Ces deux modes de pensées conceptuelles, quant à l'après-mort, remontent à la nuit des temps et leurs apparitions, en tant que corpus, transparaissent des mythes les plus anciens, qu'ils soient Egyptiens, du Mohenjo-Daro, de Summer, des Upanishads ou de la Bible... Ils reposent tous sur la croyance ou le souhait d'une survie possible « agrémentée » de récompenses liées au projet de vie et à la manière dont il a été mené et postulent une « entité » susceptible de « passer d'une existence à un autre », ou d'attendre un temps indéfini pour qu'à la fin des temps....
La résurrection est-elle compatible ou incompatible avec la réincarnation ou n'en est-elle que la version moyen-orientale et occidentale? La mort et la résurrection de Jésus, de même que la réincarnation sont-elles des faits patents, indépendemment de la foi qui les accréditent, en droit « observables » ou seulement des « moyens habiles propres à mener l'homme /individu vers la transcendance ?
Autant de questions que de réponses possibles car en ce domaine l'objectivité souhaitée renvoie immanquablement à la subjectivité de celui qui la souhaite. Est-ce à dire qu'aucune compréhension n'est possible et que dégager des constantes de fonctionnement de l'esprit humain relève d'un voeu pieux ? Certes pas ! Et nous tenterons de démontrer des similitudes et/ou des oppositions qui relèvent d'ailleurs davantage de systèmes de croyances plaquées sur la « réalité » que d'études systématiques « raisonnables » en se souvenant que pour ceux qui les postulent, leur système de croyances est précisément raisonnable et que la réalité est également une croyance.
L 'INDIVIDU – LA PERSONNALITÉ
Il est loisible à chacun de constater que les deux systèmes de pensée s'appuient sur l'individu, la personne, pour en faire le lien, la cause ou l'effet des actions bonnes ou mauvaises susceptibles de favoriser une meilleure place à la droite de Dieu le jour du jugement dernier, ou une incarnation susceptible de hâter la sortie du Samsara.
Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement ? Chacun se vit comme unique sans toujours comprendre combien cette unicité est empreinte de traces collectives intégrées par les systèmes parentaux et d'éducation de masse. Ce n'est cependant pas suffisant pour supposer que cette notion de personne/individu – adaptation empirique de l'animal-homme à la Société dans laquelle il échoit à la naissance – est une entité suffisement stable et solide pour perdurer à la suite des éléments qui l'ont composé et qui se désagrègent, car ainsi que l'indique DOGEN et le Shobogenzo, à la constitution d'un existant (naissance) et sa disparition (mort), il n'y a pas de « MOI , ni d'EGO.
Postuler, pour des mobiles économico-socio, une personne responsable de ses actes devant les hommes est une fiction structurante nécessaire à la société et sa complexification mais n'en demeure pas moins une abstraction constituée de choix, de rejet ou d'acceptation adaptatifs soumis à l'Espace-Temps et qui disparaissent comme les rives d'un fleuve quand la source se tarit. Transposer la notion de personne dans le domaine spirituel résulte d'un tour de passe-passe comme d'ailleurs l'indique l'étymologie du mot « personna - masque » et ne peut, en l'occurence, garantir une quelconque vérité, même partielle, dans la mesure où en tant que masque, elle incline plutôt vers la dissimulation, c'est à dire, le mensonge.
Ainsi donc les deux systèmes de pensée sont-ils renvoyés dos à dos quant à leur fondement existenciel, à moins de postuler une puissance supérieure agissante, cas par cas, et supposée « conduire »les hommes vers leur salut. C'est ce que font les religions dites révélées (judaisme, christianisme, islam) qui idéalisent les fonctions humaines au point de renverser l'ordre d'apparition historique des divinités qu'elles symbolisent en une divinité unique et transcendante dont elles prétendent qu'elle est à l'origine du monde.
L'Orient n'est d'ailleurs pas en reste, à cela prêt que contrairement à l'idée répandue en Occident, Brahma n'est pas un dieu mais le principe qui fait croître (racine sanscrite : Brah) et le Tao, bien qu'omniprésent demeure un principe dont précisément celui qui le connait ne parle pas (Tao te king). Cette distinction est importante car la non-personnalisation est une clé du dépassement de l'éventuelle opposition des 2 systèmes vers une complémentarité dynamique et non-crispée sur des origines mythiques, qu'avec le temps, les Eglises et autres Synagogues/Mosquées ont tendance à présenter comme historiques.
LA CONSCIENCE
Dans ces conditions y a t-il une conscience et que devient-elle après la mort ? En extrapolant, on peut même se demander s'il y a une conscience avant la naissance ? Et où ?
