La vérité ne relève pas de la mémoire...

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cgigi2
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Textes Choisis

La vérité ne relève pas de la mémoire ni de la connaissance mais de la compréhension -
par Walpola Rahula
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Le célèbre maître sri-lankais Walpola Rahula, de passage en France, a bien voulu accorder un entretien à "Sangha", le 27 juillet, à la pagode du Bourget. On y trouve, derrière un constant mais apparent paradoxe, la saveur des maîtres japonais, adeptes de la compréhension directe. Pourtant, Walpola Rahula est de tradition théravadine. Mais sa sagesse ne transcende-t-elle pas toutes les écoles ? Propos recueillis par Thierry Truillet

Quelle est votre impression sur le développement du bouddhisme en Occident?

Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu beaucoup de bouddhistes, même dans des pays traditionnellement bouddhistes, comme l'Inde ou le Sri Lanka. Pas même en Inde, du temps du Bouddha, parmi ses disciples, dont beaucoup n'avaient pas compris son enseignement. Aujourd'hui, c'est la même chose. On ne peut pas avoir la compréhension d'une vérité par une technique. La pratique n'est pas suffisante pour atteindre la réalisation. Dans les textes bouddhiques, il est question d'un homme qui n'avait encore jamais rencontré le Bouddha, n'avait donc jamais pratiqué. Il l'écouta et comprit la réalité.

Mais que pensez-vous des moyens enseignés pour guider vers cette réalisation, comme vipassana ou samatha ? Il s'agit bien de techniques qui incorporent des postures physiques et des exercices mentaux...

Tout cela est surtout intéressant pour les gens qui ne peuvent pas faire autrement !

Alors, quelle voie conseillez-vous ?

Aucune. Si vous conseillez une voie, une technique, c'est fini. Dans la méditation vipassana, il n'y a pas de technique. Vous êtes conscient de toutes vos actions. Non pas une heure ou deux, mais toute la vie, en toute circonstance.

Ma question était aussi de savoir s'il y avait une différence de compréhension entre les Orientaux et les Occidentaux.

Il n' y en a aucune. Dans l'enseignement du Bouddha, les soutras, les tantras... Pas les tantras, Tout est venu après le Bouddha. Tous les "yanas" : Vajrayana, Mahayana, Hinayana, Theravada, etc., sont postérieurs au Bouddha. Ils ont été développés par les maîtres bouddhistes, comme les pères de l'Eglise l'ont fait pour le christianisme. Non sans erreur par rapport à l'enseignement originel.

Votre réponse laisserait penser que tous ceux qui s'engagent dans une pratique bouddhiste sont dans l'erreur...

L'erreur est de s'attacher à la forme. Si vous avez la vérité dans votre main, c'est fini. Je pense que cela renvoie à l'essence de la vérité. La vérité n'est pas quelque chose que l'on peut trouver. Elle n'est pas exprimable par le langage.

Pourtant, il faut des étapes pour conduire la conscience à cette réalisation...

Quelles vies, quelles étapes ? Le Bouddha l'a dit : il n'y a pas de chemin. Un brahmane avait une fille très belle et il vint proposer au Bouddha de l'épouser. Celui-ci refusa, déclarant qu'il ne voudrait pas même lui toucher le pied. Le brahmane lui demanda alors par quel moyen il avait obtenu ce degré de compréhension. Il a dit: non par une pratique ni par quelque manière ou chose, mais sans ces choses. C'est-à-dire: vous pratiquez, mais vous n'êtes pas esclave de la pratique.

Que pensez-vous de l'ego et des émotions perturbatrices? Si la personne n'est pas guidée correctement, comment peut-elle atteindre la réalisation?

Dans le bouddhisme, ce n'est pas la connaissance ni la mémoire qui comptent, mais la compréhension et non pas celle qui repose sur la mémoire. La connaissance du Dharma, c'est la mémoire, et ce n'est rien du tout. Ce n'est qu'un processus. La compréhension de la vérité n'est pas mémoire. On ne peut pas oublier la vérité et, dans la vérité, il n'y a rien à se souvenir. Après son Ilumination, le Bouddha a insisté là-dessus : il y a la vision, c'est tout. Si vous voyez une fleur, vous la voyez, c'est
tout. Il n'y a là rien de mauvais. Mais tout vient après, quand vous réfléchissez sur cela.

Les techniques du Vajrayana qui me sont un peu plus familières, amènent la conscience actuelle dans un état de non-saisie de l'expérience. Certains maîtres enseignent ces techniques pour faire comprendre cette vérité où rien n'est ajouté.

