La vérité ne relève pas de la mémoire...

Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Sourire a écrit :l'ancienneté d'un écrit
et
l'ancienneté de son contenu
:D J'ai depuis le début fait le distingo entre l'écrit lui-même et son contenu qui a pu se transmettre par oral avant d'être couché à l'écrit. Mais merci pour ce rappel.
Mais ce genre de flottement est fréquent chez toi et n'aide pas à suivre la complexité tes explications.
jap_8 C'est pourquoi je te remercie de me permettre de clarifier mon propos pour les personnes peu habituées à mon jargon.
Aldous a écrit :Oui mais à mon avis ce que vous dit Antodume c'est que justement vous, vous ne faites pas cette différence entre "rien n'existe" et "tout est vacuité" (ou entre "rien n'existe" et "rien n'existe indépendamment du reste" qui n'est qu'une autre formulation de la part de Yudo mais qui ne remet pas en cause que vous, vous ne faites pas cette différence).
Affirmation totalement gratuite tant que tu ne l'appuies pas en me citant (fais s'il te plaît de nouveau attention de bien reprendre mes propos et de ne pas les tronquer en ne prenant que ceux relevés par Antodume).

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Dharmadhatu a écrit :Tu n'as toujours pas compris ce que signifie "ne pas exister ultimement", c'est dommage car tu as perdu un temps précieux entre le précédent débat et aujourd'hui.

C'est dire qu'il n'y a pas de personne qui est une assertion nihiliste. Et dire qu'il y a une action est une assertion absolutiste où la profonde vacuité n'a pas encore été identifiée ou comprise. Dire qu'ultimement il n'y a pas plus de personne que d'action est la noble Voie médiane.
Oh que si, j'ai compris. J'ai compris, en particulier, que tu joues avec des mots sans comprendre le fondement même de ce que tu affirmes. Rahula dit précisément : "Selon le bouddhisme, il n'y a pas de moi ni de pensée, il y a seulement action, mais personne derrière". Pour qui comprend correctement le français, "Selon le Bouddhisme" signifie "selon la vue ultime du Bouddha", "Il n'y a pas de moi, ni de pensée, ni personne derrière" signifie qu'il n'y a personne, pas d'acteur. Et enfin "il y a seulement l'action" signifie que seule l'action existe ultimement. Mais comme tu es plus malin que tout le monde et en particulier, que Rahula, tu vas nous dire que Rahula et moi-même avons une vue erronée et que nous n'avons pas la moindre compréhension de la profonde vacuité. Le lecteur jugera, une nouvelle fois.
Yudo a écrit :Il existe une différence de taille entre "rien n'existe" et "rien n'existe indépendamment du reste".
Lorsque je parle de vacuité, je ne parle pas nécessairement de l'interdépendance des phénomènes. Je parle surtout de la vacuité qui se réalise dans l'expérience de nibbana et qui ne résulte pas de la reconnaissance de cette interdépendance. La reconnaissance de Rigpa, par exemple, dans le Dzogchen, ne résulte pas de la reconnaissance de l'interdépendance des phénomènes, pas plus que l'expérience du kensho ne relève de cette reconnaissance là.
