WU-NIEN - l'Inconscient

Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

D'accord avec Iskander ; par ailleurs, je ne vois pas l'intérêt d'adopter un ton condescendant et de déprécier la Bible et les religions qui en sont issues. :?:

Même si elles font intervenir la notion de foi, elles ne demandent pas d'aveuglement de la part de leurs pratiquants, et sont tout autant fondées sur la raison que le bouddhisme. Qu'on ne soit pas convaincu par certains des raisonnements qui les appuient, c'est possible (c'est mon cas). De là à les prendre pour des fariboles, il y un large pas. Il me semble que le bouddhisme prône le respect des autres religions.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
chakyam

Ardjopa, Aldous,

Vos contributions confortent l'appréciation selon laquelle notre représentation du réel est fortement influencée par les croyances/convictions que nous projetons sur lui. Et c'est très bien ainsi dans la mesure où nos besoins sécuritaires l'emportent sur toute autres considérations même et surtout en ce qui concerne notre création et sa finalité. Il importe par contre que nos convictions permettent la confrontation avec d'autres sans encourir l'accusation de stigmatisation qui, par son énoncé même, est déjà la preuve d'une incertitude quant à sa propre capacité de respect des autres types de pensée.

Lé débat ainsi posé n'est pas celui de la Bible contre toute autre forme de spiritualité mais de la recherche d'un équilibre entre une spiritualité « naturelle » et une spiritualité « imposée » de l'extérieur où l'Homme, quoiqu'on en dise est créé par une transcendance et par la-même emprisonné et/ou délivré par une parole dont l'histoire du Christianisme a montré la pertinence, la justesse et la validité.

Cgigi2

De ce point de vue, je suis au regret de constater que la question : Je me demande bien qui a décréter un jour, que nous venions au monde avec le péché originel ? est hors sujet, ne serait-ce que par méconnaissance des textes bibliques et évangéliques et parce que la réponse, quelle qu'elle soit n'est d'aucune aide pour éclairer la dialectique de la présence immédiate de l'Univers et ses bienfaits ou l'attente sans fin d'une eschatologie incertaine qui en attendant « le paradis » nous en éloigne. Mais ne t'inquiètes pas, même inutile, tu as le droit de la poser et MOI, je n'en demanderai pas le vérouillage.

Quant à la constatation que « le Dieu dont il est question parle au pluriel, serait-ce qu'ils étaient plusieurs » me semble être le comble de l'incompréhension. N'est ce pas plutôt à comprendre au sens où « le roi dit nous voulons » ?

Les récits dont il est question, pour intéressant qu'ils soient, se situent tous dans une relation de domination et le dire ne constitue pas une dévalorisation des textes qui l'affirment mais permettent de comprendre que ces récits mythiques pris pour la réalité risquent de fourvoyer leurs lecteurs dans des chemins de traverse sans issus. Par ailleurs qui a jamais posé le caractère fini de l'Homme pour valoriser l'infinitude de Dieu et des religions qu'il inspire – ou plus exactement – qui s'inspirent de lui ? Si ce n'est précisément les religions.

Flocon,

«  Il me semble que le bouddhisme prône le respect des autres religions. » Bien entendu ! Mais le respect interdit-il l'étude des déterminants desdites religions ? Je ne le crois pas et j'entend bien poursuivre leur mise en relation sans pour autant imposer quoique ce soit. S'il prend l'envie à quelqu'un de croire que le cercle est carré, pas de souci mais qu'il ne vienne pas m'imposer sa croyance et là ! Les religions révélées ont encore du chemin à faire

Butterfly_tenryu FleurDeLotus
chakyam

Wu Nien, l’Inconscient. L’Inconscient c'est le Lâcher Prise et c’est l’absence de pensée consciente c'est-à-dire d’une pensée qui s’auto réfléchit en une forme particulière pour se doter d’une existence que cependant par elle-même elle ne peut posséder. La pensée consciente c’est le miroir dans lequel chacun se regarde alors que la Prajnaparamita nous indique que chacun d’entre nous, dans l’acte de voir est le miroir alors que le miroir n’est pas nous. C’est ainsi que se pose dans notre quotidienneté l’expression, d’une part des six paramitas (don, bienveillance, générosité, concentration, méditation etc, etc...) en tant que nature de bouddha, elle-même sans naissance ni mort ni commencement ni fin, et d’autre part la Nature de bouddha en tant que ferment originaire des 6 paramitas. En d’autres termes notre Nature propre est-elle à l’origine des six paramitas ou l’expérimentation des six vertus mène t-elle en elle même à ladite nature ? ou bien encore, se regarder dans le miroir ou s'admirer dans ses oeuvres, n’est-il pas le plus sur moyen de s’égarer du milieu juste, de se figer dans une définition nominale et une seule et en conséquence de faire de l’intransigeance de sa propre certitude la règle générale menant à l’inquisition ou au goulag ?
 