Il s'agit bien, alors, d'un chemin. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui veulent atteindre cette vérité?

Il n'y a pas de conseil à donner, sinon, c'est le chemin.

Les enseignants du Dharma vont bientôt se réunir à Karma-Ling pour envisager les différentes formes que prend le bouddhisme en Occident. Ce sujet préoccupe beaucoup les personnes engagées dans le Dharma...

Cette situation n'est pas nouvelle. Dans le passé, des concertations ont déjà cu lieu entre des grands bodhisattvas, des sravakas et des pratiekas bouddhas, etc. Ils ont débattu de ce qu'est la réalité. Si je me rappelle bien, il y a trente-deux définitions., Chacun a donné la sienne. A la fin, pour conclure, le grand bodhisattva a répondu par un grand silence car, dès qu'il y a des mots, il y a dualité. C'est une très belle histoire !

Le développement du bouddhisme en Asie a été très lent. En Occident, actuellement, ce processus est très rapide. D'où le questionnement des enseignants du Dharma: que faut-il faire et ne pas faire? Quelles erreurs éviter? A vous entendre, toutes les possibilités sont offertes...

En Occident, le bouddhisme n'est pas encore établi. Je parle de l'aspect institutionnel, non de la vérité. Ici, les aspects matériels et techniques sont très développés, mais pas la connaissance de l'esprit. Votre grand philosophe Descartes a dit: "Je pense, donc, je suis." Cette proposition n'est pas logique. Selon le bouddhisme, il n'y a pas de moi ni de pensée, il y a seulement action, mais personne derrière. L'eau coule, mais il n'y a personne qui fait couler l'eau.


Le vénérable Walopla Rahula

Le vénérable Walpola Rahula est un moine Sri Lankais, décédé le 18 septembre 1997 à Colombo à l'âge de 91 ans. Walpola Rahula possédait une grande érudition qui dépassait largement les limites du bouddhisme theravada, le "Bouddhisme des Anciens", auquel il appartenait. C'est ainsi qu'il avait étudié les textes chinois et tibétains du Mahâyâna. Il a été un des pionniers de la transmission de l'enseignement du Bouddha en Occident. Le vénérable a vécu 25 années en France et à enseigné à la Sorbonne dans les années 50. Il fut l'un des principaux artisans de la diffusion du Dhamma en Occident. Son livre, l'Enseignement du Bouddha, traduit en 14 langues, présenté dans la bibliographie, figure parmi les premiers parus sur le sujet et reste une référence absolue plus de quarante ans après sa parution en 1961.


http://www.vipassana.fr/Textes/WalpolaR ... emoire.htm
avec metta
gigi
Ici et Maintenant pleine attention à la pleine conscience
antodume

Excellent texte. Merci Gigi. Un passage m'interpelle et qui ne manquera pas d'interpeler notre ami Dharmadhatu également, je suppose, car il fut l'objet d'un débat "houleux" entre nous :
Walpola Rahula a écrit :Selon le bouddhisme, il n'y a pas de moi ni de pensée, il y a seulement action, mais personne derrière
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Longchen
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Oui, ultimement, mais je ne crois pas que le moi conventionnel et impermanent, quoique d’un certain point de vue avec une certaine permanence aussi -je ne suis pas quelqu’un de totalement différent de celui que j’étais hier, ou cela serait un peu inquiétant- soit nié.
<<metta>>
L’instant présent 🙏
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Dharmadhatu
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color_3 Merci sister Gigi,

J'apprécie beaucoup les enseignements de Walpola Rahula. Bien sûr, tout n'y est pas indiscutable, comme par exemple:
Tous les "yanas" : Vajrayana, Mahayana, Hinayana, Theravada, etc., sont postérieurs au Bouddha. Ils ont été développés par les maîtres bouddhistes, comme les pères de l'Eglise l'ont fait pour le christianisme. Non sans erreur par rapport à l'enseignement originel.
Dans certains Sutras, comme le Saddharmapundarika, le Bouddha est très clair sur le fait qu'il est bien à l'origine des yanas. Voir à ce sujet la parabole des 3 chars.

