Hakuin indique ici que la pratique graduelle, jusqu'au principe de différentiation des éveillées, est comme une fleur qui éclot. Le fruit de cette pratique est de "faire ce qui doit être fait", c'est à dire "se rendre au marché avec des mains secourables" qui est l'activité du Bodhisattva pleinement éveillé. Il insiste sur le fait qu'il n'est pas possible de voir cela "même en rêve à moins d'avoir passé les dernières étapes de transcendance de notre école". Ce point important montre que, pour Hakuin, il est quasiment impossible d'atteindre le fruit sans faire éclore la fleur au préalable. Ceci signifie que l'accès au 8ème tableau n'est pas à la portée de n'importe qui ("même en rêve" !). Hakuin met donc en garde contre l'idée que l'on soit naturellement éveillé et qu'il suffirait, en quelque sorte, de s'asseoir "sans effort" (qui est la voie subite) pour se comparer à un Bodhisattva de la 10ème Terre.Hakuin a écrit :On pourrait dire que connaître par la voie de la différentiation est comme la fleur du plein éveil : la pratique est cette fleur qui éclot. D'un autre côté, connaître et "faire ce qui doit être fait" est fruit qui mûrit. Il ne vous est pas possible de voir cela même en rêve à moins d'avoir passé les dernières étapes de transcendance de notre école. C'est pourquoi il est dit qu'au dernier mot vous arriverez enfin à la barrière impénétrable.
Et donc, il insiste ici sur le travail des kôans et l'application de la voie graduelle, en quelque sorte, car c'est sans aucun doute le moyen le plus sûr de ne pas se tromper. Hakuin ne nie pas l'aspect subitiste, mais il met en garde les pratiquants de choisir le "sans effort" comme si c'était la voie naturelle. Elle n'est naturelle que pour ceux qui disposent d'un karma favorable, c'est à dire ceux qui ont — dans leurs vies "antérieures" — pratiqués "la sphère du perfectionnement". Bien entendu, Hakuin privilégie la méthode "Rinzaï", dont il fut le réformateur. Il ne nie pas la réalisation subite, mais il la conditionne, en quelque sorte, à une pratique de perfectionnement préalable.La direction ne se trouve pas au moyen d'explications verbales. Si vous voulez atteindre ce lieu, raffinez la voie subtile de l'observation-discernement par la différentiation en travaillant les kôans qui sont si difficiles à pénétrer. Faites fondre dans le haut-fourneau des centaines et des centaines de fois. Même si vous avez pénétré plusieurs kôans, répétez l'opération encore et encore, cherchant méticuleusement quel est ce petit joyau de vérité au-delà de toutes les conventions dans cette grande affaire de transcendance. Si vous ne cessez d'avancer dans votre examen des paroles des Anciens, un jour vous connaîtrez cette petite merveille.
Ce point est capital. Aucun progrès sensible ne peut exister sans l'aide d'un maître éveillé. Sans le maître, toute pratique est vouée à l'échec. Beaucoup d'adeptes estiment qu'ils n'ont pas besoin de maître et qu'il leur suffit de faire zazen ou "méditer" sur les sensations corporelles, leurs pensées... en lisant quelques traductions de sutras glanées sur le net. Non seulement cette pratique ne mène nulle part, mais elle est de tous les dangers car l'adepte se surestime et ne trouve pas ses propres limites. Il est comme un oeil qui chercherait à se voir. Sa pratique demeure dualiste et il se fourvoie indéfiniment.Mais quand même, si vous ne cherchez pas un maître éveillé et n'entrez pas personnellement dans sa forge, vous ne serez pas capable de sonder les profondes subtilités. Le seul ennui est que les maîtres authentiques du Zen sont extrêmement rares et il est difficile de les trouver.
Cela étant, Hakuin fait le constat que les maîtres authentiques sont rares. Ce constat est bien sûr valable de nos jours. Mais si les maîtres sont rares, cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas et donc faire comme s'ils n'existaient pas. Il est difficile de les trouver, mais cette recherche du maître fait partie de la pratique. C'est même l'essentiel de la pratique.
Et donc, si l'on s'applique à rechercher un maître, celui-ci apparaîtra car "quand l'élève est prêt, le maître apparaît". Et alors, la mise en pratique de la Voie devient aisée et conduit à la libération.Mais si quelqu'un s'applique en ceci avec la plus grande énergie et parvient à une pénétration claire, il atteint la liberté dans toutes les voies, transcende les domaines des Bouddhas et des démons, résout les points de friction, supprime les chaînes, arrache les clous et les chevilles et conduit les gens à la sphère de la pureté et de la tranquillité.
Ce passage ne nécessite pas de commentaires.Ceci est appelé le "connaître nécessaire à l'accomplissement de l'action". Il est associé à la direction nord et est appelé la porte du nirvana. C'est comme lorsque le soleil est au nord, qu'il est minuit et que le monde est plongé dans l'obscurité. Atteindre cette sphère de connaître n'est pas à la portée de la compréhension - même le Bouddha ne peut voir, encore moins les étranger et les démons. C'est l'état tout à fait paisible de la pure réalité des Bouddha et des patriarches, le buisson de ronces où les moines aux robes rapiécées s'assoient, s'étendent et marchent vingt quatre heures par jour. On l'appelle "le grand nirvana" plein des quatre attributs (soi, pureté, béatitude, éternité). Il est aussi appelé "connaître la nature essentielle de l'univers" où les quatre façons de connaître sont pleinement accomplies. Le centre signifie l'harmonisation des quatre façons de connaître dans un tout, et la nature essentielle de l'univers signifie le roi de l'éveil, le maître des enseignements, et étant roi du Dharma, libre de toutes directions...
Voilà donc ce que sont les 4 portes du Connaître de l'esprit éveillé. En espérant que mes commentaires auront permis d'éclairer le lecteur sur le sens de la pratique dans le Zen Rinzaï.