Śūnyatā — La vacuité

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axiste
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Śūnyatā — La vacuité
Tentative d’approche

La vacuité est un terme qui peut être mal interprété. Ainsi, Ringou Tulkou Rimpotché en parle en ces termes :

Selon le bouddhisme, tout est en essence vacuité (śūnyatā), tant le samsâra que le nirvâna. Śūnyatā ne signifie pas « vide ». C’est un mot très difficile à comprendre et à définir. C’est avec réserve que je le traduis par « vacuité ». La meilleure définition est, à mon avis, « interdépendance », ce qui signifie que toute chose dépend des autres pour exister. [...] Tout est par nature interdépendant et donc vide d’existence propre. (Et si vous m’expliquiez le bouddhisme ?)

La vacuité ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature (Philippe Cornu, citant le philosophe madhyamika qu’est Nagarjuna, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, 2001, Seuil). Il ne s’agit donc pas de nihilisme.

Selon la thèse de la vacuité, les phénomènes se définissent non pas par une "nature propre", une chose en soi qui leur appartiendrait en propre, mais uniquement par l’ensemble des rapports qu’ils ont entre eux. Parler d’un phénomène X n’est donc l’effet que d’une convention de langage ; bien que notre esprit ne puisse se passer d’une telle convention, X n’a pas d’être propre, son existence dépend d’autres phénomènes Y, Z, etc. Selon Francisco Varela : il n’y a rien à saisir qui ferait des personnes et des phénomènes ce qu’ils sont.

Cependant, il serait erroné de ramener exclusivement la vacuité bouddhique à l’idée d’interdépendance ou de relativité : la vacuité n’est pas un concept qui relève seulement de la pensée discursive, elle est destinée d’abord à ouvrir l’intuition métaphysique (prajñā) du pratiquant. Il s’agit de comprendre qu’il y a une différence fondamentale entre la façon dont nous percevons le monde (y compris nous) et la réalité de ce monde : le "réalisme naïf", qui voit le monde comme peuplé d’entités autonomes, séparées et durables, objectivement existantes, est une erreur métaphysique que la prajñā, à mesure qu’elle se développe, permet de dissiper, par la vue directe de śūnyatā (au moyen par exemple de vipassana bhavana). C’est une perception directe, non duale et non-intellectuelle, de la nature des phénomènes :

La vacuité n’est ni le néant ni un espace vide distinct des phénomènes ou extérieur à eux. C’est la nature même des phénomènes. Et c’est pour cela qu’un texte fondamental du bouddhisme dit : "La vacuité est forme et la forme est vacuité". D’un point de vue absolu, le monde n’a pas d’existence réelle ou concrète. Donc, l’aspect relatif, c’est le monde phénoménal, et l’aspect absolu, c’est la vacuité. (...) Les phénomènes surgissent d’un processus d’interdépendance de causes et de conditions, mais rien n’existe en soi ni par soi. La contemplation directe de la vérité absolue transcende tout concept intellectuel, toute dualité entre sujet et objet. (Le Moine et le Philosophe, Jean-François Revel, Matthieu Ricard, 1997)

Dans le Bouddhisme theravāda

La vacuité, traduction de suññata, enseigne que toutes les perceptions, sensations, la conscience sont dépourvues d’une personnalité (anātman) et dépourvues de permanence (anitya). Le terme de vacuité est traité dans plusieurs suttas, en tant que

Qualité, caractéristique des choses ;
Objet sur lequel est portée l’attention ;
Contemplation de la vacuité : suññata vipassana .

De même, dans le Visuddhimagga, la vacuité correspond à l’absence de moi, ou anatta. La vacuité, dans le theravada, renvoie donc aux trois caractéristiques. Elle correspond aussi à la voie moyenne bouddhique qui se place à distance des deux extrêmes que sont l’éternalisme et le nihilisme. Ajahn Brahm donne la comparaison du point mathématique :

Un point n’a pas de taille : il est plus petit que tout ce qui est mesurable, et pourtant il est plus grand que rien du tout. Dans un sens, on ne peut dire qu’il existe, car il ne persiste pas, il n’est pas continu dans l’espace. Mais on ne peut dire qu’il n’existe pas, puisqu’il diffère clairement du "rien". Il est semblable à la nature instantanée de l’expérience consciente. Rien n’est permanent, donc ce n’est pas quelque chose, mais quelque chose se produit, donc ce n’est pas rien.