Dharmadhatu a écrit :Je suis heureux de voir que d'autres sons de cloche existent au sein de votre tradition, et soulagé de savoir que les Maîtres de la Voie médiane ne sont pas toujours incompris. Cela relativise à merveille les propos d'Antodume; "indépendamment du reste" est un bon synonyme de "ultimement", "de manière intrinsèque" etc...
"Indépendant du reste" n'est pas un bon synonyme de "ultimement". Mais avec ta compréhension spéciale de la "profonde vacuité", je comprends que tu en viennes à ce genre de conclusion bizarre dont je te laisse la seule responsabilité. Et, afin que cela soit clair également, il n'y a pas, pour le Zen (du moins celui que je pratique), de vérité conventionnelle qui s'oppose à la vérité ultime. Il y a la vue juste et la vue erronée ou imparfaite. La vue erronée ou imparfaite n'est pas la vérité conventionnelle. J'en ai parlé sur l'autre fil, en me servant de l'exemple des vues 2D et 3D. Et quand je parle de "vérité vraie", ça n'est pas de la vérité conventionnelle ou de la vérité ultime dont il est question. Il s'agit simplement de la vue juste. Et je suis bien content d'apprendre que Rahula, qui ne faisait pourtant pas partie de la tradition zen, soit en accord avec celle-ci (ou réciproquement).
Diras-tu que Nagarjuna et Shantideva eux-mêmes n'ont pas compris ce qu'Antodume prétent avoir compris ? Ne peux-tu seulement pas envisager que tu n'a tout simplement pas encore compris la subtilité de leur vue ?
Non, je dirai que c'est toi qui n'a pas compris Nagarjuna ni Shantideva. Tu confonds acteur et "agent de mouvement". L'agent de mouvement est un vecteur de l'action, pas un acteur. Un vecteur de l'action est vide de soi, ainsi que je l'ai déjà dit.
Dernière modification par antodume le 21 mars 2012, 15:27, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Très intéressant tout ça !
Antodume a écrit :
Rahula a écrit :"Selon le bouddhisme, il n'y a pas de moi ni de pensée, il y a seulement action, mais personne derrière".
<<metta>> Malgré le grand respect que j'ai pour lui, ses propos sont discutables, il suffit de se pencher sur les Shastras de Nagarjuna et Shantidéva, entre autres, pour qui la vacuité ne s'arrête pas du tout au non-soi personnel.
Mais comme tu es plus malin que tout le monde et en particulier, de Rahula, tu vas nous dire que Rahula et moi-même avons une vue erronée et que nous n'avons pas la moindre compréhension de la profonde vacuité. Le lecteur jugera, une nouvelle fois.
Diras-tu, Antodume, que Nagarjuna n'est pas bouddhiste pour la simple raison que sa vue subtile (Cf. Mk, II, 8) n'est pas envisagée par Rahula disant exposer la vue bouddhiste ?
Lorsque je parle de vacuité, je ne parle pas nécessairement de l'interdépendance des phénomènes. Je parle surtout de la vacuité qui se réalise dans l'expérience de nibbana et qui ne résulte pas de la reconnaissance de cette interdépendance.
Cela confirme mes soupçons selon lesquels tu réalises une vacuité d'altérité, or rien n'est plus aisé. Si la vacuité n'est pas synonyme d'interdépendance ou d'existence dépendante, cela n'est pas la vacuité d'essence propre qui libère.

