En y réfléchissant ce matin dans mon lit dans un certain état de somnolence j'ai pensé à ces notions de karma collectif et individuel. Lorsqu'il parle Tich Nhat Hanh distingue ce qu'il appelle la dimension historique et la dimension ultime. Une façon je crois de distinguer en quelque sorte ce qui nous apparaît dans le samsara et ce qui est dans nirvana. Peut être aussi une façon de nommer les différents niveaux de langages dans les enseignements bouddhistes. Nous en avons parlé je crois déjà ici. J'ai lu quelque chose là dessus, sur les différents niveaux de compréhension des écrits bouddhistes y compris les sutras du canon Pali, puisque le Bouddha adaptait son niveau de langage aux auditeurs.
Hors je me suis fait plusieurs réflexions, faites en ce que vous voulez, voyez si elle vous paraissent utiles, pertinentes, éclairantes ou pas du tout.
Déjà, autour de ces deux niveaux de perception, de lecture, la dimension historique (samsara ? notre vie concrète là dans ce corps) et ce que TNH appelle Dimension Ultime (Nirvana ? Vue Juste de la réalité telle qu'elle est ?).
Déjà ils sont interdépendant, l'un ne va pas sans l'autre. Ils inter-sont comme l'exprime TNH (désolé pour les puristes ce n'est pas un manque de respect mais c'est plus pratique pour moi de contracter

"Dieu sait" - façon de parler - si j'ai beaucoup de respect pour Thay - j'hésite même à l’appeler par son nom propre à ses disciples c'est dire...), donc dimension historique et Ultime sont vacuité, aucune n'a d'existence en soi et indépendante.
Ensuite, peut être, peut être, que si l'on observe uniquement les choses au niveau de la dimension historique (un peu comme une couche unique horizontale) on a l'impression qu'il y a juxtaposition de karma individuels. Que le karma ne peut être que produit et "rétribué" "individuellement".
Mais si l'on passe à la couche "supérieure", si l'on regarde de plus loin, de plus "haut", du point de vue de la Dimension Ultime, qui est à la fois supérieure et complémentaire à l'historique (comme Samsara et Nirvana ?) on se rend compte qu'en fait il peut y avoir karma collectif aussi bien produit que rétribué. Car si il y a bel et bien non-soi, vacuité de tous les phénomènes, le karma étant un phénomène, il ne peut être que vacuité, qu'interdépendant. Alors comment peut-il y avoir le moindre karma "individuel" , "indépendant" et "autonome", uniquement confiné à un individu ? Un soi ? En fait là dessus... j'ai deux hypothèses, l'une franchement audacieuse et extrême et l'autre plus pondérée. Chacune je crois est envisageable :
- la première, en poussant la logique de la vacuité à fond, il n'y a aucun karma individuel. A un niveau "grossier" ou "superficiel" on en a l'impression mais en fait à un niveau d'observation supérieur on se rend compte qu'il n'y a que karma collectif composé d'une' myriade d'individuels interconnecté. Un peu comme lorsque des physiciens nous disent qu'en fait le chaos n'existe pas car en fait il n'est qu'apparent, qu'il y a un ordre sous-jacent plus profond qu'on ne voit pas pour le moment. Vous saisissez ?
- la seconde, qui intègre la notion d'impermanence, c'est que parfois il y a karma collectif, parfois individuel, dans les 2 dimensions, selon les circonstances, les conditions.
Sur cette notion de "production" de karma collectif. Nous sommes d'accord pour dire je crois que "karma" signifie "action" mais que cette action peut prendre la forme d'une pensée, d'un parole ou d'un acte, voir les 3 ensembles, successivement. Pensées seule, pensées et parole, pensée et acte, pensée et parole et pacte. Et acte ou parole sans pensée pour les plus irréfléchis ! XD
L'intention est importante dans la pratique bouddhique. Hors que ce passe t-il si un groupe de pratiquant se réunit dans un lieu dans une même intention de pratique ? Quand des pratiquants, une Sangha, se réunie pour méditer ensemble selon une même méthode spécifique, chanter ensemble le même chant, pratiquer ensemble la même marche méditative en cercle les uns derrières les autres, tous écouter la même lecture d'un enseignement ? Il y a une intention commune non ? Une présence commune. Une pensée, un état d'esprit commun. N'est-il pas logique qu'il y ai production de karma "collectif" ? Donc la rétribution se fera un jour de manière collective ?