Le thème de la vacuité apparaît dans le Suñña Sutta du Canon pali : « Étant donné qu’il est dépourvu d’un soi ou de quoi que ce soit appartenant à un soi, on dit dans ce sens que le monde est vide ».

Le Cula-suññata Sutta y voit un objet de méditation : « Vous devez vous entraîner en disant : Entrant dans cette vacuité qui est complètement pure, incomparable et suprême, j’y demeure. » De même, Edward Conze souligne son aspect sotériologique :

La vacuité n’est pas une théorie, mais une échelle qui mène vers l’infini. Une échelle est faite non pas pour qu’on en discute, mais pour qu’on y grimpe. C’est un concept pratique, qui incarne une aspiration, et non un point de vue. Elle ne sert qu’à nous aider à nous débarrasser de ce monde et de l’ignorance qui nous y attache. Elle n’a pas un sens unique, mais plusieurs sens, qui se dévoilent successivement par étapes au cours du processus par lequel on transcende le monde par la sagesse. (Selected Sayings from the Perfection of Wisdom, 1978)

La vacuité fait également partie des trois samadhis, ou portes du nirvāna : vacuité, « sans-signe » (animitta), « sans préhension » (apranihita).

Dans le bouddhisme mahâyâna

La vacuité est l’objet de la Prajñaparamita, la Perfection de la Sagesse, groupe de sûtras du Mahâyâna portant sur la sagesse transcendante, centrée autour de la vacuité. Elle est notamment étudiée par Nagarjuna, qui énonce dix-huit formes particulières de vacuité, la principale, qui résume toutes les autres, étant la vacuité de tous les dharma (sarvadharmasūnyatā).

En effet, dans son Ratnavali, Arya Nagarjuna dit que tant qu’on a l’appréhension des agrégats (ou phénomènes = dharmas), on aura une appréhension du soi personnel. C’est pourquoi ses ouvrages dialectiques s’emploient à déconstruire toute forme de réification.

Qu’est-ce qui est vide ? Et vide de quoi ? Sont des questions essentielles pour le Bouddhisme car les réponses sont d’un intérêt sotériologique incontournable.

Tout est vide, depuis le moindre grain de poussière jusqu’au Bouddha et ce qui le caractérise.

Mais vide de quoi ?

Vide d’une existence intrinsèque, inhérente ou indépendante ; vide d’une nature propre, résistant à l’analyse ; vide de toute essence objective. De ce fait cette vacuité, et la Voie du Milieu qui l’enseigne, transcendent les extrêmes que sont l’abolutisme/éternalisme/réificationisme, et le nihilisme. En effet, les choses existent mais pas de la manière dont elles nous apparaissent, pas en soi. C’est pourquoi cette ontologie typiquement bouddhiste est qualifiée de vacuité de soi (skt. svabhava-shunyata, tib. rangtong).

Selon la branche très subtile Prasangika de la Voie médiane, l’existence de toutes choses est purement nominale (tib. ming tsam) car dépend d’un nom ou d’un concept (tokpai tak tsam) qui les désigne sur la base de leurs caractéristiques ou "base d’imputation" (tak shi).

Les enseignements très précis du Mahayana sur la vacuité ne sont que des développements du non-soi enseigné dans le Véhicule Fondamental car tout y est déjà inscrit explicitement ou implicitement. Le Prasangika Madhyamika considère que les Arhats ont réalisé exactement la même vacuité profonde que les Bouddhas. La seule différence réside dans l’aspect vaste de la Voie.

Voir les nombreux enseignements de Sa Sainteté le Dalaï Lama, comme Se voir tel qu’on est, ou Cent Eléphants sur un brin d’herbe, entre autres.
texte complet:
http://www.buddhachannel.tv/portail/spi ... rticle6098
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
chakyam

Axiste, bonjour,

C'est avec grand plaisir que je lis la phrase suivante : Selon la branche très subtile Prasangika de la Voie médiane, l’existence de toutes choses est purement nominale (tib. ming tsam) car dépend d’un nom ou d’un concept (tokpai tak tsam) qui les désigne sur la base de leurs caractéristiques ou "base d’imputation" (tak shi).

