Dharmakaya

FA

Rien ne ressemble plus à un Dharmakaya qu'un autre Dharmakaya, mais si on disait par là que ces Dharmakayas sont identiques, on commettrait l'erreur de croire (comme le rappelle Dumè) que si un Bouddha s'éveille, on doit tous s'éveiller en même temps: ce n'est pas le cas. Chacun possède son propre continuum conscient, sa propre base, qui a exactement la même saveur que n'importe quelle autre base. Mais ça n'en fait pas une seule et unique base pour tous les êtres. Sinon on est dans une vue hindoue.
Je crois que la différence entre l'idéalisme mahayaniste, et l'hindouisme est bien exprimé ici. Le Dharmakaya n'est pas une entité immuable, éternelle, mais pour emprunter un concept scientifique un "Invariant" ; un processus dynamique impermanent, et singulier pour chaque être, invariant en tant que potentialité, à la portée de chaque être humain.
Dumè Antoni

shalistamba a écrit :Dans ce cas, accepte à nouveau mes excuses. C'est la deuxième fois que tu tronques un texte. J'ai donc cru, un peu vite, à de la malhonnêteté de ta part.
Le texte du kôan Mu n'était pas tronqué, si c'est à ce texte que tu fais référence concernant la "première fois". Dans le Rinzaï, c'est sur le "Mu" que porte le doute. La question du karma vient en second. Je me suis contenté de donner les deux réponses de Joshu "en l'état" puisées dans le Ou-mêm-kouan, le texte de référence dans le Rinzaï où le Mu est le 1er kôan, sans chercher à donner la solution. Je connaissais bien sûr la version avec le "U", mais elle ne servait pas mon argument, ici, et n'est par ailleurs pas du tout au programme dans le rinzaï, à ma connaissance. Ce n'est donc pas une question de malhonnêteté car je ne retirais rien au sens initial du kôan. L'approfondissement du kôan (pourquoi Mu ? Quel est l'âge de Mu ? Coupez Mu en deux ? Que fait Mu en attendant le train...) vient de la pratique rinzaï et n'est pas à philosopher. Tu observeras que ce kôan n'est pas limité aux versions textuelles mais contient tout une série de kôans secondaires pour tester la véritable compréhension de l'élève (à qui le kôan initial est soumis). Si être honnête revenait à donner le texte intégral, alors il aurait fallu donner les kôans secondaires. Ce n'était pas l'objet. Il faut aussi comprendre que la façon dont sont travaillés les kôans dans le Rinzaï diffère de la façon dont ils sont travaillés dans le Sôtô (où ils sont commentés).

