Le coeur de l'égo

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Flocon
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lausm a écrit :Ce qu'il y a, c'est que bien souvent des gens ont trouvé une excuse à leurs comportements toxiques parce que leur maître avait les mêmes défauts.
Voilà : merci d'avoir pris la peine de formuler les choses mieux que moi, et d'avoir donné l'un des textes d'Ikkyû auxquels je pensais. loveeeee
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
lausm

PAs de problème, c'est avec plaisir!

Quand on regarde bien, Ikkyu, qui trainaît une réputation de débauché, que voit-on de lui dans ce poème?
Que l'empereur lui-même lui avait confié cette charge...le kesa violet était le plus haut signe honorifique.
En fait sa honte, c'est qu'on fasse de lui un homme de clergé professionnel, qu'on lui fasse quitter la boue et la lie de ce monde. Il me semble qu'il ne resta que quelque jour à cette charge, d'ailleurs.
Il voulait garder pur l'esprit d'ermite, quelque part, de moine errant, de sans attache, sans demeure. Non corrompu par le pouvoir et les honneurs....que je le comprends!
Tout à l'heure je lisais un livre de John Fire Lame Deer, le père de celui qui a amené cette pratique indienne, l'Inipi, la hutte de sudation...iil décrivait les hommes-médecines de la même façon : non liés aux contingences de pouvoir, de mondanités, préservant leur lien à la nature avant toute chose pour rester en contact avec ce qui Est...je pense que les moines gyrovagues comme Ikkyu ou Ryokan étaient pleinement dans ce rapport au monde, et je comprends vraiment leur démarche!
En tous cas, l'expérience de la hutte de sudation, c'est pas rien!....si j'ai le courage je vous en parlerai dans un post un de ces jours....en tous cas j'y ai retrouvé des choses du zen, et je pense que ça fait toucher à ce qui transcende et rassemble toutes les traditions : le Ciel et la Terre sont les mêmes pour tous! et là ce n'est pas une prise de conscience intellectuelle!
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jules
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lausm a écrit :j'ai bien compris en ce qui me concerne.
Ce qu'il y a, c'est que bien souvent des gens ont trouvé une excuse à leurs comportements toxiques parce que leur maître avait les mêmes défauts.
Par exemple, Deshimaru buvait un coup de temps en temps, et sûrement bien trop. Tout comme Trungpa.
Sans parler du fait qu'ils pouvaient avoir des relations avec des femmes.
OK.
Mais qu'attendait-on d'eux?
J'ai su que Deshimaru disait : "ne suivez pas mes propres erreurs". C'était clair.
Que sait-on du vécu de types qui ont été de vraies météorites bouddhiques dans le monde occidental en plein essort d'ouverture à l'Orient?
Ils ont été le support d'idéalisations, et de projections insupportables....ça rend fada, et je pense que ça ne pouvait que les altérer.
Et puis ils avaient tout quitté, que de ruptures aussi à gèrer dans leur coeur?

Mais certains s'arrangent bien des aspects tantriques du maître pour se bourrer la gueule ou suivre leurs pulsions non maîtrisées, au nom de la voie.
Cela n'est pas juste, c'est juste prendre son karma pour son dharma. Ce n'est pas la vraie pratique.
Le lotus s'enracine dans la boue, mais il ne doit pas s'y enliser sinon il ne fleurira jamais.
Le lotus a juste besoin de la boue ET de la lumière. Sans l'un ou l'autre, point de fleur de lotus. C'est tout simple!
Et il n'y a pas à choisir l'un plus que l'autre : les deux sont nécessaires à la vie.
Connaître sa boue intérieure, c'est pouvoir connaître sa lumière. Connaître sa lumière, c'est pouvoir éclairer sa boue et ne pas s'y enliser.

Voilà ce qu'écrivit Ikkyu le jour où il reçut l'annonce de sa nomination comme maître de Daitoku-ji :

"Je suis disciple de Daito (grande lampe)
J'ai éteint la lampe qui restait.
Je ne peux pas dissiper mes craintes.
Elles me restent comme une glace qui a pris en une nuit.
Depuis cinquante ans j'ai vagabondé en manteau de paille et cimier.
J'ai honte de porter aujourd'hui une robe violette."
Je trouve que tu as bien mis les points sur les i. jap_8

