question

antodume

Je voudrais simplement préciser que le point de vue que je défends n'est pas propre au Rinzaï. J'ai d'ailleurs cité Joshu qui n'est pas un maître de la branche de Lin Tsi (Rinzaï). C'est la vue propre au Zen, quelle que soit la branche ou l'école. Il est étonnant qu'un adepte du Mahayana ne reconnaisse pas, dans le Nirmanakaya, l'expression des pouvoirs du Bouddha. Or, les Nirmanakayas vivent de manière très ordinaire. Joshu en témoigne, mais il est loin d'être le seul (et pas seulement rattaché au Zen).

En revanche, les pouvoirs dits "mondains" sont ceux que l'on attribue généralement aux chamanes, aux sorciers, voire aux astrologues. Qu'ils soient éveillés ou pas, amis ou disciples du Bouddha ou pas ne change pas grand chose au fait que ces pouvoirs ne sont pas ceux qui accompagnent l'Eveil.
Sourire a écrit :Je vais ressortir un conte zen...
Deux moines, se vantant de leur maître =
- " Le maître de notre école est si bien réalisé qu'il peut écrire sur un papier tenu par quelqu'un de l'autre côté d'une rivière.
- Sans avoir à traverser ni à tenir le crayon !"
...
- "Et moi, quand j'ai soif, je bois, quand j'ai faim je mange, quand j'ai sommeil je dors."
(si ma mémoire est bonne, les deux moines du début sont de l'école amidiste, et il y a en tous cas un conflit d'école dans ce conte)
En fait, ce conte met en lumière deux niveaux de réalisation au sain de l'école Rinzaï. Le 1er moine n'a simplement pas réalisé la nature des pouvoirs de son maître alors que le second l'a parfaitement compris.
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Dharmadhatu
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Antodume a écrit :Or, les Nirmanakayas vivent de manière très ordinaire.
jap_8 Voilà donc qui va dans mon sens et répond à ta question du 29/02 dernier:
Tu connais beaucoup de Nirmanakaya qui passent, socialement, incognito ? Tu n'es pas sérieux, Dharmadhatu.
Car en effet, parmi tous les Nirmanakayas, certains sont en effet très ordinaires et donc indétectables pour nous.

Merci pour cet élément qui va dans le sens des convergences entre Mahayana indo-tibétain et Mahayana sino-japonais.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Oui, enfin, entre vivre incognito et de manière tout à fait ordinaire, il y a une grande différence. Joshu ne vivait pas incognito. Rinzaï non plus. Mais c'était des gens tout ce qu'il y avait d'ordinaire. J'entends par là qu'ils ne développaient aucun pouvoir paranormal, aucun prodige. Mais Joshu comme Rinzaï et bien d'autres maîtres de cet envergure étaient loin d'être des inconnus du grand public. Rinzaï comme Joshu étaient des maîtres nationaux. Leur pouvoir, précisément, étaient de montrer à leurs disciples que l'ordinaire était l'expression du sublime et qu'il n'est pas nécessaire de rajouter quoi que ce soit à la nature pour en avoir la juste vue. C'est pour cela que Joshu demandait à l'élève de laver son bol ou de prendre une tasse de thé. Quand Kashyapa a souri à la fleur que lui montrait le Bouddha, il a vu l'expression de la splendeur du Samboghakaya et, en cela, il avait compris le véritable message du Bouddha. Et le Bouddha, évidemment, avait compris qu'il avait compris. Une fleur, c'est une simple fleur et c'est en cela qu'elle n'est pas qu'une simple fleur. Voir cela, c'est être éveillé. Cette fleur, si ça se trouve, ce n'était qu'un vulgaire pissenlit. Des pissenlits, il y en a plein les champs mais qui sait les voir tels qu'ils sont ? Il faut avoir la vue d'un Bouddha pour ça. Et une fois qu'on a cette vue, qu'on touche du doigt le commencement de l'univers sans bouger d'un millimètre ou qu'on touche le bout de son nez, c'est exactement le même pouvoir supra mondain. Et c'est un pouvoir très ordinaire, si on regarde les choses normalement (avec la vue juste).
lausm

Orange a écrit :Bonjour :lol:

Je vois que le sujet a bien été débattu!
Bon pour répondre à vos questions, en faite j'ai déjà essayer de poser directement ce genre de questions à plusieurs maîtres et évidement je n'ai eu que des réponses du genre " je n'ai aucune expérience de la méditation', 'je ne me defini pas comme un pratiquant du Mahayana', 'ce n'est pas parcequ'on a réalisé les 5 clairvoyances que l'on est sorti du samsara'...