Cela étant, j'accepte tes excuses.
Je te déconseille donc de tronquer les citations.
Euh... on n'est pas en fac de philo ; je ne passe pas un examen. Je n'ai par ailleurs pas trahi l'esprit du kôan ni de Lin Tsi, que je sache.
Si je m'en prends uniquement à toi, c'est uniquement parce que ça fait un moment que je lis ce que tu écris. J'apprécie ce que tu écris mais je me demande pourquoi j'ai parfois une réaction épidermique à te lire. Je suis un novice et ça vient certainement de moi. Un troll n'est q'un flux de pensée réactif. Je le laisse ce flux s'exprimer sur ce forum avec curiosité. Si cela vous dérange, dites le moi et je laisserais ce flux s'éteindre de lui-même.
Je suis désolé d'éveiller en toi de tels sentiments, mais je ne pense pas que je doive en supporter les frais. Ce n'est pas très normal, non ?
Le fait de mettre en avant ses 39 années de pratique n'est pas pour moi un argument.
Je n'ai pas pour habitude de mettre en avant mes années de pratique, mais elles sont pour moi un argument parce que je n'ai pas pratiqué seul mais dans le cadre d'un sangha avec un maître qualifié régulièrement ordonné. Je ne veux pas polémiquer, mais j'aurais bien aimé que le Sôtô en France ait pu être enseigné autrement qu'il l'a été et qu'il l'est encore. Par ailleurs, le Zen, c'est pas comme la philo ou les maths ; ça ne se comprend pas avec la tête (même s'il faut aussi comprendre avec ça). Ça nécessite donc de longues années sur le zafu. Ce sont ces années sur le zafu qui font le plus souvent défaut aux jeunes novices qui pensent avoir compris les Patriarches ou les maîtres simplement en les lisant. Ça ne marche pas comme ça.
Eido Shimano a du se retirer après 50 années de pratique à la suite de plaintes le décrivant comme un psychopathe. J'ai découvert cette histoire alors que je lisais Vent Doré. J'ai eu une réaction épidermique en lisant ce texte et en trois clics je suis tombé sur l'article Zen predator... Je ne prétends pas que tu es un psychopathe. Je te demande seulement d'argumenter autrement que par des insultes et de ne pas tronquer les textes.
Je trouve que tu es un peu gonflé, cela dit sans vouloir t'offenser. Tu es gentil de ne pas me considérer comme un psychopathe, mais tu as quand même soutenu que je venais décompenser sur les forums et que "je planais à 100 mille". En clair, tu ne me prends pas pour un psychopathe mais pour une sorte d'illuminé ou névrosé (alcoolique peut-être), que le sangha devrait éliminer de ses rangs. Et après, tu veux que je ne me plaigne pas, que je fasse preuve de patience à ton égard ?... Par ailleurs, quand je réagis avec fermeté, c'est parce que je considère certains propos erronés comme des insultes au Bouddhisme et qui doivent être condamnés sans réserve. C'est ainsi que fonctionnent tous les maîtres zen et bouddhistes authentiques. La patience (je te l'ai dit mais je te la rappelle) ne s'applique jamais aux vues fausses. Tu peux peut-être dire que je n'ai pas une meilleure vue que la tienne, sauf que j'ai 39 ans de pratique, dans le cadre d'un sangha, avec un maître qualifié, et que ma vue a été régulièrement confrontée à ce dernier et jugée par celui-ci comme "profonde". Je ne m'en vente pas : je dis ce qui est comme tu dis que tu as eu 18 en philo ou que d'autres ont reçu la confrontation à un maître en Dzogchen pour Rigpa. Ça ne fait pas de moi un éveillé libéré, mais je sais reconnaître un corbeau d'une colombe, et quand on me dit que la colombe est noire et le corbeau blanc, je dis que c'est des conneries. C'est pas plus compliqué que ça.
Je te remercie de ne pas m'ignorer. Je suis un humble novice et qui aimerais bien bénéficier de tes lumières.
Je t'ai retiré de ma liste des ignorés ; quant à mes "lumières", elles ne sont pas suffisamment éclairantes pour te guider sur le sentier. Je te conseille vivement de te rapprocher d'un maître qualifié pour être sûr de ne pas te tromper. Ici, c'est juste un forum ; ce n'est pas une école bouddhiste, pas un sangha. On discute et rien d'autre. Je peux aussi apprendre de toi.
Je pense avoir eu l'expérience du kensho mais je ne souhaite pas m'illusionner sur ma pratique.
Tu n'es certainement pas fait cette expérience car alors tu saurais que tu ne pourrais pas t'illusionner sur ta pratique. Par ailleurs, si tu ne me crois pas, confronte ta vue à un maître qui a déjà eu le kensho. En France, je n'en connais qu'un.
Si je me trompe (je ne parle pas du kensho mais du reste) je vous remercie de me le dire gentiment.
Je pense que tu te trompes concernant le kensho (même si ce n'est pas sur ce sujet que tu voudrais qu'on te le dise), et je te le dis gentiment.
Sönam a écrit :J'avoue être aussi étonné ... il se fait que c'est toi qui a initialisé ce fil avec une forte teneur philosophique (explication de plusieurs dharmakaya ... etc.) et me concernant mes réponses ont largement évité une quelconque volonté de débat philosophique, point sur lequel il semblerait que nous ne soyons pas en désaccord.
J'en parle parce que c'est la deuxième fois, en ce qui me concerne, que tu parts pratiquement en claquant la porte ...
Ce n'est pas contre toi ni à cause de toi que je ne souhaite pas m'engager dans un débat philosophique. Je l'annonce depuis le début et ce n'est certainement pas de la philosophie que je faisais. Je pense que j'ai dit, concernant le Dharmakaya et le reste, tout ce que j'avais à dire et il n'y a pas lieu d'en dire davantage en ce qui me concerne. Mais si tu veux juste une petite remarque, je dirais que le point de vue "absolu" duquel tu te réfères pour dire que le Dharmakaya ne peut pas être propre à chacun n'est pas une vue bouddhique pour moi (je me suis expliqué sur ce point dans ce fil et je t'invite à le lire). Après, tu penses comme tu veux.
shalistamba

