ted a écrit :Est-ce qu'il existe cette déclinaison entre le "non-soi des phénomènes" et le "non-soi de la personne", dans le bouddhisme originel ? On va dire, dans le theravada.
Ou est-ce que cette notion est apparue sur le tard ?
Est-ce qu'elle ne fait pas un peu doublon ?
anatta présente tous les phénomènes comme "vides de soi".
Pourquoi introduire cette notion de non-soi personnel (si elle n'était pas présente à l'origine) ?
Pour apporter quelques précisons :
Les deux types de non soi (personnel et/ou phénoménal subtil) ne sont pas abordés directement dans les suttas palis mais indirectement (seul le premier). On le substitue à la réalisation du fruit de l'Arhat mais c'est la même chose. Selon la tradition, la réalisation du second type de non soi, c'est basiquement ce qui sépare l'Arhat (parfaitement réalisé) et les autres Aryas ou Sekka (en training). Il n'est donc pas étonnant que le Théravada n'est pas disserté tant que ça sur le sujet. Le Sotapanna, lui, réalise le premier type de non soi, c'est ce qui le sépare des putthujana être "ordinaire" ou ignorants".
Les suttas donnent néanmoins des indications très intéressantes notamment avec le Khemaka sutta (S.n 22.89) où un moine âgé et souffrant reçoit la visite de bhikkhus. Le voyant malade, ils le questionnent pour savoir son niveau "supposé" de réalisation et lui offrir un enseignement dans le cas contraire.
Replying, "As you say, friends," to the elder monks, Ven. Dasaka went to Ven. Khemaka and on arrival said to him, "The elders, friend Khemaka, say to you, 'Concerning these five clinging-aggregates described by the Blessed One — i.e., form as a clinging-aggregate, feeling as a clinging-aggregate, perception as a clinging-aggregate, fabrications as a clinging-aggregate, consciousness as a clinging-aggregate: Do you assume anything with regard to these five clinging-aggregates to be self or belonging to self?'"
"Friend, concerning these five clinging-aggregates described by the Blessed One — i.e., form as a clinging-aggregate... feeling... perception... fabrications... consciousness as a clinging-aggregate: With regard to these five clinging-aggregates, there is nothing I assume to be self or belonging to self."
En réponse, le groupe de bhikkhus en concluent qu'il doit être parfaitement libéré (Arhat) puisqu'il ne s'identifie plus à aucun des agrégats (mine, this is mine, this my self). Mais le moine Khemaka précise que bien qu'il n' a plus aucune identification aux agrégats, il subsiste " une odeur subjective (du soi) en relation avec les agrégats qui persistent au travers de l'expérience phénoménale".
Celui qui est Sotapanna (et c'est la cas au moins de Khemaka) a détruit trois chaines principale (saṃyojanas) dont la croyance et identification au soi (sakkayaditthi)
MAIS il subsiste en lui, et tant qu'il n'a pas réalisé le fruit de l'Arahanta une impression, un parfum très subtil de soi qui apparaît en lien avec les phénomènes. Cette "impression" subtile persiste tant que les phénomènes ne sont pas vus en accord avec la réalité (yathabutam) : vide de nature propre, sans existence ultime = non soi phénoménal subtil= fruit Arhat
Suite du Khemaka sutta :
– C'est comme l'odeur d'un lotus bleu, rouge ou blanc: si quelqu'un disait que l'odeur appartient aux pétales, ou qu'elle appartient à la tige, ou qu'elle appartient aux pistils, parlerait-il correctement?
– Non, ami.
– Alors comment devrait-on la décrire pour la décrire correctement?
– Comme l'odeur de la fleur, voici comment on devrait la décrire pour la décrire correctement.
– De la même manière, amis, je ne dis pas 'Je suis Rūpa', et je ne dis pas non plus 'Je ne suis pas Rūpa'. Je ne dis pas 'Je suis Vedanā'... 'Je suis Saññā'... 'Je suis Saṅkhāra'... Je ne dis pas 'Je suis Viññāṇa', et je ne dis pas non plus 'Je ne suis pas Viññāṇa'.
Amis, bien que [la notion] 'Je suis' n'ait pas disparu de moi en ce qui concerne les cinq upādānakkhandhas, je ne considère pas [quoi que ce soit parmi eux] comme 'Je suis cela'.
De la même manière, même si un noble disciple a abandonné les cinq entraves inférieures, il conserve toujours un concept résiduel 'Je suis', un désir 'Je suis', une tendance sous-jacente 'Je suis'. Mais plus tard, il continue à contempler les phénomènes d'apparition et de cessation dans les cinq upādānakkhandhas: telle est la Forme, telle est son apparition, telle est sa cessation. Telle est la Sensation... Telle est la Perception... Tels sont les Saṅkhāras... Telle est la Conscience, telle est son apparition, telle est sa cessation. En continuant à contempler ainsi l'apparition et la cessation des cinq upādānakkhandhas, le concept résiduel 'Je suis', le désir 'Je suis', la tendance sous-jacente 'Je suis' disparaissent complètement.
Dans le pindapata parisuddhi sutta le Bouddha demande à Sariputa pourquoi il semble si paisible et pourquoi son teint est si lumineux. Sariputa répond qu'il "réside souvent dans la vacuité /sunnata vihara" (M151.15)" . Ce qui fait référence à la réalisation du fruit de l'Arhat (arhat fruition attainment of emptiness) (M5.101)" . Le Bouddha lui répond que lui aussi réside souvent dans la vacuité et que c'est le cas de tous les Bouddhas, Pacceka Bouddhas et Arhats. Il précise que sunnata vihara est aussi connu sous le nom de :
mahapurisavihara (la demeure des Grands hommes) (Majjhima 151.12).
Le Katavatthu, (texte censé avoir été rédigé au 3 ème siècle avant JC sous le patronage d'Asoka) aborde ces deux types de non soi, sous une forme telle que : satta sunnata (vacuité de la personne ou être au sens relatif) : ce qui fais référence au non soi personnel et Dhamma sunnata (vacuité de tous les existants au sens ultime) ce qui fait référence au second type. L'auteur Moggaliputta-Tissa Sthaviravādin (ancête du Théravada) est décris aujourd'hui comme "le prédécésseur de Nargajuna" eu égard à ses développements profonds et subtils. Nagarjuna a d'ailleurs étudié le Tipîtaka (si ma mémoire est bonne) et il y a pris appuie notamment avec le Kaccānagotta Sutta (Sn12.15)
http://www.tipitaka.fr/sutta/samyutta/n ... 2-015.html