C'est très difficile de pouvoir poser ce genre de question à un maitre authentique car il ne va pas répondre quelque chose du style 'et oui je suis à tel niveau' 'j'ai réalisé tel truc..' :lol:

de toute façon réponse ou pas ça ne change en rien la relation que j'ai avec ce maitre...
c'était juste un peu de curiosité....
et puis je me suis dis que Dharmadhatu devait bien avoir une idée à ce sujet! voilà pourquoi j'ai posé ma question ici.
Merci à tous pour vos réponses.

bonne journée.
delphinus
Et combien ces maîtres ont raison de ne pas répondre à une question à laquelle la réponse ne regarde que chacun intimement!!
Jauger de la réalisation du voisin, fût-il maître, c'est encore chercher un truc hors de soi, alors que la voie du Bouddha c'est de regarder en soi-même. Et là il n'est point question de niveau. Il est question de réalisation, et il y a ou il n'y a pas.
Le zen soto, prône le même genre de discours que celui dont parlent Aldous ou Antodume.
En fait il s'agit plus d'effacer ses caractéristiques, ses manifestations, son ego, que de montrer un quelconque pouvoir psychique qui est de l'ordre du conditionné.
Sinon, il n'y aurait eu que Maugdalalyana comme disciple du Bouddha authentiquement reconnu.
et encore ses pouvoirs particuliers, étaient-ils utilisés seulement pour aider à éveiller les autres, et les amener à cette pratique.
Bien sûr qu'il y a des phénomènes psycho physiques parfois troublants. Mais ils ne sont pas le coeur de la pratique, ni la guérison réelle, ils sont encore de l'ordre du conditionné.
Comme disait très prosaïquement maître Deshimaru, si on se concentre pendant des semaines, sans manger de viande, avec un comportement très ascétique, on va développer des facultés spéciales...puis on va boire un verre de saké, et tout ça aura disparu!!!
Thich Nath Hanh avait une formule très parlante pour ça : "le vrai miracle c'est de marcher sur la Terre".
tout comme le vrai miracle est d'être en vie, de respirer, de voir le soleil, le printemps qui arrive.
Si déjà on reconnaissait cela comme un vrai miracle, le monde irait tellement mieux! Au lieu de croire que la vérité est ailleurs!
Je viens de lire le post d'Antodume : c'est exactement cela, et ce week end c'est aussi exactement cela que Tokuda enseignait : il parle de s'effacer, de plus en plus. Et il disait que quand il faisait samu, en plantant des fleurs, là bas à Eitai Ji, dans la montagne des Alpes Maritimes, et bien toutes ces questions d'éveil, il n'y pensait pas...et ça le fait rigoler!
Ne pas se prendre la tète, ça c'est un sacré pouvoir miraculeux que j'ai envie d'avoir!
Sourire

antodume a écrit :
Sourire a écrit :Je vais ressortir un conte zen...
Deux moines, se vantant de leur maître =
- " Le maître de notre école est si bien réalisé qu'il peut écrire sur un papier tenu par quelqu'un de l'autre côté d'une rivière.
- Sans avoir à traverser ni à tenir le crayon !"
...
- "Et moi, quand j'ai soif, je bois, quand j'ai faim je mange, quand j'ai sommeil je dors."
(si ma mémoire est bonne, les deux moines du début sont de l'école amidiste, et il y a en tous cas un conflit d'école dans ce conte)
En fait, ce conte met en lumière deux niveaux de réalisation au sain de l'école Rinzaï. Le 1er moine n'a simplement pas réalisé la nature des pouvoirs de son maître alors que le second l'a parfaitement compris.
Je n'ai pas vraiment le temps de fouiller dans mes archives, Antodume, mais même si les deux moines du début n'ont pas compris ce que le troisième a compris, je me souviens bien que mon recueil de contes parlait, sur ce conte, de l'école de la terre pure. C'est pour cela que j'ai jugé bon de le préciser.
antodume

C'est effectivement possible que les deux premiers (je pensais qu'il n'y en avait qu'un seul mais peu importe) appartiennent à l'école de la Terre Pure. Il y a, par certains aspects, convergence de vue entre l'école Rinzaï et l'amidisme (voir le 2ème tome des "essais sur le Bouddhisme Zen" de D.T. Suzuki). Le Rinzaï insistant surtout sur l'aspect "esprit d'investigation". Le kôan d'ouverture "Qui récite le nom du Bouddha ?" montre aisément le lien étroit entre ces deux écoles.