Le Dalaï Lama n'est pas Taistu Kohno Roshi ou encore Dôgen. Ils sont trois personnes différentes, vivant à des époques différentes, s'adressant à des gens différents et donc de karmas différents. Pourtant, le DL comme TKR ou encore Dôgen peuvent être vus comme l'émanation, en des lieux différents, d'Avalokiteshvara.
Pour moi, ce n'est pas de la spéculation philosophique. Il suffit de lire les textes, notamment Le sûtra du Lotus

"L'eveillé déclara: (...) Je me présente moi-même en des lieux variés sous des noms et des âges divers"

"Câriputra, il te faut savoir que j'ai à l'origine établi un vœu,
m'engageant à rendre l'ensemble des êtres égaux à moi, sans différence"

Je ne cache pas que le sûtra du Lotus parle également d'une grande variété de Bouddhas. Il n'est pas question d'un continuum de conscience, ni d'un Soi mais d'une pluralité de Bouddhas prêchant dans une myriade de mondes. Peut-être que ces bouddhas ont des dharmakayas différents. Le texte insiste plutôt sur leur identité réciproque
Je connaissais bien sûr la version avec le "U", mais elle ne servait pas mon argument, ici,
Dans le texte intitulé La nature de l’Éveillé [Busshô] dans le Tome 3 du Shobogenzo, Dogen présente les deux aspects (je te renvoie au texte que je tronque à mon tour)
A propos de Mu "C'est justement ce il n'y a pas qui doit un jour fondre la pierre"
A propos de U "l'il y a du chiot est l'il y a de la nature de l'Eveillé"
On peut difficilement être plus clair.
j'aurais bien aimé que le Sôtô en France ait pu être enseigné autrement qu'il l'a été et qu'il l'est encore.
Je n'en doute pas. Le soto en France n'est pas à l'abri des critiques. Je n'ai rien contre le Rinzaï. J'aime beaucoup Philip Kapleau.

En revanche, Dans ma ville j'ai deux dojos zen soto (mais aucun dojo zen rinzaï) et j'habite à moins de 50km de la gendro et l'été je vais dans un centre zen Soto qui accueille mes enfants. Je suis impliqué dans mon dojo. Nous organisons des journées portes ouvertes et nous évitons de dire à ceux qui disent venir pour du développement personnel, ou même qui ont le cheveux longs qu'ils sont de la "fange new-age". Deshimaru acceptait tout le monde. Être bienveillant avec le novices (y compris les Trolls qui ne manquent pas) est la moindre des choses.
shalistamba

Je te conseille vivement de te rapprocher d'un maître qualifié pour être sûr de ne pas te tromper. Ici, c'est juste un forum ; ce n'est pas une école bouddhiste, pas un sangha.
Je fréquente un maître. Ses Kusen, teichos et mondos, coulent de source. Je n'ai rien à discuter. Ce n'est pas de la philo, seulement la pratique, le déploiement du cœur de l'éveil, le zazen, le samu et rien d'autre. Pendant une Seisshin nous parlons très peu (en tout cas, j'essaye de parler le moins possible). Il n'y a pas de discussion philosophique. Pour moi c'est parfait. Je ne recherche pas la polémique. Les forums ne m’intéressent pas trop.
shalistamba