Comme autre symbole identique à ce qu'exprime celui du lotus, il y'a le kesa. On prend de vieux bouts de tissus, et on les couds avec grande attention, puis on les teints pour en faire l'habit des moines, le vêtement de la transmission : Ce qui me semble être désigné ici, par l'adhésion à cette symbolique, c'est peut être précisément l'idée de la pratique comme expression de l'éveil, comme échange harmonieux par l'attention et la vigilance, entre la terre et le ciel, la boue et la lumière, le haut et le bas...Quand on parle de Voie du Milieu, c'est peut-être entre autre, ce qu'on entend par là ( :?: ), ne pas se vautrer dans la boue, mais ne pas renier non plus ses racines pour s'arracher à la terre et se perdre dans le ciel, évitant par cet équilibre, toute forme d'idéalisation (d'attribution d'un caractère idéal, qui n'existe pas réellement ) de soi, de l'autre et plus généralement, du monde.
Quand on regarde bien, Ikkyu, qui trainaît une réputation de débauché, que voit-on de lui dans ce poème?
Que l'empereur lui-même lui avait confié cette charge...le kesa violet était le plus haut signe honorifique.
En fait sa honte, c'est qu'on fasse de lui un homme de clergé professionnel, qu'on lui fasse quitter la boue et la lie de ce monde. Il me semble qu'il ne resta que quelque jour à cette charge, d'ailleurs.
Il voulait garder pur l'esprit d'ermite, quelque part, de moine errant, de sans attache, sans demeure. Non corrompu par le pouvoir et les honneurs....que je le comprends!
Tout à l'heure je lisais un livre de John Fire Lame Deer, le père de celui qui a amené cette pratique indienne, l'Inipi, la hutte de sudation...iil décrivait les hommes-médecines de la même façon : non liés aux contingences de pouvoir, de mondanités, préservant leur lien à la nature avant toute chose pour rester en contact avec ce qui Est...je pense que les moines gyrovagues comme Ikkyu ou Ryokan étaient pleinement dans ce rapport au monde, et je comprends vraiment leur démarche!
Sur Wiki, on peut lire que la tradition prétend que le premier kesa neuf fut tissé en une nuit par la mère adoptive du Bouddha, mais qu’il le refusa par humilité.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kesa

<<metta>>
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Flocon
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Je me demande si le kesa ne représentait pas surtout, pour un homme de tradition stricte, voire rigide, comme Ikkyû, la continuité de la transmission depuis le Bouddha historique -continuité qu'il avait justement interrompue, pour ce qui était de sa propre lignée, en ne conférant le sceau reçu de son maître à aucun de ses propres disciples.
L'image de la lampe éteinte est en tout cas "le" topos littéraire sino-japonais de son époque pour désigner une lignée brisée : donc ça me paraît cohérent.
D'où sa honte et son angoisse, qui sont alors très simples à comprendre : il porte ce symbole, peut-être par conformisme politique (mais ce pourrait être aussi par piété familiale, car l'empereur passait pour son frère consanguin, à tort ou à raison) mais il ne le mérite pas : c'est presque une imposture de sa part. :?:

je dis ça un peu au hasard, parce que le sujet m'intéresse (j'adore Ikkyû), mais ce n'est pas une question très importante. Chacun peut lire le poème à sa façon.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Katly a écrit :
Ce qui est sûr, c'est que ce n'est jamais en jetant de la boue sur les autres qu'on sera plus blanc et plus pur.
Quoi qu'on fasse, on ne sera jamais blanc et pur, puisqu'il n'y a aucune nature propre qu'on puisse blanchir ou purifier. :oops:
Katly

jap_8

Exiger cela de quelqu'un ou de soi c'est de la haine de l'autre, de soi, de l'égo. L'exigence de la pureté et du blanc, de sainteté, les femmes connaissent cette forme de violence depuis des siècles et des siècles, source d'inégalité entre hommes et femmes et entre femmes.
Les femmes ne vivent pas les choses pareilles que les hommes...
Il y a une bonté naturelle chez tous les êtres, mais elle n'est pas reconnue, parfois depuis enfant, soit on dit "mauvais(e) tu es, mauvais(e) tu restera" ou " pour qui te prends-tu prétentieux(se)", et on passe sa vie à essayer se faire aimer. Un Bashung intoxiqué, c'est la dépendance du succès ça tue, c'est le yoyo avec la santé mentale, succès-chute, pour un attachement à un soi. Attachement a un personnage star qu'il soit éphémère ou dans la longévité. En même temps il y a la lumière de cet être qu'on perçoit et on le voit se battre et se dépatouiller, la fêlure, sa souffrance, sa musique.
Il n'y a ni à rejeter dans un sens, ni à aduler dans un autre.

Mais tout être peut-être bon et altruiste même en plein dans sa gadoue.

De même qu'"il n'y a pas une nature propre qu'on puisse blanchir et purifier", il n'y a pas une boue plus sale qu'une autre.

La souffrance est la souffrance. <<metta>>

Notre lumière voit la lumière, notre obscurité voit l'obscurité et notre lumière peut voir à travers l'obscurité.


