Śūnyatā — La vacuité

ardjopa

;-)
. Je constate que dans cette hypothèse, le langage des singes a besoin des hommes pour être reconnu comme tel alors que le langage des hommes est auto-référant. Puisque l'on soutient ici que le langage parlé ne serait pas l'apanage de l'Homme, je demande communication des "minutes" du dernier congrès scientifique des singes attestant que l'animal homme est bien un singe parlant.
Le "propre de l'homme" c'est d'avoir la prétention et l'arrogance de se croire "distinct" et superieur aux autres êtres vivants /animaux :lol:
On a tout dit et essayé pour dire que l'homme n'était pas un animal, "le rire, l'intelligence, puis "l'amour" (ça encore moins sur ;-) , et bien d'autres)
La réalité est que l'homme, vu depuis l'espace, sur cette planète, ou vu par un "observation neutre", non-humain, ou animal qui sait, est une espèce animale parmi d'autres, parfois complexe mais parfois primaire aussi et parfois meilleure et parfois la pire de toutes !
Tu prétends que les singes n'ont pas de "lange parlé", ou de congrès scientifique, etc, mais cette vision s'appelle de "l'anthropocentrisme", et donc forcément en grande part conditionnée et ignorante car encore dans la relativité du monde, au même titre qu'un singe, un dauphin, une souris, etc...
Qui te dit que les autres singes ou primates, les oiseaux n'ont pas leur propres systèmes de communication ? (ce que l'éthologie a très souvent démontré d'ailleurs) Silmplement ce n'est pas parceque leur mode de vie et d'échange sont difféerents de celle des homo"sapiens", hominidés, qu'elle est inexistante, ou inferieure etc;
Parfois on les classe en science en "complexe" (comme l'homme, le dauphin, et autres) plus simplifié, comme les rongeurs, ou "simple" comme les poissons, jusqu'aux amibes ! etc
Mais celui qui fait le classement est forcément dans l'erreur lui aussi, car il fait parti de la liste ;-)
Sans parler d'ouvrages scientifiques, je te conseille les romans "scientifiques" de Bernard werber, qui donnent une vision interessante sur les points de vue différents ;
Qu'est ce que l''homme pour une fourmi ? des grands pavés de caoutchouc, marchant ou roulant sur du gourdon, des doigts roses qui t'écrasent sans émotion, des bruits, des fumées, du béton, et des odeurs etc !
Qu'est que l"homme pour un extraterrestre ? un animal mutant qui a décidé d'envahir et détruire la seule planète belle et vivable peut-être à des années lumières à la ronde
Qu'est ce qu'un homme pour un oiseau ? un animal bipède terrestre, au langage incompréhensible, surement stupide pour s'enfermer dans des nids en ciment carrés, qui parfois le dimanche lance des boulets en plombs dans le ciel sans raison ;-)
Sourire

Que diras-tu, alors, Ardjopa, de cet homme qui admirait l'état de chien et n'ambitionnait rien, sinon d'en devenir un ?

Il s'appelait Diogène...
chakyam

Dharmadatu

« Selon ce point de vue, ce sont les concepts qui comptent avant la parole. »

Bien que je sois d’accord avec la totalité de ta réponse, j’ai quelques problèmes avec cette définition. Prenons par exemple le concept « terre ».

Bien avant qu’elle ne soit nommée les hommes marchaient sur elle, éventuellement la creusaient pour en faire des briques ou la cultiver. En bref ils la connaissaient par l’Usage qu’ils en faisaient. Peut être même l’affublaient-ils d’une divinité ? peu importe.

Un jour … devant la complexification de leurs rapports sociaux, ils décidèrent de la nommer et partant de là, d’en parler pour la rendre concrète en tant que désignation et non plus seulement en tant que matière.

Si cette hypothèse te semble plausible, je te remercie de bien vouloir m’expliquer comment le concept « terre » compte avant le mot. Il me semble pour le coup que l’utilisation de la chose compte avant le concept.

Axiste

Dans la mesure où l’impermanence est la nature même du monde et qu’en conséquence rien ne dure que la durée de l’apparition/disparition, il me semble qu’il est possible de qualifier « d’élan cosmique » cet immense devenir dont la complexification de l’Univers rend compte. En effet, tant au niveau moléculaire qu’au niveau organisationnel des sociétés il est aisé de se rendre compte d’un mouvement créateur, entre autre, des éléments de Mendeleev à la Société mondiale du village « terre »

Ardjopa

Je n’ai quant à moi aucune volonté de me sentir « distinct » ni supérieur. Si c’était le cas et même si tu qualifies cette volonté d’ «anthropomorphe », je ne vois là aucun problème car il y a tout lieu de supposer que chaque espèce « voit midi à sa porte » - Croire que les oiseaux, singes etc etc.. ont leurs propres systèmes de communications (ce dont je ne doute pas) est également un transfert anthropomorphique dont la finalité m’échappe bien que chacun d’entre eux ressorte de la Nature de Bouddha en tant qu’être sensible. De là à ne pas reconnaître la spécificité de l’Humanité !!..

