L'éveil sans religion(s)

ted

Iskander a écrit :Bouddha veut dire éveillé, pas omniscient. Être omniscient est clairement quelque chose de surnaturel, à moins d'être l'Univers, et Bouddha n'a jamais prétendu être autre chose qu'un homme, du moins selon la tradition Theravada.
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...
Je ne sais pas ce que tu entends par surnaturel, ce serait sans doute plus facile d'en discuter si tu me donnais la définition que tu utilises. Selon la définition que j'ai donné plus haut, il est parfaitement possible de dire que quelque chose est surnaturelle ou pas. Par exemple les agents omniscients et omnipotents sont surnaturels, le libre arbitre aussi. Les fantômes j'en sais rien, il faudrait savoir ce qu'on entend vraiment par fantôme.
Non, le Bouddha est bien dit omniscient dans le theravada. Et dans le mayahana, ils le sont aussi.

Pour le surnaturel, je n'ai pas d'étiquettes à proposer, puisque la pratique bouddhiste consiste aussi à se débarrasser des étiquettes dès qu'on en a l'occasion.
Mais pour moi, une personne omnisciente n'a rien de surnaturel. C'est juste une affirmation de plus à vérifier ou pas.

Il n'y a pas de dogme dans le bouddhisme. On peut y croiser des athées, des théistes. De toute façon, le bouddhisme bien appliqué fait la chasse aux croyances.

Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui est comme ceci, c'est une croyance.
Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui n'est pas comme ceci, c'est aussi une croyance.
La pratique devrait nous amener à nous libérer de la nécessité de croire ou de ne pas croire.
ardjopa

Ce que j'appelle "l'éveil sans religion(s)", ce n'est pas pour autant l'éveil sans "sur-naturel" (dans le sens de réalités spirituelles qui dépassent le "naturel", le visible ou le scientifiquement prouvable), c'est plutot la spiritualité "sans structures", groupements, organisations, dogmes et cérémonials officiels etc;

Autrement dit, et pour schématiser, c'est plutot "s'assoir gratuitement et librement sur une montagne ou au bord de l'océan" pour méditer, (comme le font certains méditants et yogis de l'inde ou du cap horn !) plutot que de payer pour aller rejoindre les masses de fidèles qui vont écouter la messe, ou les "bouddhistes sympathisants ou plus" qui vont écouter les enseignements de je ne sais qui ;-)
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tirru...
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ted a écrit :Non, le Bouddha est bien dit omniscient dans le theravada.
C'est discutable Ted, beaucoup de theravadins admettent que Bouddha est omniscient, y compris des moines. Or le canon pali affirme le contraire. Bouddha dit lui-même qu'il n'est pas omniscient mais ce n'est pas non plus un homme ordinaire, c'est un être noble, un Arahant, pleinement éveillé et ayant les trois connaissances.
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ted

Le Bouddha et sa qualité d’Omniscience

Invité : Vénérable Dhammaratana

Les textes canoniques mentionnent les nombreuses qualités des bouddhas. Lors de l’émission du 6 juin dernier, Véronique Crombé a plus précisément détaillé les qualités physiques, à travers les trente-deux marques majeures du corps d’un bouddha. Cette semaine, le Vénérable Dhammaratana, moine dans la tradition du theravada, chercheur à l’Unesco et à la Sorbonne, et secrétaire général de la congrégation bouddhique Linh Sonh, aborde plus précisément l’omniscience, attribut exclusif des parfaits bouddhas selon le theravada.

Dans l’interview réalisée pour le site, il précise notamment ce que la tradition theravada appelle parfait bouddha, en revenant sur les termes d’arhat, de bodhisattva, de shravaka et de pratyekabuddha.
Voix bouddhistes - Qu'entend-on exactement par omniscience quand on parle de l'omniscience du Bouddha ?

Vén. Dhammaratana - Un être omniscient c'est quelqu'un qui connaît tout dans cet univers, qu'il s'agisse du monde relatif ou du monde absolu.

Dans les textes canoniques, le Tipitaka pali, parmi les épithètes utilisés pour décrire les qualités du Bouddha, on trouve des épithètes disant que le Bouddha est " Sabbannu ", ce qui veut dire qu'il connaît tout, et " Sabba dassavi ", ce qui veut dire qu'il voit tout. C'est pourquoi nous disons que le Bouddha est omniscient.

