Shalistamba a écrit :non, non et non ou du moins pas forcément
J'avais précisé "généralement". Je sais bien qu'il existe des phénomènes de décompensation telles que les "bouffées délirantes" qui peuvent ne plus jamais se reproduire et le patient va bien par la suite. Se prendre pour Jésus Christ ou Napoléon, même si c'est temporaire, c'est tout de même inquiétant quand ça arrive. Cela étant dit, je sais — hélas par expérience puisque j'ai un fils schizophrène — qu'il existe un protocole qui permet de distinguer une simple bouffée délirante d'une psychose installée, mais soit, j'ai bien compris qu'en ce qui te concerne, tu ne te classais pas dans les rangs des psychotiques. C'est plutôt rassurant
C'est pourquoi dans le soto on se méfie du Kensho, non pas parce qu'il n'existe pas mais parce que, en l'absence d'un maître qui a lui même fait l'expérience du Kensho, il n'est pas possible de distinguer le Kensho de Makyo. Dans le récit que fait Dogen de son propre Kensho, et malgré le fait qu'il ait été authentifié par son maitre, il me donne l'impression de douter de son propre kensho. Je peux te donner un grand nombre de citations qui vont en ce sens.
Je ne sais pas la lecture que tu as de Dôgen — et sans doute es-tu plus documenté que moi dans ce registre — mais je n'ai pas connaissance que Dôgen ait douté de son kensho ou satori. Dommage que Flocon, qui fréquentait ce forum, ne soit pas là (du moins en ce moment), mais elle connaît très bien Dôgen (elle lit le chinois et le japonais) et pourrait te garantir qu'il n'a jamais douté de son kensho/satori. Et du reste, on ne peut pas douter du kensho si on l'a vraiment. Si l'on doute, c'est que ce n'est pas un kensho, tout simplement ; et en soi c'est déjà un signe révélateur. De fait, on ne rencontre pas le maître pour qu'il nous éclaire sur notre propre réalisation quand on a le kensho, mais pour lui dire (lui montrer) que c'est fini : la barrière entre lui et nous est tombée. Le maître se retire et tu passes la "porte sans porte". C'est le sens de la transmission d'esprit à esprit. Bien sûr, un kensho n'est pas suffisant parce qu'il n'est pas libérateur, ce qui implique qu'on aura sans doute encore longtemps besoin d'un maître, mais dans le principe, ça ne change rien : kensho et satori sont identiques en ce qui concerne la certitude (la fin du doute).
Le maitre que je fréquente laisse entendre qu'il n'a pas eu le kensho, comme Shunryu Suzuki, d'ailleurs.
Je ne suis pas certain que Shunryu Suzuki n'ait pas eu le kensho. Le fait qu'il déclare (de mémoire car je n'ai pas le texte sous les yeux) au journaliste/philosophe (dans la préface) que le satori n'est pas la chose sur laquelle il convient de s'étendre n'indique pas qu'il ne l'a pas eu. Seule la femme de Suzuki le dit, mais d'après le texte, c'est sur le ton de la plaisanterie. Le philosophe/journaliste dit ensuite que Shunryu Suzuki ne parle jamais du satori dans ses entretiens (le livre "esprit zen, esprit neuf"), ce qui est faux. Suzuki évoque souvent le terme d'"illumination" et si ce n'est pas de satori ou de kensho qu'il parle, je veux bien me faire moine.
Tu ne peux pas mettre Chritophe André et Roland Rech dans le même sac ni même Mathieu Ricard, simplement parce qu'ils sont amis.
Dans l'émission "Sagesse Bouddhiste", ils sont ensemble sur le même plateau. Le sac, ici, c'est l'émission et il ne fait aucun doute qu'ils y étaient tous les deux. Quant à Matthieu Ricard, s'il n'était pas dans l'émission de Sagesse Bouddhique, il était avec Christophe André dans l'émission "la tête au carré" à propos du bouquin de réflexion qu'ils partagent avec le philosophe Alexandre Jollien. Je n'ai pas lu le bouquin (et sans doute ne le lirais-je jamais), mais ce n'est pas du même acabit que "le moine et le philosophe", que Matthieu Ricard a réalisé avec son père, parce que là, il y avait une opposition de vues. Mais bon, je veux bien reconnaître que les intérêts de MR ne sont pas nécessairement ceux de AC ni même de AJ, mais leur collaboration n'est pas de nature à faire la part de ce qui relève du Bouddhisme, de la thérapie ou encore de la philosophie. C'est un peu de tout et quand il y a confusion, j'appelle ça du new age.
Pourtant faire l'expérience de la vacuité n'est pas difficile mais c'est plutôt une profondeur supplémentaire.
Nous ne devons pas parler de la même vacuité. Celle qui est associée à Prajna dans le Dharmakaya n'est pas une expérience si simple à faire. Je crois qu'on peut compter ceux qui la font "sur les doigts d'un moignon" (façon de dire que c'est très rare).
Sönam a écrit :On parle de "conscience intrinsèque" ... par rapport au autres consciences (sens, alaya ...)
Je ne connaissais pas cette expression et ne sait pas trop ce qu'elle recouvre. Désolé de ne pas comprendre son lien avec le Dharmakaya.
Dans le dzogchen, là aussi, l'éveil est la reconnaissance du dharmakaya par lui-même (bien que ce ne soit pas exprimé de la même façon).
"Au moment précis du surgissement de la conscience intrinsèque de la base, « les huit apparitions spontanées de la base » apparaissent naturellement. À ce moment, en n’appréhendant pas ces apparitions comme autres et en les réalisant comme rayonnement naturel [ou radiance spontanée] (gDangs) avec un esprit pur (gZu-Bo’i Blos), les mouvements (‘Gyu-Ba) de la conscience intrinsèque cessent d’eux-mêmes. Dans un premier temps, en réalisant l’essence propre des apparitions spontanées, la réalisation du sens véritable se développe … Dans un deuxième temps, les illusions sont dissipées et la perfection de sagesse primordiale se développe. C’est le développement de la base elle-même en tant que résultat de l’illumination. Cela s’appelle la ré-illumination [ou auto-libération] par la réalisation de l’essence, la bouddhéité primordiale. Avoir dissous les apparitions spontanées dans la pureté primordiale et être devenu illuminé en la base avant tout, s’appelle également Le seigneur de la bonté universelle [le bouddha primordial]."
Ok, je comprends un peu mieux ce qu'on entend par "conscience intrinsèque" dans le Dzogchen ; je pense qu'il s'agit de la
reconnaissance du Dharmakaya par lui-même. Cette reconnaissance est effectivement consciente (elle se fait dans la conscience) mais est en réalité le fait de Prajna (sans laquelle il ne peut y avoir de reconnaissance), car Prajna est spontanée dans le Dharmakaya et non dans la conscience ; Prajna est dans la conscience quand il y a éveil (à sa nature de Bouddha) et non avant.
Une base ne veut pas dire la seule base, mais la même base.
Je ne contredis pas cela. Mais la même base ne veut pas dire une base commune. Par exemple, tous les hommes naissent d'un père et d'une mère (le principe est le même pour tous) mais tous les hommes n'ont pas le même père et la même mère.