Sourire

Ah oui ! Diogène ! celui qui recherchait un homme et en attendant de le trouver se masturbait sur l’Agora !!

Il parait même qu’après avoir vu un enfant boire dans sa main, il rejeta son écuelle car il considéra alors qu’elle était un signe de richesse. Double bénéfice, il trouva l’homme qu’il cherchait tant et fit même l’économie d’aller laver son bol… si tu vois c’que j’veux dire.

Amitiés

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Avatar de l’utilisateur
axiste
Messages : 3250
Inscription : 09 mai 2008, 05:39

comment le concept « terre » compte avant le mot
Quand le concept se fait au niveau de la forme par exemple, pas besoin du mot pour le faire exister, il existe déjà en image ...
Ensuite, le mot apparaît en situation à travers le son et le langage peut-être...
Je veux dire par là qu'un concept ne sert pas forcément à désigner mais aussi à se représenter la chose : il existe avant de communiquer
Butterfly_tenryu
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
ardjopa

Pour sourire,
Je connais assez bien Diogène, et comme l'habit ne fait pas le moine, les apparences ne font pas le sage;
Diogène est à mon sens, comme le pensait aussi Epictète le stoicien, et d'autres, un sage qui provoquait pour réveiller les gens des conventions et carcans sociaux les rendant moutons, pour en faire à leur tour des êtres libres;
Sa vie est un enseignement à elle seule, avec très peu de mots ou paroles écrites restées, mais comme les philosophes cyniques, il est dit qu'il est lui aussi envoyé par le "ciel" pour apprendre aux hommes, en vivant avec pour seuls biens, son esprit, son corps, une étoffe, une besace et un baton, avec pour seul toi le ciel étoilé, et pour seul lit la terre et l'herbe sous ses pieds, en laissant passer avec indifférence louanges et injures, en leur disant sa vérité quitte à transgresser l'ordre établi, mais sans compromis avec lui, en restant indépendant, jusqu'au mépris de la mort, il voulait leur prouver qu'on peut etre heureux
La métaphore du chien est interessante, c'est un etre vivant, à la frontière entre le monde des hommes (codifié, pleins de faux langages et d'hypocrisie) et le monde sauvage (libre d'un certain point de vue); Diogène se situe de lui meme en marge, comme un pont entre le monde des hommes "policé", et celui de la nature et l'esprit franc et vrai; Le chien peut paraitre pour certains un animal "stupide" qui vient manger dans les gamelles des humains, au prix d'accepter quelques caresses et de revenir régulièrement; Beaucoup d'humains font bien pire; Mais sous l'apparence du mendiant ou du vagabond qui demande des aumones aux passants, Diogène montre l'exemple du sage détaché des affaires du monde, franc et sans mensonge, méprisant les rois, les dieux, les religieux "officiels" (qui ont préféré se ranger dans les lois des états souvent injustes, pour profiter de ses avantages et "richesses", quitte à devoir abandonner une part essentielle de la voie spirituelle, celle de la liberté) et se moquant du peuple servile qui préfère suivre la société, plutot que de suivre leur coeur et courage, et de s'en libérer; Derrière cet apparent mépris, se cache donc la compassion pour les "puissants" comme pour les opprimés, et le souhait de les voir vivre en êtres libres et honnetes;

Epictète, reconnait meme en lui la figure de l'homme "divin", de la sagesse mise en pratique sur terre; ;-)


Butterfly_tenryu
XXIII. SOUVIENS-TOI que tu dois te conduire dans la vie comme dans un festin. Un plat est-il venu jusqu'à toi ? étendant ta main avec décence, prends-en modestement. Le retire-t-on ? ne le retiens point. N'est-il point encore venu ? n'étends pas au loin ton désir, mais attends que le plat arrive enfin de ton côté. Uses-en ainsi avec des enfants, avec une femme, avec les charges et les dignités, avec les richesses, et tu seras digne d'être admis à la table même des dieux. Et si tu ne prends pas ce qu'on t'offre, mais le rejettes et le méprises, alors tu ne seras pas seulement le convive des dieux, mais leur égal, et tu régneras avec eux. C'est en agissant ainsi que Diogène, Héraclite et quelques autres ont mérité d'être appelés des hommes divins, comme ils l'étaient en effet.

LXVII. Diogène a fort bien dit que le seul moyen de conserver sa liberté, c'est d'être toujours prêt à mourir sans peine.

LXVIII. Le même Diogène écrivit au roi des Perses : «Il n'est pas plus en ton pouvoir de réduire les Athéniens en servitude, que d'y réduire des poissons. Un poisson vivra plus longtemps hors de l'eau, qu'un Athénien dans l'esclavage».


