Sensations et interprétations du mental.

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jules
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La fonction du mental m’apparaît être celle de principalement ordonner le chaos des sensations.
Comme disait Cioran, « il n’y a pas de sensations fausses ».
Si je parle de chaos relativement aux sensations c’est qu’elles ne me semblent pas spécifiquement distinctes avant que le mental ne s’en saisisse. Autrement dit, les sensations ne sont pas telle ou telle sensation sans le recours du mental et, sans l’ordonnance de ce dernier, on pourrait dire qu’à l’origine elles n’ont pas un caractère essentiellement pluriel, mais plutôt qu’elles seraient comparables à une sorte de vibration qui oscillerait aléatoirement.
Quand le mental se saisirait de cette vibration, il la traduirait dans son langage.
Compagnon

D'après ce que j'ai compris le mental "colore" les perception en quelque sorte, dans le sens ou les informations sensorielles parviennent par les organes des sens, puis le mental "étiquette" les perceptions en les qualifiant de : bleu, rouge, haut, bas, agréable, désagréable, chaud froid etc... Les perceptions sont identifiées selon des "étiquettes" mentales informatives, descriptives (ex : les couleurs, les formes, les distances) ou sensitives (chaud, froid, agréable, désagréables, sucré, salé etc..) en général derrière il y toujours un soupçon de jugement selon l'axe plaisant/déplaisant ou agréable/désagréable, désirable/répulsif. Donc dualiste.
Et ce que cela revient à mettre de l'ordre dans le chaos, peut être je ne sais pas.

Ce qui est drôle dans ce que tu dis a propos de "vibration" c'est la fameuse syllabe primordiale "ôm" et le fait que les physiciens quantiques actuels quand ils étudient une particule de lumière ne savent pas dire su celle ci est "onde" ou "particule", elle est les deux à la fois, tant que personne ne l'observe elle est onde, sitôt qu'on l'observe elle devient particule. Donc le regard et le mental de l'observateur change la nature de l'objet observé.

Est ce que le fait "d'observer" et d’étiqueter" avec le mental met de l'ordre ? Pour nous peut être, en effet pour nous on ne peut pas être 2 choses simultanément en même temps, et pourtant les photons par exemple le sont, ils sont "indéterminés" à l'état naturel. Donc peut être notre mental "truc" interprète les perceptions dans un sens acceptable pour nous.

Des savant il y a peut se demandait très sérieusement si l'univers n'était pas bi-dimensionnel et que notre cerveau "inventait" une 3ème dimension pour que nous ne devenions pas complètement fous...

Maintenant regardez les miracles que l'on prête aux éveillés, imaginez que eux voient le monde tel qu'il est et en tienne compte, que celui ci soit bi-dimensionnel, cela n’expliquait-il pas que là ou nous nous voyons des distances, et donc du temps pour les parcourir, eux n'en voient aucune et donc puisse aisément aller très vide d'un point à un autre, instantanément même à nos yeux à nous ?
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tirru...
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Bonjour,
Il me semble que dans le bouddhisme theravada il est question de sensations physiques et de sensations mentales. À creuser...
------------------------------------------------------------------------------ Image Sabba danam dhammadanam jinati - Le don du Dhamma surpasse tout autre don ImageDhammapada
Compagnon

Walpola Rahula développe bien cela dans son chapitre sur les agrégats, je peux aller repiocher dans son petit livre si vous voulez. Je crois bien qu'il considère aussi le mental comme un organe sensoriel. En fait il y a un organe "mental". J'ai vérifié dans son chapitre sur les 5 agrégats Walpola Rahula décrit : l'agrégat de la matière, celui des sensations, des perceptions, des formations mentales et celui de la conscience. Et les rapports entre eux.

Au besoin je recopierais cela peut être plutôt dans la section théravada. C'est pas forcément très clair à comprendre.
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jules
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Merci Compagnon, très intéressant ce que tu dis, avec ce rapport que tu fais avec les constatations qui ont été faites par la science.

Cependant je voudrais revenir à cette phrase en particulier sur laquelle je voudrais apporter un certain éclairage :
Est ce que le fait "d'observer" et d’étiqueter" avec le mental met de l'ordre ? Pour nous peut être (...)
Au stade où l'on parle du mental et des sensations comme nous le faisons, la question du "nous" autrement dit le "soi" pose question puisque quelque part le "soi" n'apparaît qu'à un certain niveau de notre fonctionnement psychique, un niveau dors et déjà interprétatif peut-être où le filtre du mental aura déjà joué son rôle. Ce que je veux dire, c'est qu'à partir du moment où l'on procède à une enquête de ce type, il faut y faire entrer également le pourquoi de la perception du moi, et donc user de ce terme avec toutes les précautions nécessaires induisant qu'il ne sera pas exclu de l'investigation à laquelle nous procédons.
Tirru
Il me semble que dans le bouddhisme theravada il est question de sensations physiques et de sensations mentales. À creuser...
Merci, je serais curieux d'avoir des précisions à ce sujet.
Compagnon

@Jules : nous interroger sur les perceptions, les sensations etc... serait aussi un "agitation" du mental ayant pour but secret de renforcer l'impression de "solidité" du "moi", c'est ce que tu veux dire c'est cela ? Celui qui pose les questions c'est le "moi", donc le fait même de nous interroger, de questionner, de chercher des réponses, plutôt qu'observer, tel quel, juste observer, serait déjà une tentative du "moi" pour justifier sa propre existence, questionner serait déjà un voile posé, un "filtre" entre nous et la vérité de l'absence de "solidité" et de permanence du "moi", c'est ce que tu veux dire ?
Questionner ce serait déjà renforcer le "moi" ?