En effet, cette existence particulière telle que mentionnée par les diverses expériences spirituelles achoppe toujours sur une fixité dialectique qu’elle requiert nécessairement pour prendre date dans l’histoire et être considérée comme réelle alors qu’elle n’est que la représentation d’une réalité sans cesse mouvante que sa réification détruit.
 
Evidemment cette fixation dans un récit mythique qui va devenir contrainte pour soi et les autres (excommunications, croisades, lapidations, conquêtes des Amériques Nord et Sud et massacres corrélatifs des indiens, inquisitions multiples et sans fin, bannissement) n’est en rien une fatalité et dépend de l’investissement affectif et égotique que chaque humain va produire dans ce récit créateur qu'il adorera ensuite. Il en a été ainsi par le passé et il en est toujours ainsi de toutes les religions et philosophies de vie qui proposent une délivrance à terme alors que même spirituellement il n’est pas avéré qu’une telle délivrance soit possible et même nécessaire.
 
Apparaît de suite l’objection qui se présente aux critiques, du moins à propos du bouddhisme, dont la délivrance est la clé de voûte de l’enseignement. Encore faudrait-il distinguer de quelle délivrance il s'agit entre les écoles du petit véhicule, des influences de la Religion Bön pré-tibétaine avec son imagerie ré-incarnassionniste, du tantra et du grand véhicule, entre les écoles de la Terre Pure dont la répétition de la même formule (Nenbutsu) est réputée en fournir les conditions et les écoles zen soto et rinzaï mettant l’accent sur Hischiryo (au-delà de…) ou la résolution des koans pour s’apercevoir que la délivrance transfigurée dans le temps linéaire n’est pas la seule possibilité et que l’immanence/transcendance en tant qu’instant est possiblement possible parce qu’éternellement présente dans l’Inconscient fondateur de l'Homo Sapiens.

Cette distinction étant faite il convient de ne pas en rester aux aspects négatifs qui comme chacun sait n'ont aucune existence réelle même si chacun d'entre nous en subit parfois les effets. En effet ils ne sont que le résultat d'une connaissance utilisée contre sa destination première aux fins de pouvoir et/ou d'appropriation par quelques-uns de ce qui, par destination, appartient à tous. Tel est le cas de la quasi-totalité des institutions humaines dont la côté obscur l'emporte pendant des siècles au point qu'il est malaisé d'en discerner, au-delà des avatars de l'histoire, la finalité, ce qui permet, le temps passant, à ses laudateurs, de s'insurger de la moindre critique ou du moindre questionnement.

Cependant, à la suite du magnifique courant humaniste suscité par Vatican 2, les rencontres d'Assise ont permis de mieux faire connaître aux prêtes catholiques les pratiques et critères des religions d'extrême orient et ceci d'une manière assidue et systématique. C'est ainsi que dans son livre : VOYAGE SPIRITUEL DANS LE BOUDDHISME ZEN, paru chez Actes Sud, Frère Benoît BILLOT, après de multiples voyages au Japon au contact des moines zen, décrit leurs pratiques psychosomatiques en établissant une différence de fond entre le « corps que j'ai » - vision catholique et le « corps que je suis » - vision zen. Il admet qu'en élaborant une sagesse de la dimension physique de la personne, les dimensions psychiques (l'âme, la psyché), relationnelle et spirituelle (l'esprit) sont mises en mouvement sans pour autant, à contrario de la pratique monacale, nécessiter de réflexions théologiques ou philosophiques. Il précise : « il m'était donc donner de comprendre expérimentalement qu'une sagesse du corps, transmise par des maîtres et dans un cadre favorable, entraînait une réelle purification du mental... Grâce au travail sur le souffle, j'avais la joie de découvrir la dimension spirituelle de ce mouvement qui nous anime de la naissance à la mort. A l'inspiration, je recevais dans l'action de grâces, le don divin de la vie. A l'expiration, je lâchais ce don dans le lâcher-prise et l'offrais à l'Univers... »