Pour l'instant, reconnaissons les vérités d'évidence sans lesquelles aucune existence ne serait possible et, en l'occurence, aucun échange ni discussion. Pour un citoyen X ou Y, la conscience de soi, d'être là présent au monde, à sa famille, sa profession etc etc … est une évidence qui n'a pas besoin de justification; sa conscience morale, ses valeurs et ses/son absolu également. C'est vécu tellement fondamentalement que la moindre discussion à ce sujet altère l'humeur de la personne au point de rapidement dégénérer en conflit familial, ou autre.
Et cependant, c'est de cette conscience dont nous allons nous enquérir, du principe d'identité qu'elle sous-tend et qui nous incite à penser que chacun d'entre nous est différent et unique, à tel point qu'il est impensable que ces qualités disparaissent à notre mort... d'où notre débat.
Notre personnalité se constitue par intégration successive de nos besoins primaires et des réponses apportées par l'environnement immédiat (nourriture, protection, chaleur humaine, amour, complicité... d'abord satisfaits par la cellule familiale). Peu à peu par identification progressive, le petit d'homme affine sa sensibilité et développe ses gouts et dégouts, sa volonté, son propre égo et l'impression qu'il peut décider éventuellement contre ses parents et son milieu de ce qui lui convient.
En fonction de ses propres capacités, il développe à l'aide de son cortex et néo-cortex ce qu'il appellera sa personnalité dont il apercevra très vite non seulement les bornes mais les limites de faisabilité. Se renforcera alors le sentiment de sa propre différence et d'une identité propre dont il prendra conscience par réification, comme un fait objectif et réel posé comme tel, à l'exclusion de tous les autres. Plus tard, il apprendra éventuellement qu'un Philosophe grec a expliqué ce processus dit « du tiers exclu » et que son identité est une action et non une fonction en soi.
La philosophie bouddhiste quant à elle propose la théorie dite des 18 domaines qui, à partir des 6 sens (vision, olfaction, goût, toucher, audition, mental) génère un objet et la conscience de cet objet. Les 3 ordres de réalité apparaissent simultanément à l'instar des 3 corps (absolu, de manifestation, de rétribution) et des 3 natures (imaginaire, conditionnée et parfaitement établie), ce qui va impliquer une logique différente dite « du tiers inclus » d'où précisément rien n'est banni ni exclu.
Quoiqu'il en soit de l'apparente opposition entre ces deux logiques, on comprendra que la ou les consciences ne peuvent être le vecteur d'un transfert au-delà des éléments qui les ont constitués et qui disparaissent à la dissolution/séparation des conditions qui les ont fait naître, même si demeure entier le mystère de la mort... ou soi-disant tel. Cette constatation n'entraîne cependant aucun reniement de notre faculté de pouvoir dire « JE », expression de notre liberté foncière qui continue de s'exprimer totalement sans cependant laisser supposer que derrière cette expression demeure quelqu'un ou quelque chose d'éternel dont il vient d'être proposé l'improbable possibilité d'existence « raisonnable » et « expérimentable ».
LA MORT ET LE MAL
Il est paradoxal de constater, dans nos sociétés, que le mal est associé à la mort; sans doute cette liaison résulte t-elle d'une extrapolation inconsciente de la croyance en une vie unique proposée par les religions du livre, entre naissance et mort dont le terme ultime ne peut qu'être ressenti comme mal absolu... en attendant le vie éternelle.
Une autre hypothèse explicative peut être avancée. La naissance et la mort, bien qu'elles encadrent apparement chacune de nos vies, sont parties constitutives de la vie de l'Univers et comme telles s'expriment, à chaque instant, sous la forme de l'apparaître/disparaître d'un processus sans commencement ni fin. A chaque moment, la naissance et la mort sont à l'oeuvre, non pas comme des moments définitifs bien qu'empiriquement elles apparaissent ainsi, mais comme des modalités d'être de la Vie qui ne s'oppose pas à la mort.
Il est donc fallacieux de supposer qu'après ce que nous appelons « mort » il puisse y avoir une vie personnelle, cette notion étant une super-structure éminément liée au complexe biologique, parentale, éducatif, spirituel, économique etc .. qui la porte et la façonne. Par contre, il est tout à fait « compréhensible » que les éléments qui nous avaient constitués continuent de s'agencer et se transforment comme l'humidité du matin se transforme en nuages à midi qui se transforment en pluie le soir sans que quiconque, pas même la pluie, vienne supposer que derrière ces métamorphoses, il y ait survie d'une quelconque entité.