Tu n'es certainement pas fait cette expérience car alors tu saurais que tu ne pourrais pas t'illusionner sur ta pratique.
Honnêtement, je ne sais pas. Je constate que sur internet, il y a un paquet d'illuminés qui frisent l'autisme (ils pensent qu'ils sont les seuls au monde à avoir eu le kensho) et passent leur temp à dire que les autres sont des "fake". Ce qui me fait dire que j'ai eu le kensho c'est qu'avant cette expérience j'allais au dojo à reculons et que depuis je pratique assidument. (J'ai limite honte mais) j'ai fait cette expérience bizarre au bout de 10 minutes du premier zazen de ma première seishin. Ca été tellement violent que je suis tombé dans les pommes mais ce n'est pas ça le kensho, je le date du moment ou j'ai entendu ma tête toucher le sol (comme si elle avait touché une cruche et j'ai eu le sentiment que ce n'était pas la cruche qui était vide -je fais référence a un koan que tu connais certainement) après ça sentiment de tout voir différemment (en mieux), sentiment d'humilité et de gratitude et d'avoir tout à apprendre ou a réapprendre. C'est très curieux. Si ce n'est pas le kensho, je m'en fout. ça n'a aucune importance pour moi. L'important c'est la grande affaire.
Dumè Antoni