Un peu comme dans Zazen ou il est demandé d'être juste assis, là, paisible, vigilant mais non inquisiteur, observateur sans laisser l'esprit divaguer à des question existentielles ou philosophique, juste être là. Enfin j'ai compris Zazen ainsi.

D'ailleurs le Bouddha aurait dit : quand tu marche contente toi de marcher, quand tu manges contente toi de manger.

Donc quand tu es assis contente toi d'être assis, quand tu observe contente toi d'observer, c'est tout. Rien que "observer", ne rien ajouter de plus, ni questionnement ni évaluation ni jugement, rien, n'être QUE observation. Que perception ou que sensation. Rien que cela.
Compagnon

Coïncidence, voila ce sur quoi je tombe en recopiant ce soir la vie du IXème patriarche Terre Pure : Zhi-Xu du Temple Lingfeng (1599-1655).

"Zhi-Xu se rendit à la montagne Jing pour pratiquer la contemplation Chan. L'été suivant, dans une profonde méditation, tout à coup il fit l'expérience de la disparition du monde de son corps et de l'esprit, et il vint à comprendre que tous les phénomènes ne sont que des projections de l'esprit pensant tenace, passant de pensée après pensée. Sa perception antérieure d’une contradiction entre la nature du dharma et l'apparence du dharma tomba, et, tous les cas publics de l'école Chan qui l'avaient intrigué devinrent évidents."

flower_mid
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Zopa2
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Je ne sais pas si cela peut aider mais les enseignements tibétains consacrés à l'étude de l'esprit et de son fonctionnement (Lorig), parlent de différentes divisions et fonctions.

Par exemple, du point de vue de sa fonction, l'esprit peut être divisé en consciences et en facteurs mentaux.

Il y a six types de conscience : visuelle, auditive, olfactive, gustative et enfin la conscience mentale.

La qualité d'une conscience dépend des facteurs mentaux qui l'accompagnent.

Il ne faut pas penser qu'une conscience et ses facteurs mentaux sont des entités séparées, car chaque facteur mental est une partie d'une conscience. Pourtant, bien qu'un facteur mental soit une partie d'une conscience, ce n'est pas une conscience, tout comme une main est une partie du corps, mais n'est pas le corps.

Aussi, une conscience peut-elle être comparée à la flamme d'une bougie et ses facteurs mentaux aux rayons de cette flamme. love3

De même que les rayons de lumière viennent de la flamme et existent simultanément à elle, ainsi les facteurs mentaux viennent des consciences et existent simultanément à elles. Et de même que la flamme illumine les objets par l'intermédiaire des rayons de lumière qui en émanent, ainsi une conscience connaît son objet par l'intermédiaire de ses facteurs mentaux.

La sensation et la discrimination (pour ne parler que de ces deux là, puisque c'est le thème de ce fil) sont deux facteurs mentaux qui accompagnent toutes les consciences, au sens où s'il en manque un, la conscience ne pourra pas reconnaître son objet.

La sensation est définie comme étant un facteur mental donc la fonction est d'éprouver des objets comme plaisants, déplaisants ou neutres. Il est impossible de reconnaître un objet sans l'éprouver comme plaisant, déplaisant ou neutre.

Il y a plusieurs manières de diviser les sensations, y compris la division en trois que nous venons de voir :

1. Les sensations plaisantes
2. Les sensations déplaisantes
3. Les sensation neutres

Il existe aussi une division en deux :

1. Les sensations corporelles
2. Les sensations mentales

Il y a une autre division en deux du point de vue de leur nature :

1. Les sensations contaminées
2. Les sensations non contaminées

Les sensations contaminées sont des sensations associées à la saisie du soi, et le sensations non contaminées sont des sensations associées à la sagesse qui réalise directement la vacuité. La plupart de nos sensations sont des sensations contaminées jusqu'à ce que nous atteignons le chemin de la vision.

Voyons maintenant la discrimination.

Elle est définie comme un facteur mental dont la fonction est d'appréhender le "signe non commun" d'un objet.

En effet, chaque objet a des caractéristiques qui le différencient des autres objets et qui nous permettent de le reconnaître. Ces caractéristiques non communes sont ce qui est appelé "le signe non commun" d'un objet.