Le Bouddha lui-même n'a jamais dit qu'il était omniscient. Pourquoi ne le dit-il pas ? Parce que son but n'est pas de faire quelque publicité que ce soit, mais de libérer les êtres du samsara.
http://www.bouddhisme-france.org/sagess ... ience.html

Tirru, ne pas confondre omniscience et omnipotence. La conscience peut développer la faculté de comprendre directement tout ce qu'elle prend pour objet. Et cette caractéristique est déjà décrite dans les yogas sutras de Patanjali. On peut largement admettre qu'un Bouddha l'ait développée à son maximum.
Iskander

ted a écrit : Non, le Bouddha est bien dit omniscient dans le theravada. Et dans le mayahana, ils le sont aussi.
Je ne me prononcerait pas pour le mayahana, mais je dois objecter pour le theravada. Tu peux lire cet article (en anglais) pour approfondir la question.

En substance, le Buddha ne prétend jamais être littéralement "omniscient", mais il explique qu'il sait plus de choses qu'il n'en enseigne (l'épisode des feuilles msapaa: dans une forêt le bouddha empoigne quelques feuilles et dit: ceci est ce que je vous enseigne. En indiquant la forêt il ajoute, ceci est ce que je connais. Mais pour atteindre l'Éveil, il est inutile d'enseigner plus que ces feuilles). Donc oui, Bouddha connaît plus qu'il n'en dit, mais il n'est pas omniscient (la forêt est finie). De plus, dans le Canon Pali on ridiculise Naataputta, un Jain qui clame être omniscient, ce qui indique que la notion d'omniscience n'a pas beaucoup de crédit chez Bouddha.

De plus Bouddha montre plusieurs fois ne pas être omniscient: dans un épisode décrit dans Samyutta Nikaaya, il est dit que Bouddha quitte sa congrégation pendant quelques semaines pour une retraite. Pendant son absence quelques moines se suicident. À son retour, Bouddha demande pourquoi certains moines sont absents, et on doit l'informer de ce qu'il s'est passé.

Il semblerait que la tradition theravada considère que Bouddha n'est pas omniscient, mais qu'il pourrait acquérir la connaissance de quoi que ce soit en particulier, s'il concentrait son attention dessus.

Bref, Bouddha clamait connaître beaucoup de choses, en particulier en ce qui concerne l'esprit et la condition de l'homme. Mais il n'a jamais prétendu être littéralement omniscient.

Et en sortant du cadre du Bouddhisme, la notion d'être omniscient est un contresens logique qui s'effondre d'elle même: on ne peut pas connaître le Tout sans être le Tout. Et si on est le Tout, on n'est rien en particulier (Agent).
Pour le surnaturel, je n'ai pas d'étiquettes à proposer, puisque la pratique bouddhiste consiste aussi à se débarrasser des étiquettes dès qu'on en a l'occasion.
C'est un peu spécieux: tu est en train d'écrire sur un forum, donc tu utilises des étiquettes. Si tu conçois le surnaturel de quelque façon que ce soit (ce que ton usage du terme surnaturel semble indiquer), tu devrais au moins pouvoir formuler une approximation de ce que tu entends.
Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui est comme ceci, c'est une croyance.
Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui n'est pas comme ceci, c'est aussi une croyance.
La pratique devrait nous amener à nous libérer de la nécessité de croire ou de ne pas croire.
Il me semble c'est une forme de relativisme superficiel.
Si tu me dis que 1 + 1 = 2, je suis d'accord. Si tu me dis que 1 + 1 = 1, alors j'aurai au moins besoin de quelques sérieuses explications pour comprendre ça, bouddhisme ou pas. Je ne peux tout simplement traiter ces deux croyances de la même façon, et je ne pense pas (mais je peux me tromper) que la pratique encourage toute licence de logique.

Des idées comme l'omniscience ou l'omnipotence sont très faciles à formuler, mais elles s'effondrent d'elles mêmes dans la contradiction. Par contre, elles font de l'excellent matériel pour du koan, j'imagine.
tobeornottobe

Il me semble c'est une forme de relativisme superficiel.
Si tu me dis que 1 + 1 = 2, je suis d'accord. Si tu me dis que 1 + 1 = 1, alors j'aurai au moins besoin de quelques sérieuses explications pour comprendre ça, bouddhisme ou pas. Je ne peux tout simplement traiter ces deux croyances de la même façon, et je ne pense pas (mais je peux me tromper) que la pratique encourage toute licence de logique.
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En fait, si je comprend 1 + 1 = 2 c'est dire 2 = 2 et donc vrai mais indique que le calcul n'est qu'illusion, le 2 se trouve sans chercher....?

croire au calcul et au non calcul, au résultat.