Ce qui m'a fait penser qu'il pouvait s'agir de l'école Rinzaï et non de la Terre Pure, c'est que le pouvoir d'écrire sur un papier tenu par quelqu'un de l'autre côté de la rivière sans avoir à traverser ni à tenir le crayon fait partie des kôans secondaires tests de l'école Rinzaï. Autrement dit, celui qui sait répondre à la question "Qui récite le nom du Bouddha ?" doit pouvoir savoir comment écrire sur un papier tenu par quelqu'un de l'autre côté de la rivière. Parmi les kôans tests qui succèdent au fameux kôan "le son d'une seule main", on trouve ceux-ci (dont les cinq derniers rappellent le conte) :

1) Le son d’une seule main peut-il être tranché ?
2) S’il est impossible de le trancher, pourquoi ?
3) Quel est le son d’une seule main avant d’être né des parents ?
4) Quel est le son d’une seule main après l’incinération ?
5) Quel est le son d’une seule main au sommet du mont Fuji ?
6) Quel est le paysage vu du mont Fuji ?
7) Pourquoi entendez-vous le son d’une seule main ?
8) Que faire avec le son d’une seule main ?
9) Faites-moi entendre le son d’une seule main !
10) Arrêtez les deux bagarreurs qui se trouvent sur l’autre rive de la rivière !
11) Relevez-moi sans me toucher !
12) Frappez le tambour de l’espace à l’aide du bâton mont Fuji !
13) Que deviens-tu si le globe terrestre éclate ?
14) Avale d’un seul coup l’océan Pacifique !
Sourire

L'essentiel du conte n'est pas dans le fait que les moines appartiennent ou non à des écoles différentes, me semble-t-il, Antodume.
Du moins pour son aspect purement zen. D'une même école ou d'une autre que celle du troisième, les deux premiers moines s'arrêtent à des apparences et le miracle est celui de leur maître, non le leur.

Si on choisit de s'arrêter à l'aspect "divergence de point de vue concernant l'importance des pouvoirs du maître", cela peut se rapporter à des différences d'écoles. Comme ici, sur ce fil de discussion.


Que deviens-tu si le globe terrestre éclate ?
O
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Dharmadhatu
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Oui, enfin, entre vivre incognito et de manière tout à fait ordinaire, il y a une grande différence.
<<metta>> Mouais, pas tant que ça. Le nombre de Nirmanakayas est si vaste que d'aucuns peuvent paraître très ordinaires et incognitos, d'autres moins.
Une fleur, c'est une simple fleur et c'est en cela qu'elle n'est pas qu'une simple fleur. Voir cela, c'est être éveillé. Cette fleur, si ça se trouve, ce n'était qu'un vulgaire pissenlit. Des pissenlits, il y en a plein les champs mais qui sait les voir tels qu'ils sont ? Il faut avoir la vue d'un Bouddha pour ça.
Ou bien être un Arhat ou encore un Arya Bodhisattva.

Bonne soirée à tous. FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Sourire a écrit :L'essentiel du conte n'est pas dans le fait que les moines appartiennent ou non à des écoles différentes, me semble-t-il, Antodume.
Non, effectivement. L'essentiel du conte est de montrer que le fait de vivre simplement, d'une manière ordinaire, est aussi merveilleux que les pouvoirs du maître décrits par les deux premiers moine. Du moins, c'est mon interprétation. En as-tu une autre ?
Si on choisit de s'arrêter à l'aspect "divergence de point de vue concernant l'importance des pouvoirs du maître", cela peut se rapporter à des différences d'écoles. Comme ici, sur ce fil de discussion.
C'est vrai et ce n'était pas mon objectif. Je voulais juste commenter ce conte.
Que deviens-tu si le globe terrestre éclate ?
Vivant, je ne dis pas. Mort, je ne dis pas.
Dharmadhatu a écrit :Le nombre de Nirmanakayas est si vaste que d'aucuns peuvent paraître très ordinaires et incognitos, d'autres moins.
Dans mon école, les Nirmanakayas sont des bodhisattvas qui "se rendent au marcher avec des mains secourables" (titre du 10ème tableau du dressage du buffle). Ils n'ont certes pas besoin de publicité pour ça puisqu'il y a largement de quoi faire. Aider tous les êtres sensibles à trouver le chemin de sortie du samsara, ce n'est pas une petite tâche. Je ne sais pas, mais, si j'avais cette tâche à accomplir, personnellement, je ne me cacherais pas. C'est déjà compliqué de trouver un maître par les temps qui courent, si en plus il se cache... Non ?
Ou bien être un Arhat ou encore un Arya Bodhisattva.
Oui.
Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Une fleur, c'est une simple fleur et c'est en cela qu'elle n'est pas qu'une simple fleur. Voir cela, c'est être éveillé. Cette fleur, si ça se trouve, ce n'était qu'un vulgaire pissenlit. Des pissenlits, il y en a plein les champs mais qui sait les voir tels qu'ils sont ? Il faut avoir la vue d'un Bouddha pour ça.
Ou bien être un Arhat ou encore un Arya Bodhisattva.
Cela va de soi puisque dans le cadre de cette histoire Mahakashyapa qui voit aussi cette fleur et qui n'était pas un Bouddha (dans le sens samiaksam bouddha) sourit (il voit aussi cette fleur telle qu'elle est)!
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