Pour répondre à cette magnifique formule je veux tenter de situer l'instance spirituelle et/ou psychologique (sans en faire des entités) qui permet (!!) de saisir comment l'illusion peut devenir réelle pour un temps et comment elle peut se réduire à néant. Cette instance je l'appelle «
Subjectivité » - Elle se décline selon deux modalités.
Au sens habituel, conventionnel du terme, elle semble se rattacher à la notion de Sujet pensant que les juristes qualifient de «
sujet de droit ». Elle se rattache également aux affects, aux goûts que chacun exprime dans sa vie sociale, professionnelle, émotive, artistique et sentimentale et exalte le sentiment d'unicité qui tend à nous situer au centre du monde, même si notre esprit critique rectifie le tir, de temps en temps...
Il est patent que la Société actuelle favorise ce sentiment et que la consommation de masse repose essentiellement sur la différenciation individuelle initiée par la publicité du « toujours plus ». Elle valorise pour ce faire le sentiment de libre arbitre et persuade tout un chacun qu'il reste maitre de son propre jeu, de ses choix et de ses responsabilités individuelles et collectives... du moment qu'il consomme.
Ce sentiment, pour autant qu'il puisse en réalité s'exprimer, repose sur un a-priori philosophique que chaque système politique prétend sauvegarder en situant uniquement sa pertinence au niveau relationnel intra-personnel avec une formule que chacun connait : «
ma liberté s'arrête à la liberté d'autrui » ou «
ma liberté s'arrête où commence celle des autres ».
Car il s'agit bien en effet de la Liberté dont on ne sait trop si elle est d'ordre métaphysique ou religieux qui fixe sa source dans la conscience, l'esprit de chaque être humain le faisant lieu et moyen de son expression et référent absolu de sa propre pertinence, caractérisée par l'affirmation de DESCARTES : «
Je pense donc je suis »
Ainsi donc, par l'application de ce principe dont chacun peut profiter, ce que je pense devient la règle, la norme et quiconque s'y oppose entraine de ma part une réaction pas toujours proportionnée à la valeur de la pensée exprimée. En outre ce principe coupe de toutes références collectives, civilisationnelles, ethniques celui qui s'y adonne en le fermant à toute autre influence que celle de ses affects et désirs les plus immédiats.
Il s'agit ainsi de l'expression d'une subjectivité au niveau purement expérimental sans que jamais ne soit posées les conditions humaines de cette expression en termes de «pourquoi » ou « comment cela est-il possible ? »
Afin de tenter d'expliquer et de comprendre comment le « pourquoi » et le « comment » pourront être saisi, on peut se fier à une notion que le bouddhisme emploie depuis des siècles,
celle d'ipséité, liée à la « sensation » d'être présent au monde. C'est aussi l'évidence d'une mise en relation, quelques soient par ailleurs la nature de ces relations, qui repose sur une pré-disposition à …, ouverture d'esprit qui sans préjuger de ce qu'il en fera est nécessaire à la compréhension du monde en tant que constitutif, ou pas, de la souffrance.
Cette pré-disposition va se décliner en 3 phases indispensables l'une à l'autre que je résume sous les termes du «
comprendre », de la «
mondanéité » et du «
discourir ». Comprendre le monde indique que ce monde est ouverture au projet de réalisation de la Nature de Buddha, que nous le voulions ou pas, et n'implique pas notre bon vouloir. Il est l'horizon de compréhensibilité par l'ensemble des significations qu'il spécifie et constitue la mondanéité dans laquelle notre faculté de discourir va s'épanouir.
Peut être est-il utile de rappeler que Maître DOGEN emploie dans le même sens le terme « triturer » en référence à la scène fondatrice du bouddhisme zen et Frédéric NIETSZCHE celui de « Généalogie » spécifiant ainsi que, sans fin, l'infinitude du monde s'exprime à chaque instant, non pas à partir d'une subjectivité particulière mais
AU-TRAVERS d'une subjectivité particulière.
On peut donc admettre que la dualité « existe » dans l'ordre psychologique et que cette existence participe du Dharma dans la mesure où l'Homme, animal social, ressent en lui la nécessité de communiquer avec ses semblables et éventuellement les autres êtres sensibles en même temps que se pose, mais plus tardivement, la nécessité de comprendre les conditions de faisabilité de telle ou telle forme selon lesquelles ces relations se perpétuent.
Ainsi les formes que prend cette communication sont issues de cette nécessité et en même temps les conditionne dans une dialectique sans fin qui démontre parfaitement leur interdépendance en même temps que leur absence de nature propre puisqu'en interrelation fondamentale.
Nous en reparlerons je suppose.
Amicalement