Il constate ensuite que sa foi en dieu demeure intacte et qu'elle résulte d'une éducation caractérisée par l'ouverture du cœur à Dieu, par la méditation de la Bible et l'amour de ses frères et que néanmoins les pratiques zen lui permettent d'entrer dans un autre niveau de conscience caractérisé par une profonde unité. La dualité « mon corps et moi » disparaît pour simplement valoriser « l'être », ce qui ne l'incite pas pour autant à faire l'économie d'une divinité personnelle ne suivant pas en cela le principe d'Okkam, et c'est bien naturel compte tenu de ce qui précède.

Il reconnaît ainsi l'importance du Deux : l'homme et Dieu, la lumière de la vérité et l'obscurité de l'erreur, l'enfer et le ciel qui repose sur l'affirmation d'un principe : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » et qui passent cependant par l'expression d'une dualité que sa foi lui interdit de dépasser et qu'il va tenter d'unifier par une affirmation négative successives : « ni deux, ni un » - Aller jusqu'au fond de notre existence, c'est donc renouer avec l'origine de celle-ci. Tout est Un en dieu, en la source de chaque existence individuelle.

Le zen insiste constamment sur l'instant présent. Il y a 5 minutes, je vivais, dans 5 minutes je vivrais. Ses hôtes japonais lui rappellent sans cesse que le Salut est dans l'instant présent et que l'Eveil est à chercher dans ce présent ; Or d'après Frère BILLOT, il faut tenir ensemble les deux perspectives. Oui, le salut est là dans le présent mais si fragile qu'il faut un regard de foi et un travail intérieur pour le développer.

Avec l'admiration que je dois au frère Benoit BILLOT face à sa tentative de compréhension d'une pensée qui lui demeure étrangère, je retiens cependant que sa structure mentale ne lui permet pas de totalement y accéder. La notion d'Anatta ne lui est d'aucune utilité de même que celle de Vacuité qu'il ne mentionne même pas car idéologiquement il ne le peut pas; perdant toute référence métaphysique, que deviendrait dans son corpus opératoire l'amour du prochain qui cependant n'a nul besoin de personnalisation du type : toi-même pour être ?

Ainsi donc, de ce point de vue, la connaissance des origines de l'homme est totalement hors sujet car créé « naturellement » ou par la toute puissance divine, cette connaissance ne mène qu'à la fuite dans des solutions de type « enchevêtrements des lianes », la réification d'une conscience supposée à l'image de dieu (ou à sa semblance) interdisant par là-même la connaissance de l'Inconscient océanique et donc sa réalisation concrête, au-delà et en-deçà des mots, sensations, impressions qui tentent de le saisir.

« Qu'est-ce que l'Inconscient ? C'est ne pas penser à l'Etre ou au non-Etre, c'est ne pas penser au bon ou au mauvais ; c'est ne pas penser à être limité ou ne pas être limité ; c'est ne pas penser à des mesures ou à des non-mesures ; c'est ne pas penser à l'illumination, ni à être illuminé ; c'est ne pas penser au Nirvana ni à atteindre le Nirvana. Ceci n'est autre que Prajnaparamita elle-même qui n'est autre que le Samadhi de l’Unité »

Etablir des ponts, des comparaisons ; faire état de ses préférences (elles mêmes trompeuses) ne sont que des étapes sur les chemins de l'Eveil et même sont l'Eveil car si tel n'était pas le cas, QUE SERAIENT-ELLES ?

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

Chakyam : s'admirer dans ses oeuvres...
A peu de frais.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jules a écrit :
Chakyam : s'admirer dans ses oeuvres...
A peu de frais.
Ca peut aussi coûter cher ! ;-)
Image

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

Bonjour Dharmadhatu,
Orgueilleux est celui qui se contemple, orgueilleux est celui qui veut briser le miroir.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jules a écrit :Bonjour Dharmadhatu,
Orgueilleux est celui qui se contemple, orgueilleux est celui qui veut briser le miroir.
jap_8 Sauf si c'est pour lui-même, il s'agira alors de confiance en soi plutôt que d'orgueil. Mais je ne souhaite pas trolliser plus longtemps le fil de Chakyam (d'autant que je n'ai rien suivi à part ton post).