La citation relevée par Antodume en est un autre exemple, comme le rappelle Longchen:
je ne crois pas que le moi conventionnel et impermanent, quoique d’un certain point de vue avec une certaine permanence aussi -je ne suis pas quelqu’un de totalement différent de celui que j’étais hier, ou cela serait un peu inquiétant- soit nié.
Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Aldous

Dharmadhatu a écrit :La citation relevée par Antodume en est un autre exemple, comme le rappelle Longchen:
je ne crois pas que le moi conventionnel et impermanent, quoique d’un certain point de vue avec une certaine permanence aussi -je ne suis pas quelqu’un de totalement différent de celui que j’étais hier, ou cela serait un peu inquiétant- soit nié.
Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre.
Mais vous même vous avez écrit dans l'autre fil qu'il ne s'agissait pas de deux simples conventions et qu'ultimement il n'y a ni acteur ni acte!
Vous vous contredisez donc Dharmadhatu!
Dharmadhatu a écrit :La vue finale de Nagarjuna et du Bouddha c'est: ultimement, il n'y a ni acteur ni action, conventionnellement les deux existent autant l'un que l'autre, pas plus ni moins
viewtopic.php?f=61&t=6358&start=90
Dernière modification par Aldous le 21 mars 2012, 11:25, modifié 1 fois.
Sourire

Dharmadhatu a écrit :Dans certains Sutras, comme le Saddharmapundarika, le Bouddha est très clair sur le fait qu'il est bien à l'origine des yanas. Voir à ce sujet la parabole des 3 chars
Je ne voudrais pas chercher la petite bête mais... Quelle est la date de rédaction de ces sutras ?
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Dharmadhatu
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Aldous a écrit :
Dharmadhatu a écrit :La citation relevée par Antodume en est un autre exemple, comme le rappelle Longchen:
je ne crois pas que le moi conventionnel et impermanent, quoique d’un certain point de vue avec une certaine permanence aussi -je ne suis pas quelqu’un de totalement différent de celui que j’étais hier, ou cela serait un peu inquiétant- soit nié.
Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre.
Mais vous même vous avez dit dans un autre fil qu'il ne s'agissait pas de deux simples conventions et qu'ultimement il n'y a ni acteur ni acte!
Vous vous contredisez donc Dharmadhatu!
Dharmadhatu a écrit :La vue finale de Nagarjuna et du Bouddha c'est: ultimement, il n'y a ni acteur ni action, conventionnellement les deux existent autant l'un que l'autre, pas plus ni moins. .
:D Réflexion tout à fait justifiée lorsqu'on ne saisit pas que: si quelque chose existe conventionnellement, ça n'existe pas ultimement (l'inverse n'étant pas obligatoire).
Sourire a écrit :Je ne voudrais pas chercher la petite bête mais... Quelle est la date de rédaction de ces sutras ?
:D C'est un vieux débat qui ne doit pas négliger le fait que le Dharma a longtemps été une tradition orale. La datations des écrits ne pouvant donc prouver quelque ancienneté que ce soit.

FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 21 mars 2012, 11:36, modifié 1 fois.
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Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Aldous a écrit :
Dharmadhatu a écrit :La citation relevée par Antodume en est un autre exemple, comme le rappelle Longchen: Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre.
Mais vous même vous avez dit dans un autre fil qu'il ne s'agissait pas de deux simples conventions et qu'ultimement il n'y a ni acteur ni acte!
Vous vous contredisez donc Dharmadhatu!
Dharmadhatu a écrit :La vue finale de Nagarjuna et du Bouddha c'est: ultimement, il n'y a ni acteur ni action, conventionnellement les deux existent autant l'un que l'autre, pas plus ni moins. .
:D C'est étrange comme on peut lire quelque chose et comprendre l'opposé direct de ce qu'on lit... Mais c'est finalement tout à fait justifié lorsqu'on ne saisit pas que: si quelque chose existe conventionnellement, ça n'existe pas ultimement (l'inverse n'étant pas obligatoire).
Là n'est pas la question (que si quelque chose existe conventionnellement, ça n'existe pas ultimement (l'inverse n'étant pas obligatoire)) le problème est que tout à coup vous remeniez tout à deux conventions (en répondant à Longchen), je vous cite:
Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre
Dernière modification par Aldous le 21 mars 2012, 11:38, modifié 1 fois.
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Dharmadhatu
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Aldous a écrit :Là n'est pas la question (que si quelque chose existe conventionnellement, ça n'existe pas ultimement (l'inverse n'étant pas obligatoire)) le problème est que tout à coup vous remeniez tout à deux conventions:
Ce qui est très juste, sinon, on exerce une discrimination superflue entre deux simples conventions, au profit de l'une et au détriment de l'autre
:D Dans ce contexte de l'agent et de l'action, où trouver plus de deux conventions explicites ? Il est bon de comprendre avant de trouver des contradictions là où il n'y en a pas. Merci.

FleurDeLotus
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