Questions ampoulées, circonvolutions des réponses
Sont l’apanage des moines.
Mécènes et fonctionnaires veillent éternellement à leur entretien.
Laissez-moi vous dire, hautains hommes de la loi
Qu’une fille de bordel, couverte de brocart et d’or,
Vaut mieux que n’importe lequel d’entre vous !

Ikkyu

Et : http://www.guyseika.com/Blog/Entrees/20 ... yu....html


La différence, quelques bouts de brocarts et d'or entre un être humain et un autre.


Nous avons tous la nature de bouddha, sans elle pas d'illumination.
Katly

Merci aussi Jean, Jules, Flocon, Lausm... pour la richesse de vos interventions. jap_8
lausm

Le kesa, c'est vraiment ça : des tissus souillés, les plus vils, rassemblés ensemble pour en faire le vètement de l'éveil.
Et ce n'est pas qu'un symbole, cela se veut avant tout une pratique : un kesa cousu à la machine n'a pas tant de valeur, ni un kesa très beau.
Le kesa violet, c'était une distinction honorifique impériale...pour Ikkyu c'était forcément dérangeant par rapport à sa démarche.....l'histoire dit d'ailleurs qu'un jour, dans un temple, on lui offrit un repas, alors qu'il était vètu de ce kesa. D'habitude, il n'était pas si bien traité, on voyait surtout en lui le moine-zonard. Il aurait retiré le kesa et mis celui-ci devant le repas en disant : "tenez, en fait c'est à lui que ce repas est adressé!"....peut-être clochard céleste, mais néanmoins radicalement présent et l'esprit tranchant et affuté, le Ikkyu!
effectivement, je n'avais pas pensé que cette distinction le reliait à ses origines familiales impériales (et dissimulées)....et que cela pouvait rouvrir une plaie.
Mais Ikkyu restait au coeur de cette contradiction, n'est-ce pas cela, après tout, le zen vraiment pratiqué?
Peut-être faut-il un certain courage pour accepter de laisser une lignée s'éteindre, plutôt que de certifier des gens dont on n'est pas sûr vraiment.
M'est avis que ce n'est pas forcément inutile, et que c'est même un karma très spécifique du zen : souvent ceux qui ont laissé la lignée s'interrompre à travers eux, ont eu une renommée bien plus grande, liée à leur présence, leur rayonnement spirituel.....faut avoir la foi vraiment pour oser cela!

Moines du zen d'aujourd'hui

"Récemment, des moines
Ont étudié longtemps le zen,
Ont appris des tas de choses.
Ils peuvent prècher de toutes les manières
Et ainsi ils se prétendent capables.
Par contre chez moi, "nuages fous",
Qui suis incapable, il y a du goût.
Dans ma marmite aux pieds cassés,
Il n'y a qu'une certaine quantité de riz."
Jean

Il semblerait qu'il y a des niveaux de réalisations et des réalisations différentes.

A partir de quelle réalisation ou quelle sorte de réalisation est nécessaire pour qu'un enseignant soit considéré comme compétent?

C'est difficile à définir.

Chez les Tibétains, le top du top serait la capacité de transformer son corps en arc en ciel... Mais il y a peu de maîtres qui ont réalisé cela, s'il est vrai qu'ils l'ont réalisé. Comme j'aime bien la sciencce fiction, les livres de Philipp K Dick, je suis ouvert à cette éventualité, je dirai même que ça me plait bien. Mais je me disputerai avec personne pour établir que c'est vrai ou pas.

C'est une histoire de foi et confiance. On adhère ou on adhère pas. Mais je ne crois pas que cela soit d'une grande importance dans la vie et la pratique quotidienne. On peut le voir comme de la poésie, du mervielleux, de la spiritualité fiction.

Il y avait un livre qui s'appelait le "livre des maitres" avec les maitres qui se matérialisaient, se dématérialisaient. Babaji, une sorte de yogi primordial, en était le Maître suprême qui vivait somewhere in ze himalayas.

Stan Lee, le créateur des Marvel Comics, s'en était inspiré pour créer le super héros Dr Strange, maître des arts occultes et mystiques.
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Flocon
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lausm a écrit :Mais Ikkyu restait au coeur de cette contradiction, n'est-ce pas cela, après tout, le zen vraiment pratiqué?
Je ne sais pas. Je crois qu'à partir d'une certaine période de sa vie, Ikkyû avait résolu ses propres contradictions intimes et qu'il était devenu un homme "sans encombrements", pour utiliser la terminologie classique du Rinzaï. C'est pour cela qu'il pouvait écrire ces poèmes si puissants, si douloureux et si libres, afficher sereinement troubles et problèmes sans se les approprier pour autant, ni demeurer en eux. Mais je l'idéalise peut-être, et c'est sans importance.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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