Amitié FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 13 mars 2012, 09:49, modifié 1 fois.
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
chakyam

1. Il n’y a absolument pas de propriétaire
Ni d’acteur, ni d’héritier.
Les phénomènes n’ont pas d’action
Et pourtant l’action existe.

2. Seuls les douze liens de la coproduction conditionnée,
Les agrégats, les 6 organes sensoriels, leurs objets
Et les domaines des éléments fonctionnent.
Mais en les examinant, nous ne trouvons pas de soi.

3. L’intérieur et l’extérieur,
Sont tous les deux vides.
Celui qui contemple la vacuité
Est également vide.

4. Le soi et l’auteur du soi sont vides.
Ce ne sont que des créations de l’esprit confus.
Le soi et l’être vivant sont également vides.
Seuls les phénomènes, en tant que causes, existent.

5. Les formations naissent et meurent en un clin d’œil.
Elles ne demeurent pas et donc n’ont pas de fonction.
Leur manifestation est leur fonction même
Et également leur sujet.

6 et 7. L’œil ne perçoit pas l’image,
Ni l’oreille, le son.
Ni le nez, l’odeur,
Ni la langue, le goût,
Ni le corps, le toucher,
Ni le mental, le phénomène.
Dans tout cela, personne ne préserve
Et personne ne fait le travail.

8. Ceci ne donne pas naissance à cela,
Et ne naît pas de lui-même.
Il naît à cause de conditions.
Il n’est pas ancien mais toujours nouveau ;

9. Ceci ne peut pas mettre fin à cela
Et ne peut pas mettre fin à lui-même non plus.
Il naît à cause de conditions.
Parce qu’il est né, il doit prendre fin.

10. La naissance est possible
Dépendante de deux raisons :
Se laisser débaucher par l’environnement,
Ou s’enfoncer dans la vue fausse.

11. A cause de l’ignorance, nous nous perdons
Et renforçons notre vue fausse.
A cause de l’avidité qui nous dirige,
Nous nous laissons débaucher par l’environnement.

12. Tous les phénomènes ont leurs causes.
Il en est de même pour la souffrance.
A cause de 2 illusions fondamentales,
Les 12 liens de la coproduction conditionnée se divisent.

13. L’action ne naît pas d’elle-même,
Ni d’autre chose,
Ni d’une autre vie
Et pourtant l’action existe.

14. Lorsque les formations ne sont pas encore nées,
Il est impossible de les saisir
Ni à l’intérieur ni à l’extérieur
Ni entre les deux.

15. Même lorsque les formations sont nées,
Elles sont également insaisissables.
L’avenir n’a pas d’apparence.
Mais le passé est repérable.

16. Ce que nous avons expérimenté est repérable
Comme ce que nous n’avons pas expérimenté.
Les formations n’ont pas de commencement
Mais le commencement existe quand même.

17. et 18. Les formes sont comme de la mousse,
Les sensations, des grappes de bulles d’eau,
Les perceptions, des mirages,
Les formations mentales, le tronc du bananier
Et la conscience, des tours de magie.
Les formations naissent, demeurent et prennent fin pareillement.
Ainsi a parlé le descendant du soleil.

19. L’ignorance ne peut pas se rendre ignorante
Ni rendre les autres ignorants.
Personne ne la rend ignorante
Et pourtant elle existe.

20. Sans l’attention juste,
L’ignorance naît.
La pensée non juste
Ne peut venir d’un sage.

21. L’action du mérite, de l’erreur et de l’imperturbabilité
A 3 aspects.
Le karma (action) a également 3 aspects,
Qui ne sont pas en harmonie.

22. Le présent finit rapidement
Où trouver le passé ?
L’avenir dépend des conditions
Et évolue selon le mental.

23. Que les phénomènes soient ou non
En lien les uns avec les autres,
Qu’ils évoluent ou non selon tous les phénomènes,
Ils évoluent selon le mental.

24. Dans ce courant, qu’il y ait interruption
Similarité ou différence
Tout suit la vue du soi.
L’action existe dans la vérité conventionnelle.

25. Si la forme physique se décompose,
La forme psychologique se décompose également.
Il est dit que dans cette vie et dans la vie suivante,
Il y a l’acteur et l’héritier.

26. Parce que le précédent et le suivant sont différents
Et que l’effet est déjà dans la cause,
L’acteur et l’héritier,
Ne sont ni semblables ni différents.