Nagarjuna confirme cela aussi:

J'appelle "vacuité"
Tout ce qui existe en interdépendance.
Celle-ci est [donc] une désignation relative,
Et c'est cela-même que la Voie médiane.

skt. Yah pratityasamutpadah shunyatam tam pracaksmahe,
sa prajñaptir upadaya pratipat saiva madhyama
.


Mk, XXIV, 18.
"Indépendant du reste" n'est pas un bon synonyme de "ultimement".
Si si !
Non, je dirai que c'est toi qui n'a pas compris Nagarjuna ni Shantideva. Tu confonds acteur et "agent de mouvement".
:lol: Le mouvement n'est donc pas une action ?
L'agent de mouvement est un vecteur de l'action, pas un acteur.
Le sanskrit parle de "alleur" (gantâ) pour l'acte d'aller (gacchati). Si l'alleur n'est pas l'agent de l'acte d'aller, c'est à y perdre son latin ! ;-)
Aldous a écrit :vous dites qu'ultimement rien n'existe, or pour tout le bouddhisme ultimement existe Nirvana.
:roll: Sempiternelle confusion entre les deux sens du mot "ultime". La vacuité est vérité ultime, mais n'est pas existence ultime, c'en est même la négation.

Merci les amis, voilà qui permet au lecteur éventuel d'approfondir ce sujet essentiel (mais qui est vide d'existence essentielle ! :lol: )

FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 21 mars 2012, 16:10, modifié 1 fois.
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Dharmadhatu a écrit :Cela confirme que mes soupçons selon lesquels tu réalises une vacuité d'altérité, or rien n'est plus aisé. Si la vacuité n'est pas synonyme d'interdépendance ou d'existence dépendante, cela n'est pas la vacuité d'essence propre qui libère.
Cela confirme ma certitude selon laquelle tu n'as pas réalisé la vacuité (c'est à dire vu dans ta véritable nature) et quand tu dis que "rien n'est plus aisé", tu confirmes également le fait que tu ne sais pas de quoi tu parles (ce qui est doublement plus grave). Je n'ai par ailleurs jamais dit que l'interdépendance des phénomènes n'est pas la vacuité. J'ai dit que ce n'est pas à cette représentation de la vacuité là que je fais référence et, pour enfoncer la clou, je dirai que cette représentation de la vacuité sous l'angle de l'interdépendance des phénomènes n'est qu'une représentation d'un raisonnement madhyamakiste (excusez le néologisme) qui non seulement n'a rien à voir avec l'expérience de nibbana ou autre reconnaissance de l'état naturel (Rigpa) ou encore du kensho, mais, de plus, que cette seule compréhension - intellectuelle - ne débouche certainement pas sur la libération. C'est un peu comme si une personne avec une vue 2D essayait de se représenter un cube par la définition théorique ; même si la définition est correcte, ça ne sera jamais une véritable expérience, un "toucher" du cube. Quant à une possible réalisation de la "profonde vacuité" par l'élaboration raisonnée et dualiste de "vacuité de la vacuité" (ce que j'appelle "emboitement de vacuités"), cela reste encore à démontrer. Mais c'est un autre sujet.
Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Aldous a écrit :vous dites qu'ultimement rien n'existe, or pour tout le bouddhisme ultimement existe Nirvana.
:roll: Sempiternelle confusion entre les deux sens du mot "ultime". La vacuité est vérité ultime, mais n'est pas existence ultime, c'en est même la négation.
(Je fais le même constat que Sourire et Antodume: votre capacité au flottement et à jouer avec les mots.)
Je ne parle pas de vacuité comme vérité ultime ici ou existence ultime, mais du Nirvana comme existant ultimement pour tout le bouddhisme.
Nieriez-vous que le Nirvana est un phénomène incomposé ultime dans le bouddhisme (tout le bouddhisme)?
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jap_8 J'oubliais ceci:
Antodume a écrit : La reconnaissance de Rigpa, par exemple, dans le Dzogchen, ne résulte pas de la reconnaissance de l'interdépendance des phénomènes,
Si rigpa n'est pas accompagné d'une sagesse certifiant la vacuité synonyme d'interdépendance, alors la reconnaissance de rigpa de sert à rien, comme le rappelle Sa Sainteté en reprenant les propos de Tulkou Tsullo ou Jigmé Tempai Nyima.
Cela confirme ma certitude selon laquelle tu n'as pas réalisé la vacuité (c'est à dire vu dans ta véritable nature) et quand tu dis que "rien n'est plus aisé", tu confirmes également le fait que tu ne sais pas de quoi tu parles (ce qui est doublement plus grave).
Sans aucune prétention j'ai reconnu la simple nature conventionnelle de mon esprit et il est très facile de réaliser une vacuité d'altérité, comme un esprit vide de pensées. Cela n'a rien du fruit final et c'est plutôt aisé.
Je n'ai par ailleurs jamais dit que l'interdépendance des phénomènes n'est pas la vacuité. J'ai dit que ce n'est pas à cette représentation de la vacuité là que je fais référence
C'est bien ce que je dis mon ami. Tu ne fais pas référence à svabhava-shunyata mais à parabhava-shunyata, or rien n'est plus facile que de réaliser une tasse vide de thé ! :lol:
pour enfoncer la clou, je dirai que cette représentation de la vacuité sous l'angle de l'interdépendance des phénomènes n'est qu'une représentation d'un raisonnement madhyamakiste (excusez le néologisme) qui non seulement n'a rien à voir avec l'expérience de nibbana ou autre reconnaissance de l'état naturel (Rigpa) ou encore du kensho, mais, de plus, que cette seule compréhension - intellectuelle - ne débouche certainement pas sur la libération.
Pas que d'un raisonnement, d'une expérience directe aussi, nombre de pratiquants arrivent à cette même conclusion, comme les tantrikas par exemple.