Prenez dans une église chrétienne ou un coeur chante du gospel, l'intention qu'ils mettent tous dans ce chant, l'énergie que cela dégage et dont on voit immédiatement l'effet : le rythme qui se propage dans l'assistance, les auditeurs tantôt se dandinant en rythme, tantôt tapant des mains ou chantant en accompagnement. Il y a une émotion partagée, propagée, une communion. Et même si ce n'est pas de la pratique bouddhique ne pensez vous pas qu'il y ai production de quelque chose de collectif pendant cet événement et ayant des répercussion ensuite sur l'assistance bien après la fin de la célébration ?
Je prends un exemple hypothétique : nous tous ici qui dialoguons sur un forum, sur le Dharma. Jusqu'a preuve du contraire, dans cette vie, aucun de nous n'a rencontré un des autres physiquement (a moins bien sûre que certains d'entre vous se soient déjà rencontré irl mais ça je l'ignore). Pour les besoins de l'exemple partons du principe qu'aucun de nous ne s'est jamais rencontré en face à face irl.
Maintenant, et si le fait que nous nous rencontrions ici, sur la toile, dans ce forum, à échanger à distance sur la dharma n'était que la rétribution d'un karma collectif que nous avons déjà partagé dans une précédente manifestation ?
Peut être qu'il y a mettons 1500 ans Jules et moi avons eu des échanges épistolaires fructueux, sans jamais nous rencontrés, sous d'autres latitudes et dans d'autres religions qui sait ? Peut être que, il y a 500 ans, Ted et moi avons aussi eu une relation épistolaire fructueuse de même type, idem pour Circé. Et que ces diverses relations ont produit un "karma" qui se manifeste maintenant, nous réunissant tous depuis quelque mois, sur la toile dans un même "communauté" de "destin" ou de rétribution de karma collectif ? Un effet collectif fruits des causes similaires émaillées dans le temps entre nous et qui se "cristallise" ou se "coagule" en un effet unique maintenant à notre époque. Et d'ailleurs peut être produisons nous encore en ce moment un karma qui fait que, dans 500 ou 1000 ans, allez savoir comment et ou, nous serons de nouveau réunis pour discuter ensemble de spiritualité, sans savoir le moins de monde que nous nous sommes déjà rencontrés par le passé sous d'autres formes ?
Et si l'on y pense, qu'est ce que le Web si ce n'est un vecteur démultiplicateur de karma ? Tout ce que vous pensez, dite et faite peut avoir un effet karmique démultiplié (en bien comme en mal) grâce à la toile. Il y a 500 ans si je disais quelque chose à mon voisin, le cercle de l'effet n'allait pas bien loin, un pâté de maison ? Un quartier au mieux ? Maintenant ce que je dis peut être lu et impacter des milliers voir des millions de gens !
Vous mesurez l'outil à la fois terriblement puissant et dangereux que le web représente ? Je peux avoir un effet karmique immense aussi bien en "bien" qu'en "mal". Et donc une rétribution semblable. Imaginez les effets dévastateurs karmiques d'une personne mentant sciemment sur la toile et faisant gober son mensonge à des milliers voir millions de gens ? Imaginez l'effet karmique extraordinaire d'un homme de bien, d'une parole sage, d'espoir et de compassion, répercutée sur la toile et touchant le cœur de milliers et millions de gens ?
La toile ne serait-il pas un moyen de rendre "visible", de concrétiser cette "dimension ultime" de karma interconnecté dont je parle plus haut ? Car justement la toile transcende les frontières, elle est libérée de beaucoup de contraires (ce qui embarrasse bien des états d'ailleurs).