A cet effet, si je rapproche cette phrase avec ce qui a déjà été explicité sur le post : Wu-Nien l'Inconscient que je rappelle : « Dans le Shobogenzo, Dogen ne cesse de mettre l'accent sur l'identité du phénomène et du langage et il ne semble pas que l'on puisse en faire l'économie car même pendant zazen, lorsqu'une pensée fraiche jaillit à l'inspir, elle possède une identité langagière qu'hishiryo nous permet de voir naitre, croître, décroître et disparaître pour être remplacée par une autre pensée SANS JAMAIS S'ATTACHER À AUCUNE DE CES PHASES PARTICULIÈRES, ni pour autant au mots que les désigne. »

Dans le Soûtra de l'Entrée à Lankâ on fait dire au Bouddha : « La compréhension littérale de mes enseignements faire dire aux sots (…) qu'ils n'y a pas de différence entre les mots et le sens qu'ils véhiculent. (…) Ils ne comprennent pas que les mots ont pour nature de véhiculer un sens dont ils sont le corps. (…) Les mots sont tous prisonniers du langage alors que leur sens ne l'est point, puisqu'il n'est ni quelque chose ni rien, qu'il n'a ni naissance ni corps. (…) Ceux qui enseignent depuis les tréfonds du langage ne sont que des bavards incontrits puisque la nature de chaque chose est indépendante du langage.
Cela ne veut pas non plus dire que nous ne choisissons pas nos mots en fonction de ce que nous avons à dire. (…) Si nous ne disions absolument rien, c'en serait fini du Dharma de transmission et s'il n'y avait de Dharma de transmission, il n'y aurait pas d'auditeurs, de bouddhas-par-soi, de bodhisattvas, ni de bouddhas. Si tous ces êtres venaient à manquer, qui enseignerait à qui ?
 »

Par ailleurs dans les mystères essentiels de l'Entrée à Lankâ il est déclaré en citation du Soutra de la Connaissance transcendante : « Rien n'existe réellement, si bien que ce monde n'est pas un monde mais le mot monde » en accordance avec le Soûtra du Diamant « Et ce que le Tathâgata a dit former un système de mondes, il déclara que ce n'était pas un système de mondes. Voilà pourquoi on peut parler de «système de mondes » - traduit du tibétain par Ph. CORNU -

En outre il y a quelques mois l'émission Sagesses Bouddhistes sur France 2 recevait Maître Mogchok Rimpoché, maître de l'école Gelumpa qui expliquait la notion de Vacuité. Pour la bien faire comprendre il prit l'exemple d'un vase en ces termes :« Ce vase existe en dépendance de causes et de conditions. Dans la mesure où il est un phénomène dépendant, il n'existe pas de manière intrinsèque, inhérente de par une nature propre. C'est ainsi sa nature ultime de vase, son absence d'existence intrinsèque. D'un autre côté, ce vase existe bien en tant que production dépendante des conditions qui y président mais également en dépendance de la base de désignation et du concept qu'il impute. En fait il n'a pas d'existence de vase tant qu'il n'y a pas un nom attaché à ce vase »

… on comprend aisément que le langage fait partie intrinsèque du Dharma, de la pratique et de la réalisation et qu'en tant que tel est également soumis à l'impermanence et aux mutations se résorbant dans l'au-delà de l'état d'Hischiryo.

Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement et comment même est-il possible de supposer qu'il puisse en être autrement ?