shalistamba a écrit :Pour moi, ce n'est pas de la spéculation philosophique. Il suffit de lire les textes, notamment Le sûtra du Lotus
Dans les monastères Rinzaï, il est interdit de lire des textes, en particulier des sutras, avant le kensho. Je suis à 100000 % d'accord avec cette précaution, parce que les sutras ne sont pas compréhensibles sans la Vue Juste, et la Vue Juste est kensho. Le kensho est la seule clé valide de lecture d'un sutra. Si l'on n'a pas le kensho et que l'on souhaite étudier les textes, il convient de le faire avec l'aide d'un maître qualifié à qui l'on propose, en entretien privé (sanzen dans le Rinzaï), sa propre compréhension. Les kôans ont été inventés (au XIème siècle) en alternative aux sutras parce qu'ils sont plus faciles à retenir (ils sont surtout moins long) et traitent de différents aspects du Dharma en lien avec la Triple Discipline. Le passage des kôans dans le Rinzaï revient à traiter différents kôans, par ordre de difficulté, mais le passage d'un kôan n'est pas nécessairement l'équivalent du kensho.
Je ne cache pas que le sûtra du Lotus parle également d'une grande variété de Bouddhas. Il n'est pas question d'un continuum de conscience, ni d'un Soi mais d'une pluralité de Bouddhas prêchant dans une myriade de mondes. Peut-être que ces bouddhas ont des dharmakayas différents. Le texte insiste plutôt sur leur identité réciproque
Dans le contexte, je pense qu'il faut parler de Nirmanakayas. Ces Bouddhas diffèrent par leur type d'apparition. Un Nirmanakaya peut prendre n'importe quelle forme, dès lors que celle-ci peut servir à transmettre le Dharma (cette transmission étant, par ailleurs, l'expression spontanée de la Compassion Infinie). L'identité réciproque, ça peut être Avalokiteshvara (Tchenrezi dans le BT ou Kannon dans le Zen) ou Maitraya ou Amida (Amitabha)...
Je n'ai rien contre le Rinzaï. J'aime beaucoup Philip Kapleau
Kapleau n'était pas un adepte du Rinzaï mais du sôtô. Il a, en revanche, étudié les kôans selon la méthode Rinzaï (parce que le maître de son maître avait étudié dans un monastère Rinzaï). Je crois que, par la suite, il s'est séparé de Yasutani Roshi (son maître direct) et qu'il a fondé sa propre école, mais je ne sais pas à quelle branche du Zen celle-ci se rattache vraiment. Je crois qu'elle est une sorte "d'électron libre".
Nous organisons des journées portes ouvertes et nous évitons de dire à ceux qui disent venir pour du développement personnel, ou même qui ont le cheveux longs qu'ils sont de la "fange new-age". Deshimaru acceptait tout le monde. Être bienveillant avec le novices (y compris les Trolls qui ne manquent pas) est la moindre des choses.
Deshimaru acceptait tout le monde parce que ce "tout le monde" constituait son fond de commerce. Ce n'est pas un reproche parce que les centres zen ou les monastères n'ont pas d'autres choix, s'ils veulent survivre, que d'organiser des stages avec un maximum de monde. Cela étant, ce n'est pas parce qu'on accepte tout le monde que l'on doit reconnaître les idées de tout le monde comme valides du point de vue du Dharma. Au centre de la Falaise Verte, sont organisés toutes sortes de stage de développement personnel ou autres, mais Jyoji (le maître des lieux) ne dit pas oui à toutes sortes d'idées (ou interprétations) quand il reçoit des élèves en sanzen (entretien privé). Il ne faut pas confondre être bienveillant avec les gens, quels qu'ils soient, et l'acceptation des (ou de leurs) idées erronées. S'il acceptait les idées erronées, il serait un très mauvais maître.
Tu n'as certainement pas fait cette expérience car alors tu saurais que tu ne pourrais pas t'illusionner sur ta pratique.
Honnêtement, je ne sais pas. Je constate que sur internet, il y a un paquet d'illuminés qui frisent l'autisme (ils pensent qu'ils sont les seuls au monde à avoir eu le kensho) et passent leur temp à dire que les autres sont des "fake". Ce qui me fait dire que j'ai eu le kensho c'est qu'avant cette expérience j'allais au dojo à reculons et que depuis je pratique assidument. (J'ai limite honte mais) j'ai fait cette expérience bizarre au bout de 10 minutes du premier zazen de ma première seishin. Ca été tellement violent que je suis tombé dans les pommes mais ce n'est pas ça le kensho, je le date du moment ou j'ai entendu ma tête toucher le sol (comme si elle avait touché une cruche et j'ai eu le sentiment que ce n'était pas la cruche qui était vide -je fais référence a un koan que tu connais certainement) après ça sentiment de tout voir différemment (en mieux), sentiment d'humilité et de gratitude et d'avoir tout à apprendre ou a réapprendre. C'est très curieux. Si ce n'est pas le kensho, je m'en fout. ça n'a aucune importance pour moi. L'important c'est la grande affaire.
On ne peut pas empêcher les gens de s'exprimer sur Internet et si certains affirment avoir eu le kensho, on n'est pas forcé de les croire. La seule façon de ne pas se tromper, c'est de confronter sa propre Vue (car le kensho est la Vue Juste, au sens d'une réalisation (sapientiale) et d'une expérience (visionnaire) qui est la disparition de l'esprit = anatman) à un maître qui sait (qui a eu kensho) et qui connaît les moyens (par des questions clés très particulières) de faire la part de ce qui est "fanstasmagorique", c'est à dire qui ressort du makyo, de ce qui ressort réellement du kensho* (car le kensho ne se voit pas sur la figure). Sans vouloir dénigrer les maîtres sôtô issus de l'AZI, je pense qu'aucun ne sait ce qu'est le kensho. La preuve étant qu'ils réfutent le kensho. Or, on ne peut pas réfuter ce qu'on a (son propre dharmakaya), comme on ne peut pas réfuter qu'un corbeau est noir et qu'une colombe est blanche. Je pense que ton expérience est de l'ordre du makyo. Un makyo n'est pas une mauvaise expérience à rejeter ; au contraire, il signe un état de profonde concentration (samadhi) qui est une étape "classique" (j'allais dire "mécanique") sur le sentier. Nous avons tous, à des degrés divers, des expériences plus ou moins magnifiques, belles, que l'on a envie de reproduire parce qu'elles sont — parfois — bien plus puissantes que celle du rapport amoureux. Mais on ne doit pas confondre un makyo avec kensho. Les expériences (ravissements) d'une Sainte Thérèse d'Avila ou d'un Saint François d'Assise sont considérées comme des makyo pour le Zen ; elles ne sont pas pour autant de mauvaises expériences, mais ne sont pas des kensho. C'est pourquoi, l'on ne peut pas mettre dans le même panier le Bouddhisme avec les religions monothéistes (éternalistes). Ce sont des expériences très différentes, qu'on ne peut pas comprendre si on ne les a pas faites. Tout le monde est capable d'entrer en samadhi, parce que c'est une conséquence nécessaire et naturelle de la concentration — et l'on peut penser que tout le monde sait se concentrer, avec plus ou moins de facilité —, mais tout le monde ne peut pas avoir le kensho en respectant une méthode particulière. C'est quelque chose de très différent.