LXXV. Tu as obtenu le consulat et tu es gouverneur de province. Par qui ? par Félicion ? Et moi je ne voudrais pas vivre, s'il me fallait vivre par le crédit de Félicion, et supporter son orgueil et son insolence d'esclave. Car je sais ce que c'est qu'un esclave qui se croit heureux et que sa fortune aveugle. - Mais toi, es-tu donc libre ? me diras-tu. - Non, j'y travaille ; je n'y suis pas encore parvenu ; je ne puis encore regarder mes maîtres d'un oeil ferme ; je suis encore attaché à mon corps, et, tout estropié qu'il est, je veux le conserver ; je t'avoue mon faible. Mais veux-tu que je te montre un homme véritablement libre ? c'est Diogène. - D'où vient qu'il était si libre ? - C'est qu'il avait coupé toutes les prises que la servitude pouvait avoir sur lui, il était dégagé de tout, isolé de tous côtés, et rien ne tenait à lui. Vous lui demandiez son bien, il le donnait ; son pied, il le donnait ; tout son corps, il le donnait ;(...)

XVI. Chasse tes désirs, tes craintes, et il n'y aura plus de tyran pour toi.
Sourire

Le chien chez les grecs était un être vil. Diogène a vu en lui un être libre... On pourrait lui opposer (voir une fable très connue) que le chien ne demande qu'à perdre sa liberté au profit d'un peu de nourriture.
Le chien errant vit au milieu des humains comme une bête sauvage qui n'aurait pas peur de s''approcher. Ce chien-là est, je suppose, celui de Diogène.
Mais l'Antiquité grecque connaissait déjà ce principe étrange qui permet à un humain ordinaire de devenir un héros "semblable aux dieux" en se rapprochant des bêtes. De nombreuses légendes en font écho... La plus intéressante, ici est loin d'être la plus connue. Elle rapporte comment les membres d'une famille du Péloponèse, à la suite d'une très ancienne malédiction, allaient dans un marécage rempli de bêtes sauvages, laissaient leurs habits pendus à un arbre et se changeaient en loup pendant neuf années... Un de ces "métamorphosés", aurait été vainqueur à la lutte aux Jeux Olympiques.
Légende qui m'évoque, d'une part la mythologie du loup et du chien chez les celtes (culture très différente de celle de la Grèce Classique, mais est-on si sûrs de la mythologie grecque archaïque?) et d'autre part le chien de Diogène.


Vous connaissez le conte de la tortue et des deux hérons...
Les choses agréables sont une prison autant que les choses désagréables. Et même plus, puisque le lien vient de soi-même (on ne veut pas les quitter) et non des autres (on nous les impose)


Il était question de quoi avant que l'être humain nous envoie sur la piste du chien ?
ardjopa

Le chien ("kuon" en grec, emblème étymologique et métaphorique des cyniques) n'est pas en effet le chien de la fable de la fontaine, il serait à mon sens plus proche du chien errant comme tu le dis, du ronin (guerrier japonais indépendant) et non du samurai qui lui combat ou défend pour le compte d'un shogun, d'un empereur, ou autre; Il se rapproche donc beaucoup plus du loup bien sur que du chien "ami fidèle" des familles d'occident, mais il reste encore un peu en "lien d'apparat" avec la cité des hommes, ne serait-ce que pour leur enseigner comment bien vivre ;-)
Diogène de Sinope louait ceux qui devaient se marier et ne se mariaient point, ceux qui devaient aller sur mer, et n’y allaient point, ceux qui devaient gouverner et ne gouvernaient point, ceux qui devaient élever des enfants et n’en élevaient point, ceux qui se préparaient à fréquenter les puissants et ne les fréquentaient point. Il disait qu’il fallait tendre la main à ses amis, sans fermer les doigts.
Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

Le fil est intéressant, et personnellement, j'ai toujours préféré les cyniques aux stoïciens (peut-être parce que le cynisme ne s'est jamais figé en "catéchisme" comme l'a fait le stoïcisme jusqu'à la sclérose, mais je ne sais pas trop au fond, les cyniques me sont simplement peut-être aussi plus sympathiques. Il est vrai qu'on les connaît beaucoup moins bien que les stoïciens :oops: :lol:). Mais je ne vois pas le rapport avec la vacuité : aucune des deux écoles grecques n'employait cette notion si mes souvenirs sont bons. Donc :?:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jap_8 Bonjour Chakyam,
Si cette hypothèse te semble plausible, je te remercie de bien vouloir m’expliquer comment le concept « terre » compte avant le mot. Il me semble pour le coup que l’utilisation de la chose compte avant le concept.
Il est impossible que les hommes fassent usage de quelque chose sans en avoir un concept, même si celui-ci évolue ensuite au fil des connaissances. Pas de chose sans concept.

Un bébé a un concept de la personne qui prend soin de lui et quand il grandit et apprend le langage, il appose à ce concept le terme "maman".

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Sourire

Le chien Diogène est entré sur ce fil comme il déambulait dans Athènes la lanterne à la main...
Et comme à Athènes, on le regarde déambuler comme un chien fou sans voir ce qu'il montre : démontrer les limites d'un concept (celui d'Humanité, dira-t-on) est plus difficile que de savoir qu'il existe et d'en cerner les principaux aspects.


En mes termes à moi (la philo c'est décidément pas mon truc) = un concept, c'est aussi fuyant qu'un esprit.
Est-ce que vous voyez les pensées du gars en face (ou à côté) de vous ?
Répondre