;-) Tu comptes berner qui ici à vouloir nous faire croire que tout ce qui contredit tes propos vient de quelqu'un qui n'a rien réalisé ? Si Nagarjuna n'a rien réalisé parce qu'il te contredit, pourquoi fait-il partie de tes patriarches ? Ton ego t'empêche de voir qu'il est possible, ne serait-ce que possible, que tu n'aies pas réalisé la nature véritable des choses et de ton esprit et qu'il y a plus profond encore. Cet ego si présent (qui te fait perdre si facilement ta sérénité, comme au cours d'un débat précédent) montre à quel point ta vacuité loupe sa cible.
Quant à une possible réalisation de la "profonde vacuité" par l'élaboration raisonnée et dualiste de "vacuité de vacuité" (ce que j'appelle "emboitement de vacuités"), cela reste encore à démontrer.
Ceux qui te lisent ont l'ultime preuve (si l'en fallait une) que ta vacuité est celle de Dolpopa ou du Chittamatra, mais aucunement la plus subtile. Ca explique beaucoup de choses...
Aldous a écrit :Je ne parle pas de vacuité comme vérité ultime ici ou existence ultime mais du Nirvana comme existant ultimement pour tout le bouddhisme.
Comment ne pas voir là les reliquats d'essentialisme ? Un nirvana existant ultimement serait le fruit d'une pratique portée sur la reconnaissance de l'absence d'existence ultime !
Nieriez-vous que le Nirvana est un phénomène incomposé ultime dans le bouddhisme (tout le bouddhisme)?
Dialogue de sourd tant que tu ne peux (ou veux) pas comprendre la différence entre "être l'ultime" et "exister ultimement"... :roll: J'affirme un nirvana qui est vérité ultime, mais je nie que la vérité ultime existe ultimement.


FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Copier/coller pour qu'Antodume et Aldous ne confondent plus "ultime" et "absolu": extrait de Self, Reality and Reason de Thupten Jinpa qui expose les 2 sens du mot ultime.

Deux sens du mot « ultime » dans la dialectique mādhyamika

Dans le contexte de la manière dont les mādhyamikas expriment la notion selon laquelle les choses et les événements sont vides d’existence et d’identité sur un plan ultime – c.-à-d. leur assertion de la vacuité (śūnyatā) en tant que nature ultime des choses – il y a, selon Tsongkhapa, deux façons subtilement différentes avec lesquelles le terme ‘ultime’ (paramārtha) est employé. Ces deux connotations d’‘ultime’ sont, en outre, intimement liées à la distinction entre deux formes de discours, ultime et conventionnelle. D’abord et surtout, dans le contexte de l’ontologie (ou de sa négation) mādhyamika, le terme ‘ultime’ est utilisé en signifiant que toute chose et tout événement sont vides de toute existence ou identité absolues ou ultimes. Ici, ‘ultime’ (paramārtha) est synonyme de « mode d’être substantiellement réel » comme dans la phrase « existant avec un mode d’être substantiellement réel » (bden par grub pa), et de « complet » ou « parfait » comme dans « exister avec une nature complètement ou parfaitement définissable » (yang dag par grub pa). Dans sa seconde acception, ‘ultime’ est associé à ‘relatif’ (saṃvṛti) dans la doctrine pan-mahayaniste des deux vérités, et dans ce contexte, ‘ultime’ se réfère à la nature ultime de toute chose et de tout événement par opposition à leur nature relative (c.-à-d. empirique et conventionnelle). Bien que ces deux sens d’‘ultime’ (paramārtha) se recoupent, chacun a une signification distincte. Rien ne peut être affirmé comme étant réel au premier sens – ultimement, ou absolument réel – parce que tous les phénomènes – c.-à-d. les choses, les événements, jusqu’à la vacuité d’existence intrinsèque elle-même – sont vides d’existence et d’identité ultimes. Néanmoins, la vacuité (śūnyatā) peut être dite « réelle » au second sens d’‘ultime’ et peut, par conséquent, être dite « vraie » (bden pa), puisqu’elle est la nature finale de toute chose et de tout événement, la façon dont les choses existent véritablement. Ceci parce que seule la vacuité (śūnyatā) peut être trouvée comme étant ce qui demeure à l’issue d’une analyse relevant du statut ultime des choses et des événements. Cela ne veut pas dire que la vacuité elle-même puisse résister à l’analyse ultime aux yeux de Tsongkhapa, car rien ne peut résister à une telle investigation. Quand elle est soumise à cette analyse déconstructrice, la vacuité aussi est trouvée comme étant vide. D’où la vacuité de la vacuité.