Bonne soirée

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
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axiste
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Merci Chakyam pour ce développement jap_8
Cela rejoint le post de Gigi également :
http://forum-nangpa.com/viewtopic.php?f=61&t=6286
La conception est à l'origine de l'existence des choses. Sans élaboration de concepts, elles n'existent pas. La probabilité qu'elles soient établies selon leur propre nature est définitivement écartée. À l'image d'un serpent confondu avec une corde lovée.
"Rien n'existe réellement, si bien que ce monde n'est pas un monde mais le mot monde »
Oui je comprends bien cela, et pourtant il y a des effets qui apparaissent: le serpent peut être douloureux...
… on comprend aisément que le langage fait partie intrinsèque du Dharma, de la pratique et de la réalisation et qu'en tant que tel est également soumis à l'impermanence et aux mutations se résorbant dans l'au-delà de l'état d'Hischiryo.
Oui, je suis ok aussi, mais cela fait naître des questions: comment s'élaborent les concepts ? Sur un accord de forme, de substance ou d'usage ? Ceux ci formant les caractéristiques ou la base d'imputation ?
Je pourrai appeler rond un carré si l'accord le souhaitait, pourquoi n'en est-il pas ainsi ?...et l'on voit bien aussi que d'une langue à l'autre, les concepts varient:
chez les Inuits, beaucoup de mots ou d'expressions pour qualifier des nuances de blanc que nous ne captons même pas...parce que l'usage est perçu différemment ?..il y a une profondeur d'observation qui nous échappe et qui est reliée à des intentions précises (besoin de chasser, de faire attention à certains indices pour survivre, accords culturels orientés autour de besoins spécifiques et validés par l'ensemble, et qui sont probablement apparus en fonction de l'environnement...) Tout cela pose question bien entendu...vos remarques me semblent très justes et me donnent envie de lire le livre "se voir tel que l'on est"
D'une langue à l'autre, le monde est perçu différemment, on pourrait dire que la langue fonde la culture et le monde...mais j'ai besoin de lire un peu plus sur le sujet et de l'intégrer mieux...merci de pointer ce sujet FleurDeLotus
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Dharmadhatu
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Axiste a écrit :Oui, je suis ok aussi, mais cela fait naître des questions: comment s'élaborent les concepts ? Sur un accord de forme, de substance ou d'usage ? Ceux ci formant les caractéristiques ou la base d'imputation ?
jap_8 Très juste chère Axiste. Et l'exemple des Inuits l'illustre parfaitement.

Se voir tel qu'on est apporte beaucoup quant à la compréhension de la vacuité.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
chakyam

Axiste,

Beaucoup de question... et je ne suis pas certain de pouvoir correctement y répondre tant elles sont fondamentales.

Une constatation de fait. L'Homme est un animal parlant ; c'est d'ailleurs le seul et la question que tu poses sur la fabrication des concepts me semble devoir intervenir en second, la première étant le comment et le pourquoi d'une traduction possible de l'Usage qu'il fait des éléments en langage articulé et éventuellement parlé.

Le Comment – Si j'en crois l'Anthropologie, indépendamment des rites sociaux, politiques, funéraires et autres, l'Homme se caractérise par une constitution physique au niveau du larynx qui lui permet le langage articulé grâce aux cordes vocales dont il est doté. Aussitôt se pose la question du contenu d'une parole éventuelle, contenu que seule une certaine prise de distance par rapport aux faits va permettre, ce qui lui suppose une certaine intelligence...
Le Pourquoi – C'est évidemment l'objet de controverses sans fin entre les explications matérialistes ou spiritualistes, ces dernières mettant l'accent sur l'action d'une divinité que les premiers qualifient d'anthropomorphique. Sans entrer dans ce genre de querelle il me semble judicieux de postuler que la complexification du monde que tout un chacun peut constater, tient évidemment à l'inventivité de l'espèce humaine mais également d'un élan cosmique qui, en fonction des circonstances factuelles dans lesquelles nous vivons, nous incite à dénommer différemment des éléments différents précisément. Tel semble être le cas des Inuits dont tu fais état.

Ce qui me permet de répondre positivement à ta question : comment s'élaborent les concepts ? Sur un accord de forme, de substance ou d'usage ? Ceux ci formant les caractéristiques ou la base d'imputation ? -

Ils s'élaborent sur un accord et forment les caractéristiques ET la base d'imputation qui en l'occurence me semblent recouvrer la même réalité.

Bonne soirée.