* : voir l'histoire de Yamanashi (dans le forum zen de Nangpa)
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Dharmadhatu
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jap_8 Merci Sönam pour ces références qui confirment ce que nous disons tous les deux. Contrairement au malentendu que nous avions sur le type d'espace que nous discutions autrefois, je ne pense pas qu'il y ait cette fois-ci de malentendu: la base n'est pas la base de tout (à moins de parler de la base de tout sakyapa, en tant que continuum causal. Cf. Meditation on the Nature of Mind et L'Art de la sagesse de S.S. le Dalaï Lama.)

Je viens de relire certains passages de Dzogchen et Tantra et Namkhaï Norbu est formel, l'essence pure est shunyata, or le Dharmakaya est le fruit, c'est donc rigpa dans son plein épanouissement. Si rigpa a une essence vide (shunya), le Dharmakaya se doit d'être d'essence vide aussi. Sauf qu'à mon avis, quand Namkhaï Norbu dit que le Dharmakaya échappe à toute caractéristique, il parle depuis l'intérieur, depuis l'expérience même du Dharmakaya, car s'il devait y avoir quelque caractéristique que ce soit depuis l'expérience du Dharmakaya, alors ça ne serait pas le Dharmakaya. Par contre, du point de vue extérieur, quand on cherche à décrire le fruit, il faut bien énoncer des caractéristiques, ces mêmes caractéristiques trouvées dans les Sutras et les Shastras (comme l'Abhisamayalamkara ou l'Uttaratantra (section vimala tatatha) de Maitreya et Asanga).

Si on ne pouvait pas du tout connaître un chouilla de ce qu'est le fruit, comment nous mettrions-nous en chemin vers ce fruit (bodhichitta d'aspriation et d'application) ? Qui serait assez fou pour faire ses bagages et se mettre en chemin vers une destination dont il ne connaît rien, pas même l'existence ?

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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FA a écrit :
Rien ne ressemble plus à un Dharmakaya qu'un autre Dharmakaya, mais si on disait par là que ces Dharmakayas sont identiques, on commettrait l'erreur de croire (comme le rappelle Dumè) que si un Bouddha s'éveille, on doit tous s'éveiller en même temps: ce n'est pas le cas. Chacun possède son propre continuum conscient, sa propre base, qui a exactement la même saveur que n'importe quelle autre base. Mais ça n'en fait pas une seule et unique base pour tous les êtres. Sinon on est dans une vue hindoue.
Je crois que la différence entre l'idéalisme mahayaniste, et l'hindouisme est bien exprimé ici. Le Dharmakaya n'est pas une entité immuable, éternelle, mais pour emprunter un concept scientifique un "Invariant" ; un processus dynamique impermanent, et singulier pour chaque être, invariant en tant que potentialité, à la portée de chaque être humain.
jap_8 A part le fait que je (prétends) place(r) mon propos dans la perspective madhyamika, ce résumé me semble approprié. En effet, si on devait lire de travers un passage des Souhaits de Kuntouzangpo "Une base, deux voies, deux destinées, magie de lucidité et d'ignorance...", on prendrait "Une base" comme étant une seule et unique base partagée par tous les êtres, et ça clocherait forcément parce qu'elle serait à la fois réalisée (par les Vainqueurs ou les personnes en passe de le devenir) et pas réalisée (par les êtres qui sont dans ma-rigpa).

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Merci infiniment Dumè Antoni. Je suis désolé de t'avoir pris de haut et de t'avoir fait perdre du temps. Je comprends mieux.

J'en conclue que pour quelqu'un comme moi qui n'ai pas eu le kensho, je ne peux faire la différence entre Kensho et Makyo. De fait, dans les deux cas, pour moi qui n'est pas eu le kensho, il s'agit de décompensation. C'est bien ce qui me semblait mais je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Je ne prétends pas avoir une compréhension juste des textes, y compris des soutras. Je sais seulement que toute compréhension s'approfondit avec le temps, à force de les fréquenter. Dogen n'est pas tendre ni avec Rinzai (Gigen) ni avec ses disciples. "Pourquoi faudrait-il le considérer comme guide de l'étude de la Loi?" Les sûtras bouddhiques [Bukkyô] (tome 4)
Dogen dit que l'éveil n'est pas qu'une question de volonté mais dépend uniquement des relations circonstancielles auxquelles il faut être attentif. "il y a celui qui déploie le cœur de l'Eveil sans qu'il sache ni comment ni pourquoi. Dès le déploiement de ce cœur, il abandonne ce à quoi il jouait jusqu'alors, désire entendre ce qu'il n'a pas encore entendu et cherche à attester ce qu'il n'a pas encore attesté. Tout cela n'est nullement l’œuvre de son moi."