Le facteur mental discrimination a pour fonction d'appréhender ces caractéristiques non communes. Quand nous regardons un arbre par exemple, notre conscience visuelle connaît l'arbre, car elle discerne ou discrimine les signes non communs de l'arbre. Si notre conscience visuelle n'avait pas le facteur mental discrimination, elle ne pourrait pas le reconnaître. Pour reconnaître un objet, nous devons comprendre quels sont ses signes non communs ou caractéristiques qui le définissent. Un nouveau-né par exemple ne comprend pas les signes non communs d'un bracelet-montre, et il ne peut le reconnaître en tant que tel.

Autrement dit, la fonction de la discrimination est de distinguer un objet des autres et de l'identifier comme étant "ceci" et non "cela".
La discrimination, associée aux états d'esprit conceptuels, a également la fonction d'imputer, d'étiqueter ou de nommer les objets.
Il existe deux manière d'imputer : par le son et par la pensée. Imputer par le son revient à nommer l'objet. Imputer par la pensée revient à concevoir l'objet.

Certains pratiquants, en réalisant que nos sensations et nos discriminations stimulent les perturbations mentales, essayent d'abandonner complètement les sensations et les discriminations en ramenant leur esprit vers l'intérieur par la force de la concentration et ainsi, ils sont absorbés dans un état subtil où l'activité mentale troublante n'est plus manifeste. Cet état est connu comme "l'absorption sans discrimination". Parfois, cela peut être utile de pratiquer cette absorption pendant quelque temps, quand notre esprit est très troublé et anxieux, mais nous ne devrions pas la considérer comme notre méditation principale. Au lieu d'essayer d'arrêter toutes les discriminations, il est plus utile sur le long terme, de développer des discriminations justes.
Compagnon

@Zopa2 : merci pour le partage.

@Jules : j'ai repensé à ce que nous avons dit toi et moi, ci-dessus et je crois avoir mi le doigt sur quelque chose d'important. Enfin pour moi. A vous de voir si de votre coté cela suscite quelque chose.

Jusqu'a présent quand je voyais Siddharta Gautama partir en quête de l'Eveil, tantôt je disais : il cherche un remède, tantôt je disais : il cherche une réponse à la question de la souffrance.

Alors certes les 4 Nobles Vérités contiennent au moins 3 réponses, les vérités 2, 3 et 4.
Mais je crois qu'il n'est pas correct d'envisager l'Eveil comme une "réponse". Car qui dit "réponse" dit "question", et les questions c'est du domaine du mental, du mental qui a un désir, celui d'avoir une réponse. C'est le mental qui veut "avoir".

Peut être au niveau du samsara, de l'état non-éveillé, au premier niveau de lecture (je ne me souviens plus de l'intitulé des 2 niveaux de lecture : relatif/absolu ? ) on voit des questions, on use de questions et de réponses pour avancer, pour pratiquer, mais je crois qu'au second niveau de lecture, on doit se défaire du couple question/réponse, car c'est un dualisme et une manifestation de désir, de "soif", d'une soif du "mental", de "l'intellect" que veut "savoir", donc l'activité de recherche, de réflexion, donne consistance au "moi". Peut être est ce que l'on appel parfois des "boursouflure" ou des "purulences" du mental, j'ai croisé ces termes il me semble. Quand le mental cherche des réponse il n'est pas paisible, il est actif, tendu, limite anxieux, accaparé par un objectif et la peur d'échouer, en souffrance.

Est ce que vous comprenez ce que je veux dire ?

L'Eveil n'est pas une "réponse" je crois à la "question" de la souffrance, c'est seulement un remède mais là aussi, qui dit remède dit maladie... Soif de remède, aversion pour la maladie.

Donc il ne faut pas chercher l'Eveil pour avoir une ou des réponses. D'ordre intellectuelles en tout cas. Même si le fait d'atteindre cet état donne accès à un "savoir" peut être "absolu". Peut être que cet accès n'est qu'un simple effet secondaire, collatéral.

Comprenez vous ou pas ce que j'écris ? Cela vous paraît évident ? Nouveau ? Banal ? Utile ?

Je me suis fait la réflexion en constatant que lorsque je méditais en marchant en étudiant l'environnement autour de moi sous des angles successif : couleur, forme, distance, taille, ombre et lumière etc... instinctivement je parlais dans ma tête pour me guider, d'abord je disais "couleur", et je cherchais des yeux uniquement les couleurs, mais en fait, si je ne pense même pas "couleur" si j'observe juste sans même formuler le moindre mot, juste en portant l'attention sur les couleur, c'est plus difficile mais l'attention est meilleure.

Comme tu dis Zopa2 :

Il existe deux manière d'imputer : par le son et par la pensée. Imputer par le son revient à nommer l'objet. Imputer par la pensée revient à concevoir l'objet.

Ça vous "parle" ?
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jules
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Compagnon : Est ce que vous comprenez ce que je veux dire ?
Oui, ça fait sens.
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