Extrait d'une session de question/réponse avec Eric Baret :
Question:Au travail, je suis entouré de personnes qui, comme beaucoup de gens, pensent que le bonheur se trouve dans un compte en banque important, de belles voitures, ce genre de chose. Ce genre de conversation les intéresse naturellement. Je n’ai aucune compétence particulière ni en matière de voitures ni en matière de Bourse, mais en même temps j’ai envie de continuer de discuter avec eux. Comme je ne crois plus à tout ça, je n’arrive plus à communiquer.
Réponse : Il faut en profiter pour apprendre ! [Rires.]
Jean Klein était intarissable sur les placements boursiers. Il s’est d’ailleurs ruiné plusieurs fois à cause de cela. Il a aussi ruiné quelques élèves et en a enrichi d’autres. Quand quelqu’un parle de voitures, il faut écouter. C’est fascinant, quelqu’un qui a la connaissance de ces étranges machines. Si on écoute vraiment, on trouve là de très belles choses, comme dans tout le reste. Ce n’est rien en soi, mais c’est extraordinaire aussi.
Si l’on écoute vraiment, sans préjugé, la magie de la Bourse, la magie des placements est une chose extraordinaire. On ne peut pas comprendre les événements économiques, politiques, militaires, si l’on ne comprend pas cela. Donc, si on le regarde avec une vision claire, rencontrer un homme d’affaires de haut niveau, parler avec lui de placements et d’économie est très intéressant. Cela dévoile des tas de choses sur les problèmes politiques et sociaux de notre temps. C’est une forme d’œuvre d’art.
Dans l’écoute, rien n’est inintéressant. Pas un métier, pas une activité, pas une passion n’est absurde ; c’est notre regard qui l’est parfois. Tout est fascinant. Quand nous croyons être avec des gens qui vivent de manière superficielle, c’est nous qui sommes superficiels. Quand on écoute leur fonctionnement, on trouve l’essentiel en cela aussi. À leur manière, ces gens ne font que parler de la tranquillité.
On s’aperçoit que ce que l’on écoute ne parle que de la tranquillité, même si cela s’exprime à travers des propos politiques ou économiques. Un autre dialogue peut alors s’engager.
Faire un, faire corps avec ce qui se présente. Rien n’est étranger. Les gens que je rencontre, c’est mon milieu ; j’écoute. Quand je ne connais pas, j’interroge, non pour savoir quelque chose, mais parce qu’il y a une forme de résonance. Il n’y a rien qui soit étranger. Sinon, je suis dans un projet. Si je pense qu’il vaut mieux méditer, faire du yoga, je suis coupé de la société. C’est normal que je me sente isolé ! Non… Quand je fais du yoga, je fais du yoga. Quand je suis dans une salle de casino, j’écoute, je regarde.
C’est extraordinaire, ce que l’on découvre sur l’être humain, sur la beauté dans n’importe quel endroit, quand on écoute. Que ce soit en prison, dans la salle d’attente d’une clinique, dans un restaurant de gare, il faut écouter, regarder. Regarder la joie, la souffrance, l’agitation, les préoccupations, l’anxiété, les besoins, comment les gens fonctionnent… Déjà, une résonance se fait.
Quand une chose m’est étrangère, quelle qu’elle soit, c’est que je vis dans ma prétention. Je regarde alors en moi-même et je remarque que je suis encore en train de prétendre qu’il y a des choses supérieures à d’autres. Cette prétention est une histoire. La beauté est partout. C’est à moi d’écouter et de la découvrir dans toutes les situations.
Certaines sympathies sont plus évidentes que d’autres, bien sûr ! Il y a des gens pour qui la porcelaine chinoise bleu et blanc est ennuyeuse. Il y a des gens pour qui la musique orientale est ennuyeuse. Mais, à un moment donné, la période qui vous passionne est celle qui est devant vous. Avec un policier, je suis passionné par la police. Avec un banquier, je suis passionné par la banque. Pour rien, pour la joie, parce que c’est passionnant de voir comment quelqu’un voit le monde, comment il fonctionne. Je me vois exactement comme lui : les mêmes peurs, les mêmes attentes, le même fonctionnement. Une forme de sympathie est présente. Quand je trouve quelque chose d’antipathique, je tourne la tête et je vois que c’est moi qui n’écoute pas.
Ce n’est pas au monde de m’écouter, c’est à moi d’écouter le monde. Quand j’écoute le monde, il y a une résonance. Mais si je demande au monde de m’écouter, de voir les choses comme moi, si je demande au banquier de mâcher du riz entier, il y a séparation. Le banquier suit sa route, exactement comme tout le monde, l’homme d’affaires aussi, le prêtre aussi ; il n’y a aucune différence. Il faut profiter du milieu où l’on est ; pas pour apprendre quelque chose, pas pour devenir banquier ou quoi que ce soit d’autre, mais pour la simple joie d’apprendre.
C’est un peu comme quand on joue avec un enfant. On n’apprend pas les règles du jeu dans le but de gagner ou de perdre, mais pour jouer. De la même manière, quand on se trouve mêlé à tel ou tel milieu social, on écoute, on apprend les règles par résonance, par affection pour l’environnement. Il n’y a plus de sentiment de séparation. Bien sûr, je fonctionne d’une certaine manière. Je ne vais peut-être pas dans les mêmes restaurants que certains hommes d’affaires, j’ai peut-être une voiture différente, mais ça, c’est la vie qui le décide pour moi. Ce n’est pas mieux, ce n’est pas moins bien. Les grosses voitures ne sont pas moins que les petites voitures. C’est la même chose.
J’écoute ce qui m’entoure. Si demain je me trouve dans un milieu de produits diététiques, j’apprendrai également là ! Mais ce n’est pas mieux. Il n’y a pas de différence. Écouter, découvrir, aimer. C’est ce qui est là quand je ne prétends pas que cela devrait être autre chose, quand je ne prétends pas savoir ce qui est juste. Ce qui est intéressant, c’est ce qui est sous mes yeux. À moi de m’en rendre compte.
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