Il y a un poncif dans le Soto c'est qu'on ne pratique pas pour soi, égoïstement, mais pour s'harmoniser avec le cosmos. Ce qui nous permet, en retour d'influer positivement sur celui-ci. Le kensho n'est pas nécessaire en effet. Dans le Shobogenzo Zuimonki, Dogen insiste sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'être intelligent qu'il suffit d'avoir foi en zazen et de se dépouiller du corps et de l'esprit. J'ai rencontré un pratiquant (zen soto) qui me disait, qu'il n'était pas nécessaire que sa famille fasse également zazen, il suffisait que lui le fasse pour toute sa famille. L'idée que l'on retrouve également chez Dogen c'est qu'il suffit qu'une personne déploie le cœur de l'éveil pour qu'aussitôt tout le monde (qui l'entoure) le déploie également. (""Si l'on pratique la Voie avec un cœur sincère en se laissant transformer avec les herbes, les arbres, les tuiles et les cailloux, on doit obtenir la voie. Car les quatre éléments et les cinq agrégats vont ensemble avec les herbes, les arbres, les tuiles et les cailloux. Ils ont la même nature, ils ont le même cœur et la même vie et ils ont le même corps et la même dynamique.")
Ce n'est pas du new-age. C'est l'un des arguments clef du Plaidoyer pour l'altruisme de Mathieu Ricard en faveur de la méditation qu'elle soit laïc (mindfullness) ou religieuse (Bouddhiste). Nous pratiquons la pleine conscience avec nos enfants et nous constatons que cela accentue vraiment leurs penchants pro-sociaux, ainsi que leurs capacités d'attention, comme le montre un grand nombre d'études (que relaie Mathieu Ricard dans son Plaidoyer pour l'altruisme). Dans la mesure où il est question d'altruisme, il ne peut être uniquement question de développement personnel. J'en conclue que la méditation qu'elle soit religieuse (zazen) ou non (mindfullness), permet de rendre le monde meilleur.

Tu comprendras donc que si le kensho ne permet qu'à quelques-uns, d’ergoter à l'infini sur les koans pour éventuellement sortir tout seul du cycle des renaissances, et de customiser son Dharmakaya, cela ne m'intéresse guère. L’éthique doit nécessairement primer sur le reste, de manière inconditionnelle.
Dumè Antoni

