Ce qui a réellement détourné Siddharta de son ascèce extrême c'est son inefficacité. Le constat était là et Siddharta voyait dans sa chair que cela ne lui apportait ni la libération, ni la vision et ne mettait pas fin à la souffrance.
– Je pensai: 'Quoi qu'aient pu ressentir les brahmanes ou les samaṇas du passé comme sensations douloureuses, tourmentantes, aigües, à cause de leurs efforts, ceci est le pire. Aucune n'a été plus grande. Quoi que pourront ressentir les brahmanes ou les samaṇas du futur comme sensations douloureuses, vives, aigües, à cause de leurs efforts, ceci est le pire. Aucune ne sera plus grande. Quoi que puissent ressentir des brahmanes ou des samaṇas du passé comme sensations sensations douloureuses, vives, aigües, à cause de leurs efforts, ceci est le pire. Aucune n'est plus grande. Mais avec cette pratique d'austérités torturantes, je n'ai pas atteint le moindre état humain supérieur, aucune distinction dans la connaissance ou la vision qui soit digne des êtres nobles. Se pourrait-il qu'il y ait une autre voie vers l'Eveil?' (MN 36)---> Suite plus bas
Mais au dela de ce constat longuement évoqué dans les textes ( voir Mahâ-sihanada Sutta - MN 12 & Mahāsaccaka Sutta - MN 36 ), il y a ce souvenir que Siddharta a évoqué dans sa jeunesse auprès de son père et qui a été déterminant dans son choix de suivre la voie des jhanas comme chemin de l'Eveil et d'accueillir entre autre le plaisir de manger. Par ailleurs, il n'est nullement fait mention de la doctrine d'Anatta à ce stade :
– Je pensai: 'Je me rappelle qu'une fois, alors que mon père le Sakya était en train de travailler, et que j'étais assis à l'ombre fraîche d'un pommier rose, alors, relativement détourné de la sensualité, détourné des états mentaux malsains, j'avais pénétré et demeuré dans le premier jhāna, qui est accompagné d'un plaisir et de pīti nés de l'isolement, et de vitakka-vicāra. Cela pourrait-il être le chemin de l'Eveil?' Alors, en suivant ce souvenir, je réalisai: 'C'est là le chemin de l'Eveil.'
– Je pensai: 'Alors pourquoi ai-je peur de ce plaisir qui n'a rien à voir avec la sensualité, rien à voir avec les qualités mentales malavisées?' Je pensai: 'Je n'ai plus peur de ce plaisir qui n'a rien à voir avec la sensualité, rien à voir avec les qualités mentales malavisées, mais il n'est pas facile de réaliser ce plaisir avec un corps aussi extrêmement émacié. Supposons que je devais prendre de la nourriture solide: du riz et du porridge.' Je pris donc de la nourriture solide: du riz et du porridge. Or cinq bhikkhus m'avaient servi, en se disant, 'Si Gotama, notre samaṇa, réalise un état supérieur, il nous le dira.' Mais quand ils me virent prendre de la nourriture solide – du riz et du porridge – ils furent dégoûtés et ils me quittèrent, en se disant, 'Samaṇa Gotama vit dans le luxe. Il a abandonné ses efforts et est en train de retomber dans l'abondance.'
– Donc quand j'eus pris de la nourriture solide et repris des forces, alors – tout à fait retiré de la sensualité, retiré des qualités mentales malavisées, je pénétrai et demeurai dans le premier jhāna: ravissement et plaisir nés de la séclusion, accompagnés par les applications initiale et soutenue de l'esprit (à l'objet). Mais la sensation agréable qui surgissait de la sorte n'envahissait pas mon esprit et ne persistait pas. Avec l'apaisement des applications initiale et soutenue de l'esprit, je pénétrai et demeurai dans le second jhāna: ravissement et plaisir nés de la concentration, unification de la conscience exempte des applications initiale et soutenue de l'esprit – assurance intérieure. Mais la sensation agréable qui surgissait de la sorte n'envahissait pas mon esprit et ne persistait pas. Avec l'estompement du ravissement je demeurai dans l'équanimité, attentif et vigilant, physiquement sensible au plaisir. Je pénétrai et demeurai dans le troisième jhāna, dont les êtres nobles déclarent: 'Celui qui est équanime et attentif, fait l'expérience de cette félicité.' Mais la sensation agréable qui surgissait de la sorte n'envahissait pas mon esprit et ne persistait pas. Avec l'abandon du plaisir et de la douleur – tout comme pour la disparition préalable de l'euphorie et de l'affliction – je pénétrai et demeurai dans le quatrième jhāna: pureté de l'équanimité et de l'attention, sans plaisir ni douleur. Mais la sensation agréable qui surgissait de la sorte n'envahissait pas mon esprit et ne persistait pas. (MN 36)