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Sourire

chakyam a écrit :Le Comment – Si j'en crois l'Anthropologie, indépendamment des rites sociaux, politiques, funéraires et autres, l'Homme se caractérise par une constitution physique au niveau du larynx qui lui permet le langage articulé grâce aux cordes vocales dont il est doté. Aussitôt se pose la question du contenu d'une parole éventuelle, contenu que seule une certaine prise de distance par rapport aux faits va permettre, ce qui lui suppose une certaine intelligence...
Selon ce principe, pendant des siècles, on a considéré les muets comme des simples d'esprits...
Et ce principe n'est pas des plus fiables scientifiquement, puisque les archéologues et paléontologues ont discuté pendant X années (et le font peut-être encore, je ne me tiens plus au courant) de la capacité des néanderthaliens à la parole (faut dire qu'à présent qu'il est établi qu'on est tous un peu Néanderthal, c'est moins important de les détacher de l'arbre généalogique). Malgré ce détail phonique, on n'a jamais remis en question leur appartenance au genre "Homo", ni leur aptitude à la réflexion et même à l'abstraction (ils enterraient leurs morts et faisaient des oeuvres d'art).

Maintenant, si par "animal parlant" tu entends "animal communiquant de façon complexe"... C'est mieux.
Mais attention !
Il y a eu des études sur les cris des singes... Parait qu'ils ont une sorte de proto-syntaxe. ;-) Mais jusqu'à présent, ils ne causent pas des raisons d'être de l'Univers ou du prochain épisode de la série TV.
chakyam

Sourire a écrit :
chakyam a écrit :Le Comment – Si j'en crois l'Anthropologie, indépendamment des rites sociaux, politiques, funéraires et autres, l'Homme se caractérise par une constitution physique au niveau du larynx qui lui permet le langage articulé grâce aux cordes vocales dont il est doté. Aussitôt se pose la question du contenu d'une parole éventuelle, contenu que seule une certaine prise de distance par rapport aux faits va permettre, ce qui lui suppose une certaine intelligence...
Selon ce principe, pendant des siècles, on a considéré les muets comme des simples d'esprits...
Et ce principe n'est pas des plus fiables scientifiquement, puisque les archéologues et paléontologues ont discuté pendant X années (et le font peut-être encore, je ne me tiens plus au courant) de la capacité des néanderthaliens à la parole (faut dire qu'à présent qu'il est établi qu'on est tous un peu Néanderthal, c'est moins important de les détacher de l'arbre généalogique). Malgré ce détail phonique, on n'a jamais remis en question leur appartenance au genre "Homo", ni leur aptitude à la réflexion et même à l'abstraction (ils enterraient leurs morts et faisaient des oeuvres d'art).

Maintenant, si par "animal parlant" tu entends "animal communiquant de façon complexe"... C'est mieux.
Mais attention !
Il y a eu des études sur les cris des singes... Parait qu'ils ont une sorte de proto-syntaxe. ;-) Mais jusqu'à présent, ils ne causent pas des raisons d'être de l'Univers ou du prochain épisode de la série TV.
Et si, selon ce principe, on considérait les manchos comme des simples d'esprit par incapacité de taper sur le clavier
Et si, selon ce principe, on considérait les culs de jatte comme des sourds parce qu'ils sont incapables de marcher quand on leur en intime l'ordre ?

AF FLI GEANT .....

Les archéologues et paléontologues peuvent bien discuter pendant des années de la capacité des néanderthaliens à la parole. Cela ne fait aucun doute pour moi sur le chemin de l'humanisation et je ne disputerai pas sur ce point. Par contre les études sur le cri des singes ?!!? me laissent dubitatif. Je constate que dans cette hypothèse, le langage des singes a besoin des hommes pour être reconnu comme tel alors que le langage des hommes est auto-référant. Puisque l'on soutient ici que le langage parlé ne serait pas l'apanage de l'Homme, je demande communication des "minutes" du dernier congrès scientifique des singes attestant que l'animal homme est bien un singe parlant.

Merci

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Sourire

Personne, sur ce forum, n-a besoin de donner la preuve qu'il possède un larynx équipé de cordes vocales (selon le même débat qui a longuement occupé les paléontologues à propos de Néanderthal). D'ailleurs, en ces temps hivernaux, les chances de trouver ici quelqu'un d'aphone sont considérablement augmentées.
Mais il y a d'autres moyens de communiquer.