shalistamba a écrit :J'en conclue que pour quelqu'un comme moi qui n'ai pas eu le kensho, je ne peux faire la différence entre Kensho et Makyo. De fait, dans les deux cas, pour moi qui n'est pas eu le kensho, il s'agit de décompensation. C'est bien ce qui me semblait mais je n'arrivais pas à comprendre pourquoi.
Je ne sais pas ce que tu mets derrière le mot "décompensation". Ce mot est généralement utilisé par les psys et a une connotation péjorative en ce sens que la décompensation signe une pathologie avérée. Mais peut-être l'emploies-tu dans un sens moins restreint. Concernant la confusion makyo/kensho, elle est très fréquente, et c'est la raison pour laquelle, quand on fait une expérience comme la tienne, il faut la soumettre à un maître qualifié. Ton plus gros souci, à mon avis, ce n'est pas toi, mais l'organisation dans laquelle tu évolues dans ta pratique. Aucun des maîtres issus de l'AZI, je le répète, ne peut certifier un kensho, et par conséquent le réfuter. Je comprends qu'il soit plus simple pour toi d'aller dans un dojo proche de ton domicile, mais quelquefois, en particulier quand il est question de soumettre ta compréhension à un maître, il vaut mieux se payer un petit déplacement pour voir (par exemple en Ardèche, à la Falaise Verte, où tu peux faire une sesshin et rencontrer le maître en sanzen et lui parler de ton expérience). Les forums ne sont en aucun cas les lieux adéquats pour ça.
Le kensho n'est pas nécessaire en effet. Dans le Shobogenzo Zuimonki, Dogen insiste sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'être intelligent qu'il suffit d'avoir foi en zazen et de se dépouiller du corps et de l'esprit.
Dôgen ne dit pas à mon avis qu'il n'est pas nécessaire d'avoir le kensho. Ce mot étant un équivalent de satori, Dôgen devait je pense comprendre que sans son propre kensho, ou satori, il n'aurait jamais su ce qu'il savait. Beaucoup de maîtres célèbres ont soutenu des propos qui peuvent laisser supposer que ce qui compte, c'est être soi-même et se tenir dans l'ordinaire. Se tenir dans l'ordinaire, pour quelqu'un comme Dôgen ou Rinzaï, ça veut dire se tenir dans la nature de Bouddha qui n'a évidemment rien de surjoué, d'artificiel ou de superflu. Mais tous les êtres ordinaires ne se tiennent pas dans la nature de Bouddha, loin s'en faut.
Ce n'est pas du new-age. C'est l'un des arguments clef du Plaidoyer pour l'altruisme de Mathieu Ricard en faveur de la méditation qu'elle soit laïc (mindfullness) ou religieuse (Bouddhiste). Nous pratiquons la pleine conscience [...] Dans la mesure où il est question d'altruisme, il ne peut être uniquement question de développement personnel. J'en conclue que la méditation qu'elle soit religieuse (zazen) ou non (mindfullness), permet de rendre le monde meilleur.
C'est hélas du new age et je vais essayer d'expliquer pourquoi. La "pleine conscience" n'est pas bouddhiste. Dans l'Attention Juste, qui est le 7ème pas de l'OS, il est question de "claire conscience", mais il est surtout précisé : "Cette claire conscience est présente en lui (le disciple) parce qu'il possède la compréhension et la vision profonde intérieure, et il vit indépendant, détaché de toute chose du monde. Ainsi le disciple demeure dans la contemplation du corps" (Dîgha-Nikâya). On comprend bien, ici, ce que signifie "claire conscience" ; c'est se tenir du point de vue de Prajna (puisqu'il est question de "compréhension et vision profonde intérieure"). Or, la conscience, qu'elle soit pleine ou vide, ou même claire d'un certain point de vue objectif, n'est pas associée spontanément et naturellement à Prajna. C'est pourquoi l'on ne peut parler de la nature de Bouddha, du Dharmakaya ou du Nirvana comme d'une conscience, y compris avec une majuscule (Conscience) quand on ne sait pas (parce qu'on ne l'a pas spontanément ni naturellement) ce qu'est la Vue. Je déplore qu'aucun maître du Zen (ou d'autres véhicules) ayant pignon sur rue ne fasse clairement la lumière sur cette question et continuent de (faire) pratiquer la "pleine conscience". Si je n'y vois pas de volonté délibérée de nuire au Dharma, j'y vois en revanche un grave défaut de réalisation manifeste, ce qui me semble inquiétant quand ils entraînent des élèves dans leurs directions. Ils se comportent comme des aveugles guidant d'autres aveugles.

La pleine conscience sans la Vue Juste, c'est comme se tenir dans l'ordinaire sans la Vue Juste. Et c'est catastrophique du point de vue du Dharma. Donc, en clair : le Dharmakaya n'est pas une Conscience (fut-elle majuscule ou pleine ou ce qu'on voudra) parce que Prajna n'est pas associé naturellement ni spontanément à la "conscience". Prajna est en revanche associée au Dharmkaya, à la nature de Bouddha ou à Nirvana (Prajna = Clarté associée à la Vacuité, non au sens de l'interdépendance phénoménale, mais au sens de la nature propre de l'esprit = anatman). Ce qui signifie que la conscience doit être éclairée par la Vue Juste (Prajna) pour être "claire conscience". En conséquence de quoi, pratiquer la claire ou pleine conscience sans Prajna n'est qu'égarement (au sens bouddhique).

Bien entendu, ce qui vaut pour la "pleine conscience" vaut aussi pour "l'altruisme" associé à la compassion sans la Vue Juste.
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