Namasté
Iskander

tobeornottobe a écrit :En fait, si je comprend 1 + 1 = 2 c'est dire 2 = 2 et donc vrai mais indique que le calcul n'est qu'illusion, le 2 se trouve sans chercher....?

croire au calcul et au non calcul, au résultat.
Qu'est ce que tu appelles une illusion, et en quoi 2 = 2 suggère que le calcul n'est qu'illusion?

Si ton concept d'illusion est trop large, alors tout est illusion, et ipso facto le calcul aussi par la même occasion?
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Vén. Dhammaratana - Un être omniscient c'est quelqu'un qui connaît tout dans cet univers, qu'il s'agisse du monde relatif ou du monde absolu.

Dans les textes canoniques, le Tipitaka pali, parmi les épithètes utilisés pour décrire les qualités du Bouddha, on trouve des épithètes disant que le Bouddha est " Sabbannu ", ce qui veut dire qu'il connaît tout, et " Sabba dassavi ", ce qui veut dire qu'il voit tout. C'est pourquoi nous disons que le Bouddha est omniscient.
Ce qui est curieux, c'est que c'est tout l'inverse que dit le sutta ou apparaissent les épithètes cités par le Vén.Dhammaratana :
Présentation du Tevijjavaccha Sutta en anglais :

Vacchagotta, the wandering ascetic, questioned the Buddha whether it would be true to say that Sabbaññuta Ñana was constantly and continuously present to him all the time, while walking or standing, asleep or awake. The Buddha replied that it would not be true to say so. It would be true to say only that the Buddha was accomplished in the three kinds of knowledge, namely, knowledge of the past, power of divine seeing, and knowledge of liberation.
On retrouve donc les termes sabbaññū sabbadassāvī, dans le Tevijjavaccha sutta par l'intermédiaire d'une question posée par l'ascète Vacchagota. La réponse du Bienheureux est sans équivoque : "na me te vuttavādino" qui veut dire :"ils ne parlent pas selon mes dires, selon ce qui a été dit".
“Ye te, vaccha, evamāhaṃsu– ‘samaṇo gotamo sabbaññū sabbadassāvī, aparisesaṃ ñāṇadassanaṃ paṭijānāti, carato ca me tiṭṭhato ca suttassa ca jāgarassa ca satataṃ samitaṃ ñāṇadassanaṃ paccupaṭṭhitan’ti, na me te vuttavādino, abbhācikkhanti ca pana maṃ asatā abhūtenā”ti."
« Quiconque dit que le samana Gotama sait et voit toutes choses, prétend posséder l'omniscience et m'omnivision, qu'il marche, soit immobile, dorme ou soit réveillé, quiconque dit cela me représente mal (...) Mais si quelqu'un disait : le samana Gotama possède la triple connaissance ( c'est à dire celle des vies antérieures, celle du fonctionnement du kamma et celle de la destruction des asava), il « énoncerait ce qui correct» - Tevijjavaccha Sutta( MN 71)
Ce n'est pas nouveau, ce détournement d'épithète a fait son apparition du vivant du Maitre et de façon plus prononcée après son extinction. C'est le reflet d'une vénération aveugle de certains moines dont le résultat sera d'effacer le Bouddha humain au profit d'un Bouddha divin omniscient et inaccessible.
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ted

