Jules a écrit :Tu veux dire par là que deux personnes étant en quête de leur nature de Bouddha, sont deux personnes qui cherche quelque chose de différent ?
Je veux dire que si nous partageons tous la nature d'êtres humains et que nous sommes tous confrontés au samsara et donc à la souffrance, nous ne partageons pas tous la même souffrance. Un homme qui souffre, souffre seul, et personne ne peut ressentir ce qu'il ressent. L'empathie nous permet de comprendre jusqu'à un certain point la souffrance de l'autre et, par projection (ou par expérience, car nous savons tous ce qu'est la souffrance), ressentir la souffrance de l'autre comme notre propre souffrance. Mais ça n'est pas celle de l'autre et n'aide pas l'autre à souffrir moins. De la même façon, celui qui s'éveille à sa nature de Bouddha est seul à s'éveiller et personne n'est éveillé à sa place. Sauf que l'empathie, dans ce cas-là, contrairement à la souffrance, n'intervient pas, parce que l'éveil n'est pas de l'ordre des sensations. On ne peut pas ressentir l'éveil comme une expérience propre à chaque être humain. Et cela se conçoit aisément parce que les êtres ne naissent pas éveillés (et encore moins libres), même si, fondamentalement, tous les êtres ont la nature de Bouddha. En d'autres termes, si la souffrance est commune, l'éveil ne l'est pas. Si l'on peut se réjouir, par empathie ou sympathie, qu'une personne s'éveille à sa vraie nature et en éprouve du bonheur, la projection sur l'autre de notre propre idée du bonheur est illusoire. Sur ce plan-là au moins, on comprend que le phénomène empathique qui nous ferait ressentir le bonheur de l'autre comme le bonheur de l'éveil est un égarement. Il importe que les maîtres soient très clairs avec leurs élèves sur ce point.
Par ailleurs, quand on recherche sa nature de Bouddha, on n'a pas une idée précise de ce qu'on recherche vraiment avant de l'avoir trouvée. Les projections intellectuelles ne sont d'aucune utilité dans ce domaine, hélas ; elles sont même néfastes car nous sommes conditionnés par notre culture et donc par l'idée de la libération et de l'éveil. Avec l'aide d'un maître qualifié (je devrais dire "authentique") nous avons une chance de ne pas nous égarer dans des représentations erronées ou des expériences de calme mental qui sont si voluptueuses qu'il est très difficile d'en sortir et qui nous font prendre ce bonheur des sens (bien supérieur à celui de l'émoi amoureux) pour la manifestation de l'éveil bouddhique. Donc, pour te répondre : deux personnes en quête de leur nature de Bouddha sont deux personnes qui cherchent à se libérer de la souffrance. On peut considérer que, parce que chaque personne sait ce qu'est la souffrance, la volonté d'en sortir est commune, mais elle ne va pas nécessairement conduire à l'éveil, au sens bouddhique. Les musulmans, les chrétiens, les hindous... ont tous la volonté de ne plus souffrir, mais la fin de la souffrance pour un chrétien ou un musulman ou un hindou... diffère de celle d'un bouddhiste. Pour un bouddhiste, il n'y a qu'une seule fin à la souffrance, et cette fin est le Nirvana.