27. Le chemin des causes n’est pas interrompu.
Le rassemblement entraîne l’action.
Les deux naissent à partir de leur propre cause.
Ils saisissent l’objet de leur action.

28. Lorsque la cause est la prolifération d’idées,
Que l’action est pure ou impure
Et que la graine mûrit,
Le fruit sera apprécié ou non.

29. Selon les différents moments du mûrissement des graines,
La vue du soi naîtra.
Seule, l’expérience intérieure est ressentie
Dépourvue de forme et invisible.

30. Les gens ordinaires ne peuvent pas comprendre
Et croient à un soi.
La vue du soi est le fondement
De tant d’autres vues fausses.

31. Attachés à notre graine du soi,
Avec nos énergies d’habitude,
Ce que nous voyons et entendons suit la vue du soi
Et la fait naître.

32. L’avidité naît de conditions
Et des conditions du soi intérieur.
Avec nos habitues impures,
Nous désirons ce qui vient de l’extérieur.

33. Ce qui devrait faire peur dans la vie,
C’est d’agripper l’ignorance du soi ;
Cela provoque une réserve de désirs
Et entraîne la prolifération d’idées.

34. Ce trésor d’attachements,
Les sages le voient comme de la souffrance.
Il harcèle les ignorants
Continuellement, sans interruption.

35. Cet esprit ligoté
Accumule tant de souffrances.
L’esprit qui désire
Engendre un soi, l’avidité, la souffrance ou le bonheur.

36. Les ignorants ont des attachements solides aux vues
Comme un grand éléphant prisonnier de la boue.
Lorsque l’ignorance est grande,
Elle couvre toutes les actions et les objets des actions.

37. Dans cette vie, les cours d’eau
Sont les plus violents.
Excepté le vrai Dharma,
Ni le feu ni le vent ni le soleil ne peuvent les assécher.

38. Lorsque nous souffrons, nous reconnaissons la souffrance :
« Je souffre » ou « je suis heureux ».
La discrimination engendre des vues
Et une vue en entraîne une autre.

39. Un mental impur naît et prend fin
Avec les afflictions.
Libéré de ces dernières,
Il n’y a ni avant ni après.

40. Ce n’est pas après la naissance de ceci
Que la pureté naît.
Il n’y a plus d’afflictions
Parce qu’avant il n’y avait pas d’impureté.

41. Ce qui est impur
Est pur dans sa vraie nature.
S’il n’y avait pas d’objet pur,
Comment pourrait-il y avoir un sujet pur ?

42. Parce que les graines meurent,
Les afflictions cessent.
Dans cette pureté,
Coexistent deux aspects différents.

43. Comme l’objet de la réalisation est intérieur,
Que les souffrances cessent
Et que toute prolifération d’idées prend fin pour toujours,
Tout phénomène est libre de la prolifération d’idées.

44. L’être vivant est un courant continuel.
Les phénomènes sont les objets de la perception.
Personne n’entre dans le monde de la naissance et de la mort,
Personne n’entre en nirvana


Les Versets de la Vérité Absolue (Paramartha) - Le YogacaraBhumi-Shastra (vol. 16) de Maître Asanga


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
chakyam

Devant l'insondable profondeur de vos connaissances et l'inénarrable humour dont vous avez fait démonstration à l'appui de la production du Narcisso al fonte (effacé ensuite) de Michaelangelo MERISI dit « le Caravagio », je me suis senti si petit, si pauvre en pratique et connaissances bouddhiques que j'ai demandé l'avis de quelques amis de bien sur la qualité de nos échanges et la profondeur de vos silences.

Je vous soumet la quintessence de leur réponse que vous méditerez sans aucun doute. Doucement cependant car sans oser espérer une quelconque réponse ou une réponse quelconque, je ne souhaite aucunement occasionner chez vous une fatigue cérébrale dont nous ne nous remettrions pas.

Chakyam - Bonjour
Voilà un texte qui, pour moi, synthétise la quintessence du Bouddhisme en ce qu'il développe les idéaux exprimés par le tétralemme de Nagarjuna par l'intégration des contraires qu'il rend complémentaires. Quelques exemples au hasard.


Citation Asanga
1 (...)
Les phénomènes n’ont pas d’action
Et pourtant l’action existe.
3. (...)
Celui qui contemple la vacuité
Est également vide.
4 .(...)
Le soi et l’être vivant sont également vides.
Seuls les phénomènes, en tant que causes, existent.


