la souffrance;
Et s'en détacher aussi naturellement qu'on relève la main d'une braise brulante saisie sans connaissance préalable, pour aller vers la liberté avant tout

Butterfly_tenryu
ted

Sourire a écrit :Concernant l'homosesualiyé...
Ne nous leurrons pas, Ted ! Si tous les rapports hétérosexuels avaient lieu dans le but de faire naître un enfant, ça se saurait.
C'est ce que je dis. Tu as compris le contraire on dirait. :)
ted a écrit :Or, un hétérosexuel qui a des rapports sexuels "juste pour le plaisir" (avec pillule, préservatif, moyens contraceptifs) etc... s'éloigne autant de l'acte de procréation qu'un homosexuel qui aurait des rapports équivalents.
ted a écrit : Qu'elle soit hétéro ou homo, y a t'il vraiment une sexualité dite "saine" en dehors du simple acte de procréation ?

Y a t'il, par exemple, une gourmandise "saine" en dehors d'une alimentation destinée à subvenir aux besoins du corps ?
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