
Les Bouddhistes (et sympathisants bouddhistes) donnent une grande importance à la pratique pour le développement de leur vie spirituelle. Et de fait, ces dernières années la recherche a montré que la pratique méditative a un impact réel et bénéfique dans l'état physiologique et psychologique des pratiquants. Lorsqu'on lit des témoignagnes de personnes qui sortent d'une retraite, on peut noter quelques constantes, comme par exemple le fait que les sens sont aiguisés (les couleurs perçues sont plus vives, par exemple). Ceci étant dit, on entend aussi régulièrement que la pratique n'est pas toujours facile, et que le pratiquant rencontre souvent des difficultés sérieuses, qui sont une rude épreuve pour la poursuite de la pratique.
La chercheuse Britton Willoughby et son équipe on mené une recherche pour déterminer avec plus de précision la nature de ces difficultés (c'est le projet Dark Night, référence à la "nuit noire spirituelle", une phase de grande désolation qui survient souvent à celui qui poursuit une démarche spirituelle. Willoughby décrit dans un entretien (en anglais) quelques exemples des troubles qui affectent les pratiquants qui ont suivi une pratique spirituelle appuyée (retraites longues):
Ces pratiquants on rapporté une perception augmentée de la réalité, ce qui conduit à une désorientation et surstimulatin lorsqu'on sort de retraite. Un exemple est qu'on entend mieux les sons, ce qui peut devenir douloureux si on vit dans un milieu très bruyant.
Un autre effet rapporté est une fragilisation concrète de la perception du soi, qui peut être désorientante ou même causer de la panique. Cela peut se manifester par exemple par le sentiment que les mots qui sortent de notre bouche sont dites par un autre, que lorsqu'on nous pose une question on ne sait pas qui va y répondre.
Par ailleurs on parle aussi de désintégration temporelle (perte de la continuité temporelle, avec la disparition du sens du futur et du passé, remplacés par la conscience du "maintenant". Ceci peut être si fort que certains disent se réveiller à une nouvelle réalité toutes les cinq minutes, ce qui peut être très désorientant.
Il y a aussi manifestation de peurs et paniques diverses, parfois avec des traces de paranoïa et une grande instabilité émotionnelle en général (euphorie, dépression, le tout alternant rapidement). Il semblerait qu'il y a une dé-répression générale de matière psychologique qui est jusque là restée contenue et inconsciente. Cela peut inclure les traumas qu'on a vécu dans le passé, ou simplement les particularités psychologiques qui nous sont propres.
Ces effets mentaux peuvent s'accompagner de changements physiologiques qui peuvent être surprenants, comme des douleurs musculaires et maux de tête, et diverses sensations "étranges" (sentiment d'avoir de l'électricité nous traverser le corps, sentir des vibrations, changements de température, des flash lumineux et sensations de brûlure). Certains éprouvent aussi des mouvements involontaires et des convulsions, manifestations de tiques nerveux.
Toutes ces manifestations sont bien sûr très perturbantes, et peuvent avoir un impact sur le quotidien des gens, leur causant des difficultés pour par exemple travailler ou s'occuper des enfants. Il semblerait qu'en moyenne les personnes affectées ressentent ces effets pendant 3,4 années, ce qui est très long. Et encore, c'est une moyenne, certaines personnes vivant cela pendant un an, tandis que d'autres ont besoin d'une décennie pour en ressortir.
Ces effets sont bien sûr très significatifs, et il est important d'en tenir compte, lorsqu'on se dévoue à une pratique prolongée. L'équipe de Willoughby travaille à développer des techniques pour limiter ce genre d'effets, ou au moins trouver des moyens d'accompagner ceux qui en souffre. Une des initiatives est la création de la Maison Cheetah, qui a pour objet d'héberger des personnes ayant suivi de longues retraites, et leur servir d'intermédiaire entre la retraite et le retour à la vie de tous les jours (un peu comme un sas de décompression pour les plongeurs)
Tout ceci m'amène à poser la question suivante: est-ce que ce n'est pas trop dangereux de suivre ce genre de pratiques (et a-t-on réellement le choix?) Tout d'un coup la démarche (qui jusque là me semblait simplement exigeante et difficile) acquiert un caractère de dangerosité que je n'avais pas apprécié.
Par ailleurs, je serais curieux de savoir si les participants de ce forum ont vécu ce genre de choses, et souhaitent partager (au moins en partie) une partie de leur vécu. Cela peut être des expériences personnelles, mais aussi des expériences vécues par des proches ou connaissances.
Par ailleurs, je serais curieux de connaître l'opinion en général des forumeurs par rapport à cette question, qui soulève pas mal d’inquiétude chez moi. Je me vois mal par exemple conseiller à mes proches une pratique qui peut conduire à des troubles psychologiques et physiologiques graves et très longs.