Chakyam - Ces trois strophes articulent et intègrent deux modalités d'être du réel qui selon la logique habituelle semble s'opposer et se contrarient. En effet dire que les phénomènes n'ont pas d'action et que pourtant elle existe est incompréhensible du point de vue de la logique du tiers exclu d'Aristote selon laquelle soi A soi B et pas A et B ensemble.

Asanga -
"Les phénomènes n'ont pas d'action
Et pourtant l'action existe".

Leur action existe dans leur interdépendance

"Celui qui contemple la vacuité
Est également vide".


Interlocuteur -
C''est un peu comme quelqu'un qui regarde le soleil couchant qui change à tout instant. Il a fallut des causes et des conditions, une interdépendance pour qu'il soit là à contempler le couchant. Celui qui contemple change à tout instant, regarder le soleil le change tout comme s'observer lui-même.

A et B coexistent en symbiose, il n'ont pas besoin d'être séparé. Ils dépendent l'un de l'autre. Ils peuvent coexister tout en étant distinct. Complémentaires.


Asanga -
5. Les formations naissent et meurent en un clin d’œil.
Elles ne demeurent pas et donc n’ont pas de fonction.
Leur manifestation est leur fonction même
Et également leur sujet.
8. Ceci ne donne pas naissance à cela,
Et ne naît pas de lui-même.
Il naît à cause de conditions.
Il n’est pas ancien mais toujours nouveau ;
15. Même lorsque les formations sont nées,
Elles sont également insaisissables.
L’avenir n’a pas d’apparence.
Mais le passé est repérable.
16. Ce que nous avons expérimenté est repérable
Comme ce que nous n’avons pas expérimenté.
Les formations n’ont pas de commencement
Mais le commencement existe quand même.


Chakyam -
Là encore notre compréhension est mise à mal car comment admettre que des formations nées, donc existantes soient cependant insaisissables, sans commencement alors que le commencement existe ?

Interlocuteur
Parce que ces formations continuent d'être sous l'influence de causes et de conditions et sont toujours changeantes.

Asanga -
"L'avenir n'a pas d'apparence".
"Le passé est repérable".
Par les souvenirs, la mémoire.
Le commencement existe quand même".


Interlocuteur
Lorsqu'on en voit la manifestation.
Les saisons sans en voir le commencement ont une fin. Si on voit un arbre en fleur, on sait que c'est le commencement du printemps, la manifestation du printemps.

En tous cas si l'on ne peut pas affirmer à la fois une chose et son contraire, l'une ne va pas sans l'autre

Asanga -
22. Le présent finit rapidement
Où trouver le passé ?
L’avenir dépend des conditions
Et évolue selon le mental.
23. Que les phénomènes soient ou non
En lien les uns avec les autres,
Qu’ils évoluent ou non selon tous les phénomènes,
Ils évoluent selon le mental.


Chakyam -
Les réponses à ces points soulevés contradictoirement sont ici fournies par la notion de Mental que personnellement je comprends comme l'Esprit UN de Houang-Po et non comme la fonction psychologique qu'habituellement nous nommons ainsi. Du point de vue de l'Esprit UN, l'équanimité donc l'indifférenciation est de règle et toute catégorisation résulte d'un choix qui la détruit. Le réel ainsi préservé inclut toutes les différences tout en n'empêchant pas des choix circonstanciés nécessaires à la vie quotidienne, la difficulté étant sans doute de ne pas se laisser emporter par l'un ou l'autre des aspects du réel, l'action existant dans la vérité conventionnelle.

Interlocuteur -
Oh, merci... Houang po, je ne connaissais pas, et j'ai plaisir à découvrir... Je le comprends ainsi aussi.

"Tous les Bouddhas et tous les êtres vivants ne sont qu'un seul esprit. Depuis des temps sans commencement, cet esprit, jamais venu à l'existence, n'a jamais cessé d'exister... illimité et insondable, on dirait l'espace vide."

"Tout est là, parfaitement complet, rien ne fait défaut.

"
Asanga -
24. Dans ce courant, qu’il y ait interruption
Similarité ou différence
Tout suit la vue du soi.
L’action existe dans la vérité conventionnelle.
25. Si la forme physique se décompose,
La forme psychologique se décompose également.
Il est dit que dans cette vie et dans la vie suivante,
Il y a l’acteur et l’héritier.
30. Les gens ordinaires ne peuvent pas comprendre
Et croient à un soi.
La vue du soi est le fondement
De tant d’autres vues fausses.


