L'état naturel

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Dharmadhatu
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ted a écrit :Coucou Christophe
En fait, j'ai simplement dit à Dumè qu'à mon avis, nibbana était différent de l'état naturel. J'ai pas dit qu'il était inférieur mais différent. Maintenant, tu précises qu'il serait inférieur du point de vue Mahayana. Cependant, Monsieur Dumé nous annonce que Mahayana n'a pas été enseigné par le Bouddha.

Donc, on va s'embrouiller je crois. :)

Effectivement, je me souviens que tu as souvent répété que nibbana n'enlevait pas le voile cognitif. Mais peut on affirmer ça sans sous entendre que le Bouddha historique ne s'était pas défait de son voile cognitif ? :shock:
:D C'est en effet difficile cette question du terme "inférieur". Par exemple, j'ai écrit plus tôt:
seule la vue prasangika échappe effectivement aux extrêmes: celui du nihilisme par la vacuité et celui de l'éternalisme/absolutisme par l'existence dépendante (pour les autres écoles on échappe au nihilisme par l'existence dépendante et à l'absolutisme par la vacuité).
:arrow: Ce qui veut dire qu'on peut détenir une "vue bouddhique" mais que ce n'est pas pour ça qu'on a une "vue juste".

Dans ce cas-là, ce qui n'est pas une vue juste mais qui tend vers elle ou qui est sur la bonne voie est considéré comme inférieur, mais peut (et devrait) être respecté comme un propédeutique; et ce qui est juste ou factuellement concordant, est considéré comme supérieur ou suprême car libérateur (vu qu'être en porte à faux avec la réalité est source du samsara).

Pour répondre à ta question, les systèmes mahayanistes diront: qui peut le plus peut le moins = le Bouddha est comme un professeur de niveau universitaire qui enseigne aussi au Lycée.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

Quand j'écris sur Nangpa, je me place souvent spontanément du point de vue theravadin. Parce que nangpa a été, à l'origine, créé par des théravadins. Et aussi, parce que je trouve que c'est plus simple à expliquer. C'est plus simple en effet de parler aux gens de la fin de la souffrance que de leur proposer de devenir des samyak sambuddha. :) De parfaits bouddhas !
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Dharmadhatu
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ted a écrit :Quand j'écris sur Nangpa, je me place souvent spontanément du point de vue theravadin. Parce que nangpa a été, à l'origine, créé par des théravadins. Et aussi, parce que je trouve que c'est plus simple à expliquer. C'est plus simple en effet de parler aux gens de la fin de la souffrance que de leur proposer de devenir des samyak sambuddha. :) De parfaits bouddhas !
ba11 Et puis c'est la base; Sa Sainteté le Dalaï Lama appelle nos amis théravadins ses "grands frères". C'est tout à fait ça, car après tout, le Tipitaka a été mis à l'écrit avant le corpus mahayaniste.

Quand on médite les Etapes de la voie vers l'Eveil, on commence toujours par les étapes des Auditeurs, c'est un passage obligé pour les mahayanistes: comment pourraient-ils bien vouloir sincèrement aider tous les êtres à échapper à la souffrance s'ils n'ont pas eux-mêmes cultivé le renoncement qui est une réalisation de la souffrance et de ses vraies origines ?

J'en viens toujours à l'école prasangika, mais on peut dire que c'est le courant mahayaniste qui reconnaît le plus l'efficience des Trois Entraînements Supérieurs des Auditeurs et des Pratyeka-buddhas puisque selon ce système, un arya quel qu'il soit (Auditeur, Pratyeka-buddha, Bodhisattva) a forcément réalisé la vacuité subtile ou le non-soi subtil (personnel et phénoménal). Contrairement aux autres courants mahayanistes qui font une distinction de subtilité quant à ces différents types de réalisation.

FleurDeLotus
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Dumè Antoni

Ted a écrit :J'ai pas dit ça. Relis-moi.
J'ai même dit tout le contraire !
Comment nibbana pourrait-il être inférieur à quelque chose ? Nibbana est la troisième noble vérité !
Tu manques de sommeil Dumé ? :)
Effectivement, j'avais mal compris tes propos, mais sur le fond, je continue à affirmer que l'état naturel est le Dharmakaya. Par ailleurs, je persiste et signe : il n'y a pas de différence entre Nibbana et le Dharmakaya. On confond ici réalisation non libératrice et réalisation libératrice, mais dans les deux cas, ça reste la même réalisation.
Donc, si tu assimiles nibbana à l'état naturel, tu réfutes toute la vue dzogchen.
Non. Tu ne sembles pas savoir ce qu'est l'état naturel pour le Dzogchen (ce n'est pas un reproche tendant à disqualifier tes propos ; je dirai qu'ils ne sont pas en accord avec ce qu'en dit Yamantaka et JLA). Tu fais la même confusion que certains zenistes qui s'estiment éveillés dès lors qu'ils vivent dans l'ordinaire. Les dzogchenpas qui ont reçu l'introduction directe par leur maître en pensant que cela est suffisant ne sont pas dans l'Etat Naturel. Comme certains zenistes, ils confondent la maladie et le remède. Ou, dit autrement : ils confondent le Dzogchen et le Dzogchenpa. Certains zenistes, quant à eux, confondent le Zen et zazen. C'est un peu la même chose.