Cette distinction entre deux connotations du terme ‘ultime’ permet à Tsongkhapa de faire des déclarations apparemment paradoxales comme « la vacuité est la réalité ultime mais elle n’est pas ultimement réelle », « elle est vraie mais pas vraiment établie », « elle est la na-ture intrinsèque [de toutes choses] mais n’existe pas intrinsèquement » etc. Par exemple, dans le Gongpa Rabsel [Commentaire au Prasannapada de Chandrakirti *], Tsongkhapa écrit :
Si cette [distinction entre les deux sens du terme ‘ultime’] est bien certifiée, on com-prendra les significations expliquant pourquoi il n’y a pas de contradiction dans le fait de [maintenir] que rien n’existe au moyen de sa propre nature et que rien n’existe selon la perspective ultime, tout en soutenant qu’une ‘nature ultime’ existe et qu’elle est le ‘mode d’être [des choses]’ ainsi que l’objet ultime.
Bien qu’il soit volontiers coutume pour des érudits modernes du Bouddhisme Mahāyāna de traduire le mot sanskrit paramārtha par « absolu » dans le contexte de la théorie mādhyamika des deux vérités, mon sentiment est que cette traduction ne devrait pas être acceptée comme étant non-problématique. Suivant Tsongkhapa, il semble y avoir des raisons valables pour défendre la distinction entre paramārtha en tant qu’ « absolu » et paramārtha en tant qu’ « ultime ». L’interprétation de paramārtha en tant qu’ « absolu » est totalement rejetée dans la dialectique mādhyamika, même par rapport à la vacuité. L’interprétation de paramārtha en tant qu’ « ultime » est cependant acceptable dans le sens où ceci est mis en contraste avec la vérité relative, voilée (saṃvṛti) constituée par notre monde quotidien des causes et des effets. Tsongkhapa écrit :
Par conséquent, il est impossible que le sens ultime, la nature des choses, leur ainsité et le mode d’être [de tous les phénomènes] n’existent pas. Même s’ils existent, ils ne le peuvent en tant qu’absolus ou en tant que [leur propre] mode d’être réel. Suggérer autre chose est montrer un manque total de familiarité avec les modes d’analyse critique selon le point de vue ultime.
Tsongkhapa conclut la discussion ci-dessus en déclarant que c’est parce qu’ils n’apprécient pas cette subtile distinction, à savoir, la différence entre l’ultime et l’absolu, que certains (p. ex., Ngok Loden Shérap) ont maintenu que la vérité ultime (paramārthasatya) est inconnaissable, tandis que d’autres (comme les jonangpas**) ont affirmé qu’elle était absolue. En bref, Tsongkhapa dit que rien, pas même la vacuité, ne peut être dit exister selon un point de vue ultime, alors qu’en même temps quelque chose, c.-à-d. la vacuité, peut être déclaré comme étant la nature ultime. En d’autres termes, rien n’existe ‘ultimement’ (don dam par) bien que quelque chose puisse être déclaré comme étant ‘l’ultime’ (don dam pa). Il est intéressant de noter ici qu’autant d’importance philosophique dépend de ce qui semble être une singulière forme linguistique ou grammaticale. Tsongkhapa sous-entend que tout emploi particulier du terme ‘ultime’ (paramārtha) dans ce cas grammatical spécifique implique des exigences ontologiques. Le cas grammatical en question est ce qui est connu en tibétain comme étant de nyid, un cas unique d’emploi prépositionnel qui est fait presque exclusivement en référence à la notion d’identité. Cet usage pourrait sans doute être le mieux comparé au cas adverbial anglais. Des phrases comme don dam par grup (ultimement existant), yang dag par grub (existant au moyen d’une nature parfaitement définissable), bden par yod (vraiment existant), gshis lugs su grub (établi au moyen de son propre mode d’être), rang dbang du grub (indépendamment existant), rdzas su yod (substantiellement existant), et tshugs thub tu yod (existant au moyen d’une essence autonome) sont des exemples de cet emploi. De plus, la façon qu’a Tsongkhapa de définir le sens d’‘ultime’ (paramārtha) dans le contexte de la dialectique mādhyamika, en se basant sur la distinction des deux sens spécifiques du terme, semble avoir contribué à une plus grande clarté dans le raisonnement du Madhyamaka. Elle nous permet d’avoir une plus claire appréciation de ce qui est nié exactement dans l’assertion mādhyamika suivant laquelle les choses et les événements n’existent pas du point de vue ‘ultime’. Ceci nous entraîne alors vers le prochain élément. (p.49)

