C'est juste qu'il existe un monde entre le fait de vivre le Zen au quotidien et en parler sur un forum. Avant de m'adonner à ce genre d'exercice (les forums sur le Zen) j'étais pas mal réticent, pensant qu'on ne pouvait parler d'une expérience de cet ordre, que cela consisterait nécessairement à la dénaturer. Mais, dès lors qu'on décide d'en parler, non pour la décrire, bien évidemment, mais pour dire au moins qu'elle existe, il faut donc aller au fond des choses. Pour commencer, je dirai que le kensho ou la satori, ça existe. Comme existent la reconnaissance de Rigpa dans le Dzogchen ou encore l'expérience de Nibbana, c'est à dire l'expérience du Non-né. Dire que ça existe, ça signifie aussi dire qu'il y a quelque chose qui se rapporte à cette expérience et d'autres qui n'ont strictement rien à voir avec. Et quand, sur un forum, certains dialecticiens affirment, sans savoir ce qu'est cette expérience, qu'elle relève d'une "vacuité d'altérité" avec "réalisation de la nature conventionnelle de l'esprit", il faut réagir. Bien sûr, on ne parle que de ce qu'on connaît. Rigpa, à titre personnel, je ne connais pas. Mais cela ne m'empêche pas de me renseigner auprès de ceux qui savent et j'y ai trouvé des similitudes avec le kensho. Bien évidemment, le kensho n'a strictement rien à voir avec cette vacuité d'altérité ou la réalisation de la nature conventionnelle de l'esprit. Et, compte tenu que, d'après ce qu'on m'en a dit, Rigpa serait de même nature, je dirai la même chose concernant Rigpa. Et quand on dit par ailleurs qu'on fait cette expérience tous les jours, alors même qu'on ne l'a jamais faite, on est un imposteur. Et cette imposture mérite d'être dénoncée et c'est ce que je fais ici. Pourquoi mérite-t-elle d'être dénoncée ? Simplement parce que le forum est public et des gens viennent lire ce qu'il s'y dit. Bien évidemment, les gens ne sont pas idiots au point de prendre tout ce qui se dit sur un forum au sérieux. Mais quand même. Ce n'est pas une raison pour laisser les toilettes sales en sortant. Pour moi, c'est donc comme une espèce de samu, en quelque sorte.Lausm a écrit :L'autre jour, j'ai vu Tokuda à Paris.
Dans sa petite conférence, à un moment il a dit que lorsqu'il était au temple, dans la montagne, et qu'il faisait samu (travailler pour les gens du zen, mais travail en tant que pratique spirituelle), à planter des fleurs, les questions sur le satori, l'éveil, tous ces trucs-là, il n'y pensait absolument pas, mais pas du tout! Et quand il dit ça, ça le fait rigoler!!
Je le pense aussi et je l'ai dit en reprenant à mon compte les mots de Rahula. J'ajoute, ainsi que je l'avais fait ailleurs, que cette action est la nature même de Bouddha, c'est à dire son Nirmanakaya ici. Et cette action est vide aussi, de fait. Mais cette vacuité n'est pas son absence d'existence. Et le fait de d'ajouter "ultime" est une verrue, une tête sur une tête comme nous disons dans le Zen, car les dialecticiens purs et durs sont incapables de toucher leur vraie nature du doigts, alors, comme ces physiciens qui inventent des dimensions supplémentaire aux 4 de l'univers, pour expliquer leurs représentation des cordes, par exemple, ils inventent une vérité ultime qui est autre que la vérité conventionnelle, ignorant qu'ils sont qu'il s'agit de la même chose (pas besoin de dire que ce sont "les deux faces d'une même pièce" car, pour qui connait les pièces, le fait de savoir qu'elles ont deux face est accessoire. C'est comme s'il fallait absolument dire que le lait est blanc et les corbeaux sont noirs pour les faire exister... C'est inutile). Quand on réalise la vacuité, on ne fait pas disparaître les formes (le vide est la forme et la forme est le vide). De plus, dans le Zen nous disons que le Nirmanakaya, c'est "le vide est le vide et la forme est la forme" (c'est à dire le "Connaître de différentiation"). Ne pas comprendre cela, c'est en rester dans la vacuité du Dharmakaya, c'est à dire c'est rester dans un "nid de hinayaniste". On réalise là la différence entre les "penseurs" que sont certains dialecticiens du MMK et ceux qui vivent dans l'action au quotidien, à la fois dans la splendeur de Samboghakaya et comme Nirmanakaya. Des gens comme Tokuda, en quelque sorte.Je pense que c'est du même acabit que dire qu'il n'y a ni moi, ni pensée, mais juste action, sans personne derrière.