Mais bon, n'étant pas le mieux placé pour parler de Dzogchen, je réitère l'invitation de t'inscrire sur les forums où cette question pourra être débattue mieux que je ne pourrai le faire.
De plus, le Bouddha n'a jamais déclaré qu'il fallait au préalable être "introduit" à nibbana
Le Bouddha n'a pas enseigné non plus le Dzogchen. Prétendrais-tu que le Dzogchen n'a rien à voir avec le Bouddhisme ?

Pour le reste, et qui n'est qu'un fatras d'opinions, je n'entrerai pas dans le débat.
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Flocon
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Question bête.

Qu'est-ce exactement que le Dzogchen appelle "état naturel"?
Rigpa semble être la traduction tibétaine du sanscrit vidya, "connaissance" (en l'occurrence, connaissance intime de la vacuité et de la clarté de l'esprit, je suppose). Quel rapport avec un état?
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

--- sujet divisė ---
Flocon a écrit : Quel rapport avec un état?
L'état naturel n'est pas un état. Car un état est produit. L'état naturel n'est pas produit. On l'appelle état.
ted

Dumè Antoni a écrit : On confond ici réalisation non libératrice et réalisation libératrice, mais dans les deux cas, ça reste la même réalisation.
Je ne comprends pas cette phrase Dumé. :oops:
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Flocon
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ted a écrit :On l'appelle état.
Pourquoi? En général, l'emploi d'un terme, même inadéquat, obéit à des raisons explicables.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Dumè Antoni

Flocon a écrit :Qu'est-ce exactement que le Dzogchen appelle "état naturel"?
Pour ce que j'en ai compris suite aux différents échanges que j'ai eu avec Yamantaka à ce sujet sur VB, l'état naturel est le pendant de la "vraie nature" dans le Zen. Il y a donc un lien très étroit entre le kensho (qui signifie "voir dans sa vraie nature") et Rigpa (dont la traduction de JLA est "discernement") qui est la reconnaissance de l'état naturel. Le discernement est l'aspect sapiential de l'expérience, mais il y a un aspect visionnaire aussi, c'est pourquoi l'expérience est une Vue et non un raisonnement intellectuel.

Tu connais la signification de vraie nature dans le Zen ; c'est celle de "nature de Bouddha". Donc, l'Etat Naturel n'est pas autre chose que la nature de Bouddha.

Le fait est que le Dzogchen, tout comme le Seijojo zen, est non sutrique ; il s'ensuit que les termes de Nirvana/Dharmakaya sont des emprunts au Mahayana, mais ni le Saijojo zen, ni le Dzogchen, n'emploient ce vocabulaire.
Ted a écrit :
Dumè a écrit :On confond ici réalisation non libératrice et réalisation libératrice, mais dans les deux cas, ça reste la même réalisation.
Je ne comprends pas cette phrase Dumé. :oops:
Rigpa, comme le kensho, ne sont pas libérateurs, même s'il s'agit effectivement de voir dans sa vraie nature (ou de la reconnaissance de l'état naturel). Je fais donc allusion à l'allégation de Dharmadhatu selon laquelle le nirvana n'émancipait pas des voiles cognitifs contrairement au Dharmakaya. Il y a là confusion nette entre l'expérience/réalisation/reconnaissance de Nibbana/Dharmakaya/Etat Naturel lors de Rigpa ou de kensho, et le Nibbana/Dharmakaya/Etat Naturel stabilisé par une pratique intensive après la première expérience d'ouverture/discernement/Vue lors de kensho ou Rigpa.

Pour le Zen, par exemple, kensho est situé au 3ème tableau de la pratique, alors que la libération est effective à partir du 8ème, mais je ne sais pas s'il y a un équivalent dans le Dzogchen ; il faudrait interroger Yamantaka ou JLA à ce sujet.
ted

Dumè Antoni a écrit : Il y a là confusion nette entre l'expérience/réalisation/reconnaissance de Nibbana/Dharmakaya/Etat Naturel lors de Rigpa ou de kensho, et le Nibbana/Dharmakaya/Etat Naturel stabilisé par une pratique intensive après la première expérience d'ouverture/discernement/Vue lors de kensho ou Rigpa.
Dumé, cette explication a le mérite d'unifier le mode opératoire des trois véhicules. Je la trouve plutôt sympa. D'autant plus que, dans theravada, il est dit que le Bouddha a continué de se plonger régulièrement dans nibbana. Dhamma Sami affirme même sur son site que, vers la fin de sa vie, le Bouddha s'immergeait régulièrement dans nibbana pour ralentir la progression de sa maladie.

Je mettrais juste un bémol à ce que tu dis en remplaçant "stabilisé par une pratique intensive" par "stabilisé par une pratique régulière", non ?

Ce que tu dis recoupe aussi la remarque de Michel Paix sur le fait que nibbana est une action : nous nibbanisons nos actes. Ce qui introduit bien un aspect progressif qu'on retrouve bien dans les exercices d'intégration de l'état naturel de l'esprit. Il est possible d'introduire doucement des jurons par exemple sans quitter l'état de contemplation.

Il faudrait maintenant qu'un théravadin vienne nous confirmer qu'on peut marcher dans la rue tout en étant plongé dans nibbana.
Verrouillé