________________________
* n.d.t.
** ainsi qu'Antodume et Aldous (n.d.t.)

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Aldous a écrit :Je ne parle pas de vacuité comme vérité ultime ici ou existence ultime mais du Nirvana comme existant ultimement pour tout le bouddhisme.
Comment ne pas voir là les reliquats d'essentialisme. Un nirvana existant ultimement serait le fruit d'une pratique portée sur la reconnaissance de l'absence d'existence ultime !
(encore une manipulation de mots de votre part!)
Ce n'est pas parce que je reconnais l'existence ultime du Nirvana que je reconnais l'absence d'existence ultime. C'est tout le contraire puisque le fait de reconnaitre l'existence ultime du nirvana est la reconnaissance d'une existence ultime -celle du Nirvana- (et non la reconnaissance de l'absence d'existence ultime!)

Donc pour vous il n'y a pas dans le bouddhisme un incomposé qu'on appelle Nirvana qui a une existence ultime?
Dharmadhatu a écrit :
Nieriez-vous que le Nirvana est un phénomène incomposé ultime dans le bouddhisme (tout le bouddhisme)?
Dialogue de sourd tant que tu ne peux (ou veux) pas comprendre la différence entre "être l'ultime" et "exister ultimement"... :roll: J'affirme un nirvana qui est vérité ultime, mais je nie que la vérité ultime existe ultimement.
Et bien profitons-en: expliquez nous la différence entre "être l'ultime" et "exister ultimement".
Dernière modification par Aldous le 21 mars 2012, 17:18, modifié 3 fois.
antodume

Dharmadhatu a écrit :Tu comptes berner qui ici à vouloir nous faire croire que tout ce qui contredit tes propos vient de quelqu'un qui n'a rien réalisé ? Ton ego t'empêche de voir qu'il est possible, ne serait-ce que possible, que tu n'aies pas réalisé la nature véritable des choses et de ton esprit et qu'il y a plus profond encore. Cet ego si présent (qui te fait perdre si facilement ta sérénité, comme au cours d'un débat précédent) montre à quel point ta vacuité loupe sa cible.
Je ne compte berner personne. Quelqu'un a-t-il l'impression d'être berné ici par moi ? Je dis mes vues en fonction de ma compréhension et de mon expérience. J'ai ouvert cette "brèche" dans ce fil en reprenant des propos de Rahula qui contredisent les tiens. A partir de là, le lecteur se fera une opinion. Sur bien des points je pense que tu as une vue incorrecte, pour ne pas dire une absence totale de vue. J'estime être de mon devoir de le dire sur un forum où des gens de tous niveaux viennent pêcher des infos sur le bouddhisme, ses pratiques, ses vues... Ce n'est pas tromper les gens. Les gens sont assez grands pour se faire une opinion à partir de leur expérience ou de leur compréhension. Ils peuvent donc comprendre si ce que je dis est juste ou erroné. Je fais confiance à leur bon sens, sinon, je ne posterai pas, c'est évident.