Chakyam -
Cette formulation est trompeuse et laisse supposer l'existence d'un soi puisque « dans cette vie et dans la vie suivante il y a l'acteur et l'héritier » alors que non seulement « Personne n’entre dans le monde de la naissance et de la mort, » mais que « Personne n’entre en nirvana »

Une fois de plus, le principe de complémentarité doit l'emporter sur celui d'antagonisme qui résulte de la seule utilisation du principe de non-contradiction qui fait fi des multiples niveaux définis par le libre jeu de l'Esprit qui n'en connaît aucun. Ainsi se réalisera, par absence de crispation identitaire, la stance mentionnée en signature de ces articles.


Interlocuteur -
En effet c'est trompeur je ne vois pas, je ne trouve pas "d'héritier ou d'acteur"
je ne vois pas comment une action peut retrouver son propriétaire dans une vie suivante, ni comment il y a un héritier dans cette vie d'une action. Ce serait récompense et châtiment ?
Oui du coup, la stance est d'autant plus frappante et vraie.


Asanga -
39. Un mental impur naît et prend fin
Avec les afflictions.
Libéré de ces dernières,
Il n’y a ni avant ni après.

40. Ce n’est pas après la naissance de ceci
Que la pureté naît.
Il n’y a plus d’afflictions
Parce qu’avant il n’y avait pas d’impureté.

41. Ce qui est impur
Est pur dans sa vraie nature.
S’il n’y avait pas d’objet pur,
Comment pourrait-il y avoir un sujet pur ?

44. L’être vivant est un courant continuel.
Les phénomènes sont les objets de la perception.
Personne n’entre dans le monde de la naissance et de la mort,
Personne n’entre en nirvana


Tant que perdurera la certitude du soi des choses et de son propre soi,
l'Eveil authentique et parfait de sa luminosité éclatante ne resplendira.


Bonjour,

Je voulais précisément montrer que le réel ne se divise pas car dans d'autres discussions je me suis heurté à des interlocuteurs qui semblaient ne pas pouvoir comprendre que les séparations logiques d'Aristote et des physiciens quantiques étaient en quelque sorte de « seconde main » pour démontrer l'existence du réel à plusieurs niveaux sans que pour autant il soit définitivement séparé et « désunifié ». C'est ainsi que l'on oppose le tiers exclu au tiers inclus qui en réalité ne sont en soi, ni l'un ni l'autre mais seulement des facilités de langage qui ne devraient pas entamer l'Unité du réel.

"Leur action existe dans leur interdépendance "  dis-tu ! Et c'est tout à fait exact dans la mesure où le contraire ne peut être envisageable car alors il serai également dans l'action... Par contre l'analogie du soleil me semble un peu plus problématique car si l'on considère qu'il est comme quelqu'un qui change à chaque instant, il n'est jamais le même et alors il est difficile de lui imputer une continuité identitaire. C'est sans doute pour cela qu'il « est également vide »

Par contre très heureux de t'avoir fait découvrir HOUANG-PO dont la citation que tu fais éclaire le débat que pourtant tu ne souhaitais pas avoir sur la Renaissance :

"Tous les Bouddhas et tous les êtres vivants ne sont qu'un seul esprit. Depuis des temps sans commencement, cet esprit, jamais venu à l'existence, n'a jamais cessé d'exister... illimité et insondable, on dirait l'espace vide."
"Tout est là, parfaitement complet, rien ne fait défaut."

En effet c'est trompeur je ne vois pas, je ne trouve pas "d'héritier ou d'acteur"
je ne vois pas comment une action peut retrouver son propriétaire dans une vie suivante, ni comment il y a un héritier dans cette vie d'une action. Ce serait récompense et châtiment ?
Oui du coup, la stance est d'autant plus frappante et vraie.

J'ajoute qu'elle transcende tous les discours et expérimentations (???) sur les phénomènes de Renaissance qui apparaissent enfin pour ce qu'ils sont, des grappes de bulles d'eau auxquelles les ignorants s'accrochent, tout comme ils s'accrochent à leur ironie dont Saint-Exupéry disait qu'elle était tout ce qui restait à ceux qui n'ont plus rien à dire... mais n'est-ce pas l'Inconscient en acte ?

A bientôt

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Répondre