Je vous propose donc de tenter d'affiner la démonstration en renvoyant à la pratique qui évite de se faire piéger par les mots cependant indispensables à ce moyen de communication.
La difficulté réside dans nos habitudes et notre intellect qui se confortent l'un l'autre en se persuadant qu'aucune action n'est possible sans l'élaboration d'un projet. Cette constatation résulte du double jeu de l'imagination et du Mental dont surgit alors la notion : sujet/objet avec « création » d'un Monde d'objets et de concepts accompagnés de consciences (6) qui génèreront les 18 domaines - C'est alors que se développe la causalité karmique alimenté par les pensées dualistes conscientes.
Les enseignements et pratiques extrêmes-orientaux dits « suprêmes » mettent l'accent sur le concept de non-pensée (Hishiryo) qui se présente comme absence de pensée dualiste. Contrairement à ce que pourrait suggérer le terme concept, cette non-pensée n'est pas une chose, une fonction mais un état d'être appelée Nature Propre en ce sens qu'il est dénué d'antithèses secrétées par le Mental. A ce titre on le nomme Inconscient.
Ainsi SHEN-HUI (7ème s. ap. J.C.) dans ses enseignements sur la Prajnaparamita déclare t-il : « Qu'est-ce que l'Inconscient ? C'est ne pas penser à l'Etre ou au non-Etre, c'est ne pas penser au bon ou au mauvais ; c'est ne pas penser à être limité ou ne pas être limité ; c'est ne pas penser à des mesures ou à des non-mesures ; c'est ne pas penser à l'illumination, ni à être illuminé ; c'est ne pas penser au Nirvana ni à atteindre le Nirvana. Ceci n'est autre que Prajnaparamita elle-même qui n'est autre que le Samadhi de l’Unité »
ou encore ?.....
TA-CHU HUI-HAI peut écrire dans son Enseignement Essentiel de l'Illumination Abrupte : « L'inconscient signifie être sans mental en toutes circonstances, c'est-à-dire n'être déterminé par aucune condition, n'avoir aucune affection, aucun désir. Affronter toutes les conditions objectives et pourtant demeurer libre de toute forme d'émotion, c'est là l'Inconscient »
ou encore ? …..
Maître CHIH de Yunchu - " Cette Nature est, dès le commencement, pure et non-souillée, sereine et non-troublée. Elle n'appartient à aucune des catégories dualistes telles que « être » ou « non-être », pure ou souillée, long ou court, prendre ou lâcher. Le corps réside en sa quiddité. Y plonger un clair regard est voir sa propre nature. Cette Nature est le bouddha et le Bouddha est cette Nature. Par conséquent, voir en sa propre Nature, c'est être Bouddha
ou encore ?.....
Le 6ème Patriarche - « j’établis l’absence de pensée (wu-nien, l’Inconscient) comme le principe de mon enseignement, l’absence de forme comme son corps et l’absence de fixité comme sa source »
ou encore ? ….
"cette vérité est wu-nien (sans pensée), wu-i (sans mémoire) et wu-chao (sans attachement")
Alors dira-t-on ! Comment prendra-t-on connaissance du Monde ? Par le Corps et le Coeur immédiatement immergés dans l'Univers bien avant que ne se développe la/les consciences (c'est ce que veut dire la phrase : Le corps réside en sa quiddité), immersion que le « lâchez-prise », le « non-mental », la « non-action » permettront de réaliser par la prise de conscience de ce qui, en soit si on en croit les mots, ne peut être saisi... et pourtant !
DOGEN ne nous dit-il pas ? « suivre la voie de l'Éveillé, c'est se dépouiller de son corps et de son coeur et du corps et du coeur de l'autre ? »
sereinement