Quant à ma "perte de sérénité" (à cause de mon ego ::mr yellow:: ), je pense que tu fais des projections fantaisistes sur ce que je suis ou ressens (peut-être à partir de ton propre ressenti, d'ailleurs ?). Ma sérénité est intacte, rassure-toi et ce n'est pas parce que j'use d'un verbe un peu couillu qu'elle subit la moindre altération. Il y longtemps que j'ai compris la nature de mon propre esprit et ne me soucie nullement des mouvements des vagues à sa surface. Chacun sait ici - pour qui me connait un peu - que s'il m'arrive de me fritter avec certaines personnes, je ne garde aucune rancune. Les vagues de l'esprit ne sont que des vagues qui s'éteignent naturellement dès lors qu'on ne les entretient pas volontairement. Il n'est pas nécessaire d'en faire toute une histoire. Dans le Zen, nous avons l'habitude des prises de gueule et des interventions musclées. Si on faisait attention à ce genre de détail, les monastères et les centres zen seraient déserts. Et ce n'est pas parce que nous ne sommes pas des adeptes du "politiquement correct" que nous n'avons pas de respect pour les êtres, en particulier ceux que l'on rabroue quand on le juge utile. S'efforcer d'être inerte dans la tempête, c'est ne pas reconnaître la plasticité (ou l'élasticité) de la nature de l'esprit. Tout simplement.

Voilà. Et tu ne m'en voudra pas, j'espère, de ne pas m'intéresser plus que ça à cette verrue intellectuelle que sont vos deux vérités madhyamakistes. Ce n'est pas avec ça que tu verras dans ta vraie nature. Mais tu fais ce que tu veux, n'est-ce pas ? :cool:
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Aldous a écrit :Et bien profitons-en: expliquez nous la différence entre "être l'ultime" et "exister ultimement".
jap_8 Mon post précédent y répond.
Ce n'est pas parce que je reconnais l'existence ultime du Nirvana que je reconnais l'absence d'existence ultime.
On dit la même chose, les deux reconnaissances sont opposées et donc l'une ne peut être la conséquence de l'autre. Il serait irréaliste qu'un pratiquant qui passe sa vie à reconnaître l'absence d'existence ultime finisse par atteindre un nirvana qui, lui, ne serait pas vide d'existence ultime.
C'est tout le contraire puisque le fait de reconnaitre l'existence ultime du nirvana est la reconnaissance d'une existence ultime (et non la reconnaissance de son absence!)
Voilà pourquoi tu es absolutiste ou théiste, comme tu veux.
Donc pour vous il n'y a pas dans le bouddhisme un incomposé qu'on appelle Nirvana qui a une existence ultime?
Mes posts précédents y répondent.
Antodume a écrit :Les gens sont assez grands pour se faire une opinion à partir de leur expérience ou de leur compréhension. Ils peuvent donc comprendre si ce que je dis est juste ou erroné.
Alors tout va bien, faisons confiance au bon sens des gens.
antodume » Mar 21 17:08 pm
Quant à ma "perte de sérénité" (à cause de mon ego ), je pense que tu fais des projections fantaisistes sur ce que je suis ou ressens (peut-être à propos de ton propre ressenti, d'ailleurs ?). Ma sérénité est intacte, rassure-toi et ce n'est pas parce que j'use d'un verbe un peu couillu qu'elle subit la moindre altération.
antodume » Fév 28 09:55 am

Tu as l'art, Dharmadhatu, de faire en sorte qu'il soit impossible de terminer un débat sereinement

http://forum-nangpa.com/viewtopic.php?f ... 1&start=60
Et tu ne m'en voudra pas, j'espère, de ne pas m'intéresser plus que ça à cette verrue intellectuelle que sont vos deux vérités madhyamakistes. Ce n'est pas avec ça que tu verras dans ta vraie nature. Mais tu fais ce que tu veux, n'est-ce pas ?
jap_8 Oui merci. Grâce aux bénédictions et transmissions de Sa Sainteté le Dalaï Lama, j'ai l'heur de compter parmi mes autres Maîtres l'Acharya Nagarjuna pour qui la compréhension des deux vérités est une garantie sotériologique incontournable (Mk, XXIV):

8. L'enseignement de la doctrine par les Bouddha est fondé sur deux vérités:
la vérité liée à la convention du Monde et la vérité en terme de fruit ultime.

9. Ceux qui ne comprennent pas la distinction entre ces deux vérités
ne comprennent pas la profonde vérité contenue dans le message du Bouddha.


Que dire alors de ceux qui les considèrent comme des verrues intellectuelles...

En passant, ceux qui souhaitent démasquer les sophismes, peuvent se pencher sur le Chap. XIII du Madhyamakashastra: Examen de l'action et de l'agent (et non du vecteur ! :lol: )

Amitié FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 21 mars 2012, 18:07, modifié 5 fois.
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Répondre