Quand j'étais au collège, mon frère avait reçu son correspondant... Qui parlait peu français, y mettait peu d'acharnement, mais se débrouillait pour être compris, par gestes. Comme j'avais toujours du papier en poche et que nous savions tous les deux gribouiller très vite un bidule ou un truc, on a très bien réussi à discuter sans avoir à dire plus que quelques mots.

Je voulais juste dire que la caractéristique essentielle de l'homme n'est pas ce fameux larynx, même si ledit larynx est caractéristique de l'être humain.
Et on pourra en dire autant de la station debout droite, qui a favorisé le développement cérébral... Mais que depuis l'énigme du Sphinx, chacun sait ne pas être quelque chose d'asbolu dans la vie humaine.


Où as-tu vu que j'ai dit que le langage parlé n'est pas l'apanage de l'homme ?
Note bien, tu me rappelles un bouquin que j'ai lu un jour, avec sur ce thème, une vanne à propos des perroquets...
Je remets seulement en question le fait de considérer que l'ensemble mathématique "Humain" soit définissable par "capable de parler"
J'en veux pour preuve qu'il existe des humains incapables de parler.
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Dharmadhatu
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jap_8 Bonjour les amis,

Il est bon de rappeler que selon le Prasangika, les phénomènes sont de simples désignations conceptuelles (tokpé tak tsam). Selon ce point de vue, ce sont les concepts qui comptent avant la parole.

De telle sorte que même un muet peut avoir la conception d'une fleur.

Pour nombre d'épistémologues bouddhistes, la définition d'un esprit conceptuel est "un esprit pour lequel il est possible d'associer une généralité de son et une généralité de sens" (tib. dra deun dré roung dou dzin pé lo, tokpé tsényi).

Cf. Pointing the Way to Reasoning de Sermey Khensur Lobsang Thartchin Rinpoché.

Amitié FleurDeLotus
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Ils s'élaborent sur un accord et forment les caractéristiques ET la base d'imputation qui en l'occurence me semblent recouvrer la même réalité.
C'était un ou inclusif, pas exclusif…oui, cela recouvre donc la même réalité…

Pour la vacuité, je vais essayer aussi de relire cent éléphants sur un brin d'herbe que j'avais survolé il y a sept ans, car aujourd'hui je reçois les choses autrement…

Qu'entends tu par élan cosmique ?
Ca m'évoque un grand vide plein d'espace ou d'appels d'énergies, quelque chose d'immense, vaste à l'infini qui est conscience potentielle dans un étirement sans fin de résonances hyper sensibles : autant dire que c'est une notion un peu floue, insaisissable…alors les mots comme ça, les mots élan cosmique oui…ça me laisse totalement perplexe, incapable d'en délimiter les contours par les mots trop petits, cela me désintègre complètement …il y a des mots comme ça qui nous font disparaître parce qu'ils sont impossibles à dire sans basculer dans une explosion interne qui finalement se résorbe dans un silence total: là, il n'y a plus que l'instant et son éternelle présence qui s'engouffre partout en nous délitant tout… alors les mots comme ça qu'on interroge et qui répondent par un silence, ils nous désintègrent toutes nos prétentions trop humaines...ce sont des mots qui nous libèrent de nous mêmes et pourtant ils le font sans s'accrocher au sens...et à la fin, ce sont juste des mots, comme ça...
Je voulais juste dire que la caractéristique essentielle de l'homme n'est pas ce fameux larynx, même si ledit larynx est caractéristique de l'être humain.
Et on pourra en dire autant de la station debout droite, qui a favorisé le développement cérébral... Mais que depuis l'énigme du Sphinx, chacun sait ne pas être quelque chose d'absolu dans la vie humaine.
Et oui…ça fait du bien aussi de se sentir tout petit…rien…vide…silencieusement vide...ça arrête la pendule interne et tout à coup on a un corps, des sourires possibles, des yeux qui disent, des mains qui dessinent, des pieds qui courent, des rythmes qui nous traversent...le larynx c'est pas un problème, c'est juste sa prépondérance exacerbée qui étonne tant peut-être...
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