La continuité du savoir et le progrès des connaissances se perpétuent de génération en génération par thésaurisation, études et conservations au sein des Universités et Musées et chaque venue au monde d'un être sensible participe de ce savoir, sans qu'à priori et nécessairement, une personne, un individu, une conscience soit là derrière en attente bien qu'en fonction du milieu social, du milieu culturel, des études faites et intérêts manifestés, une personnalité différente se dévoilera.
Ainsi donc la mort n'est qu'un événement que nous vivons à chaque instant et la personnaliser dans l'Espace-temps résulte d'une « approche » au plus bas niveau du réel, génératrice de questions/réponses sans fin et toutes insatisfaisantes. Non seulement, celles-ci débouchent sur des solutions partielles où entrent en jeu les pires fantasmes dominateurs et, même en termes de réincarnation/résurrection, elles ne permettent pas la libération d'une souffrance fantasmée par une entité également fantasmée dont les efforts répétés tendent à renforcer les liens de souffrance au lieu de les éradiquer.
REINCARNATION/RESURRECTION – COMPLÉMENTAIRES OU ANTAGONISTES ?
En supposant avérée la « réalité » - en termes de possibilité d'expérimentation des deux concepts – il nous faut cerner en quoi ils « s 'opposeraient », non pas en termes historiques ou culturels mais ontologiquement en tant que facultés constitutives du vivant de se perpétuer en une ou plusieurs fois. Du point de vue des mythes, il semble bien que la résurrection d'Osiris et celle de Jésus aient quelque parenté et que l'épopée de Gilgamesh manifeste, elle aussi, ce besoin de l'espèce humaine de se perpétuer en approfondissant sa propre nature... Les divers avatars de Krishna, ses métamorphoses, ses amours de même que les différentes procédures de reconnaissance des lamas tibétains attestent, elles aussi, d'une filiation escomptée et d'une perpétuation en acte d'expériences et de connaissances qui, le croit-on, sans cela serait perdues.
Ces pratiques semblent surtout mettre en évidence le besoin viscéral de survie de l'Humanité symbolisé, à outrance, par le clonage d'êtres humains dont les Raéliens prétendent avoir réussi quelques exemplaires... FOLIE !!! De ce point de vue, il apparaît qu'au-delà des formes culturelles, le besoin soit identique quant à la recherche éperdue d'un système de pensée qui « triompherait » de la mort. C'est malheureusement faire fi d'une vérité d'évidence selon laquelle « ce qui est né doit disparaitre » et que même en supposant que le clonage puisse être la solution (ce qui n'est pas) arriverait un temps où la reproduction à l'identique s'arrêterait...
Il faut donc chercher une motivation de nature différente aux croyances habituelles (il ne s'agit que de cela). Le bouddhisme et la notion de « moyens habiles » nous en donnent l'opportunité en nous permettant de suggérer que Réincarnation et Résurrection sont des astuces de l'Esprit qui nous aident à réaliser que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, que la réalité factuelle n'est qu'une manière d'être, que la prison dans laquelle nous croyons nous débattre n'est qu'une construction mentale liée aux désirs d'appropriation, de domination, de possession, que nos philosophies et nos religions sont des instruments de compréhension et non des carcans idéologiques, que la séparation du corps et de l'esprit est une absurdité métaphysique instrumentalisée par les pouvoirs ancestraux des différentes castes sacerdotales, que la recherche de Transcendance, de Nature Propre, de Paradis ou de Nirvana ne sont qu'égarement tant qu'ils sont situés « ailleurs » et fonctionnellement limités à une ou des déités, ou à dieu personnel qui « sacrifie » son fils pour effacer les péchés du monde.
Ainsi donc apparaissent – mais de tous temps, elles étaient là – la transcendance, la nature propre et autre paradis/nirvana comme facultés humaines que KANT définit comme « supra-sensible », facultés nécessaires à l'entendement humain en ce qu'elle sont le lieu-source de valeurs normatives indispensables à la compréhension du monde (compassion, bienveillance, amour, générosité...) Nul besoin de création « ex-nihilo » ni de fin des temps définitive, ni de personnalisation des forces créatives de l'Univers mais la réaffirmation que « suivre la voie de buddha, c'est s'apprendre soi-même – s'apprendre soi-même, c'est s'oublier soi-même - s'oublier soi-même, c'est se laisser attester par les dix mille existants – se laisser attester par les dix mille existants, c'est se dépouiller de son corps et de son coeur et du corps et du coeur de l'autre – Maitre DOGEN – SHOBOGENZO -
Amitiés


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