
Bonjour Zopa,
Je ne sais pas exactement quel propos tu penses avoir prouvé parce ce que tu avances sur les deux vérités et par des histoires de cuillère.
Le fait qu'on puisse appréhender une cuillère implique que l'esprit a la capacité de percevoir la réalité non seulement de manière fragmentée (le côté convexe puis le côté concave), mais aussi la réalité de manière globale (la cuillère elle-même) pour peu qu'on lui en donne les moyens. Quand l'esprit omniscient voit un miroir à l'intersection du filet de Brahma, il voit aussi tous les autres miroirs de toutes les autres intersections: plus rien ne l'empêche de voir les deux côtés pile et face en même temps parce que sa nature est d'appréhender correctement ses objets et parmi les connaissables, il y a la réalité tout entière qui est l'ensemble pile et face.
Puisque tu as étudié la logique à la mode de chez nous:

Quand deux trucs sont opposés, si on réfute l'un on établit l'autre, d'accord ? Or "
limites dans la capacité de connaître de l'esprit" et "
pas de limites dans la capacité de connaître de l'esprit" sont opposés, donc si l'argumentaire qui tente de prouver l'absence de limites ne te semble pas convaincant (ce que je ne peux qu'accepter), on peut prendre le point de vue inverse et demander alors: montrez-nous ces limites infranchissables dans la capacité de l'esprit à appréhender ses objets !
Que je n'arrive pas à te prouver de manière indubitable l'absence de limites ne revient pas à en démontrer la présence, c'est juste une raison de non-observation de ce qui n'apparaît pas (
mi snang ba): à tes yeux, les arguments ne font pas mouche. C'est comme quand j'apprenais pour la première fois les multiplications: que je n'arrive pas à comprendre 2X2=4 n'empêche pas que 2X2 fassent 4.
Par contre, si on n'arrive pas à trouver la présence de limites, alors ça revient à en prouver l'absence; là c'est une raison de non-observation de ce qui est susceptible d'apparaître (
snang rung): si ça existe, ça doit être perçu d'une manière ou d'une autre. C'est comme avec le soi ultime: s'il existait, on le trouverait à l'issue d'une recherche ultime, or comme on ne le trouve pas, il n'existe tout simplement pas.
Je ne sais pas non plus si tu sous-entends que je ne suis pas un débattant approprié.

en l'occurrence je te confirme que j'accepte ces deux propositions de départ : 1/ La nature cognitive de l'esprit et 2/ la capacité de l'esprit d'élargir et d'approfondir sa compréhension par la pratique méditative si celle-ci est bien menée (mais aussi par l'étude, les débats, et les discussions).
C'est sans doute une interprétation de ma part car tu disais:
Hé bien d'abord, prenons l'idée que l'esprit est par nature clair et connaissant.
Or l'esprit par nature clair et connaissant n'est pas une idée mais un fait.
Je dois aussi ajouter qu'accepter l'omniscience sur la base des écritures ne relève pas uniquement de la foi mais aussi de la raison, c'est une analyse fondée sur l'adhésion (
yid ches rjes dpag) envers des écritures qui, en l'occurrence sur ce point précis de l'omniscience, échappent aux trois types de contradictions. Et comme je le disais précedemment, s'il ne s'agissait que de logique pure, aucun d'entre nous n'aurait besoin d'écouter etc. des enseignements car nous pourrions très bien nous débrouiller par nous-mêmes comme le font les pratyekabouddhas dans leur dernière existence.

Donc la solution doit sûrement résider quelque part dans le juste milieu entre la seule foi et la seule raison.
Tu vois, je viens de reconnaître mon ignorance à trois reprises. Heureusement, ça ne m'empêche pas de te souhaiter tout le bonheur possible. color_3
flower_333 Merci à toi. Et merci aussi d'avoir fait en sorte que ce débat se soit passé sans finir en eau de boudin, comme ça arrive hélas trop souvent quand des points de vue sont confrontés. Après tout, c'est aussi l'un des effets bonus de la pratique des débats: apprendre à ne pas s'attacher à son point de vue.