Iskander a écrit :Il semblerait que la tradition theravada considère que Bouddha n'est pas omniscient, mais qu'il pourrait acquérir la connaissance de quoi que ce soit en particulier, s'il concentrait son attention dessus.
C'est dans ce sens qu'on emploie la notion d'omniscience aussi bien dans le bouddhisme que dans des traditions yogiques similaires. Chaque fois qu'une explication est donnée en ce sens, il y a toujours cet aspect consistant à tourner le regard vers la connaissance qu'on désire acquérir. Elle n'est pas présente en permanence.
Iskander a écrit :Et en sortant du cadre du Bouddhisme, la notion d'être omniscient est un contresens logique qui s'effondre d'elle même: on ne peut pas connaître le Tout sans être le Tout. Et si on est le Tout, on n'est rien en particulier (Agent).
Vaut mieux effectivement essayer de discuter Bouddhisme avec un vocabulaire bouddhiste. :) En évitant de sortir du cadre.
Iskander a écrit :
ted a écrit :Pour le surnaturel, je n'ai pas d'étiquettes à proposer, puisque la pratique bouddhiste consiste aussi à se débarrasser des étiquettes dès qu'on en a l'occasion.
C'est un peu spécieux: tu est en train d'écrire sur un forum, donc tu utilises des étiquettes. Si tu conçois le surnaturel de quelque façon que ce soit (ce que ton usage du terme surnaturel semble indiquer), tu devrais au moins pouvoir formuler une approximation de ce que tu entends.
Mais j'ai déjà donné mon point de vue : il n'y a rien de surnaturel. Tout est naturel. Tous les phénomènes sont soumis à la causalité. Il n'est pas nécessaire de faire des catégories pour percevoir le réel. Les phénomènes apparaissent et disparaissent. En pacifiant l'esprit par le calme mental samatha puis en développant la vision pénétrante vipassana, les phénomènes sont vus pour ce qu'ils sont et le pratiquant peut assister à leur dissolution immédiate. Cette vision déracine la croyance en un soi immuable de l'être ou des phénomènes.
Iskander a écrit :
ted a écrit :Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui est comme ceci, c'est une croyance.
Si nous pensons qu'il existe quelque chose qui n'est pas comme ceci, c'est aussi une croyance.
La pratique devrait nous amener à nous libérer de la nécessité de croire ou de ne pas croire.
Il me semble c'est une forme de relativisme superficiel.
Si tu me dis que 1 + 1 = 2, je suis d'accord. Si tu me dis que 1 + 1 = 1, alors j'aurai au moins besoin de quelques sérieuses explications pour comprendre ça, bouddhisme ou pas. Je ne peux tout simplement traiter ces deux croyances de la même façon, et je ne pense pas (mais je peux me tromper) que la pratique encourage toute licence de logique.
Il n'y a qu'une seule façon de comprendre cette apparente contradiction, c'est de travailler sur la nature de l'esprit. Le bouddhisme ne s'explique pas. Il se pratique. On peut montrer du doigt. Indiquer une direction. Donner des comparaisons. Mais rien ne remplacera l'expérience pratique. Et quand on lache-prise pour laisser l'esprit revenir à son état naturel, ce n'est pas la logique qu'on abandonne, ce sont toutes les logiques du monde, toutes les fabrications du mental.
Iskander a écrit :Des idées comme l'omniscience ou l'omnipotence sont très faciles à formuler, mais elles s'effondrent d'elles mêmes dans la contradiction. Par contre, elles font de l'excellent matériel pour du koan, j'imagine.
Les koans sont très utiles pour se débarrasser des certitudes que nous avons sur la nature véritable des choses. Mais l'objectif final n'est pas d'avoir gain de cause dans un débat d'idées, mais de réaliser que nous sommes mortels, que le temps passe vite et que nous avons la possibilité de faire une expérience qui mettra fin à la souffrance et à l'ignorance. Si on est sincèrement convaincu qu'il est possible de refaire cette expérience, on suit la Voie du Bouddha. Si on pense que cette expérience n'est pas crédible, que les résultats décrits ne sont pas convaincants, on passe à autre chose. Ce n'est pas un problème. :)
"Soyez votre propre lampe, votre île, votre refuge." disait le Bouddha.
Verset 12.29
Je n'ai pas expliqué si le principe vital est la même chose que le corps ou si le principe vital est une chose et le corps une autre chose.
Je n'ai pas expliqué si le Tathagata existe après la mort ou si le Tathagata n'existe pas après la mort.
Je n'ai pas expliqué si le Tathagata existe et à la fois n'existe pas après la mort.
Je n'ai pas expliqué si le Tathagata est non existant et à la fois pas non existant après la mort.

Verset 12.30
Pourquoi ne l'ai-je pas expliqué? Parce que ce n'est pas utile, que ce n'est pas fondamentalement lié à la Conduite pure
et que cela ne conduit pas à l'aversion, au détachement, à la cessation, à la tranquillité, à la pénétration profonde,
à la réalisation complète, au nibbana.
C'est pourquoi je ne l'ai pas expliqué.

(CULAMALUNKYA-SUTTA)
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