Méditation sur l'esprit: l'instant présent

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Dharmadhatu
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jap_8 Coucou à tous,

Voici un extrait de la section Développer son intelligence dans les enseignements préliminaires à l'initiation de Shri Kalachakra à Barcelone par Sa Sainteté le Dalaï Lama:

Un moyen efficace pour développer la concentration en un point est de prendre la conscience comme objet. Evidemment, méditer sur la conscience ne veut pas dire se concentrer sur le terme "conscience" mais sur la conscience elle-même. Au préalable, il faut donc l'avoir identifiée. Comme cela est assez difficile, il est bon de se livrer à un type de méditation particulier. Dans notre état ordinaire, la conscience est constamment occupée par des perceptions sensorielles ou mentales. En effet, nous sommes perpétuellement distraits par une multitude d'objets extérieurs, avec des formes, des couleurs et des odeurs différentes, ou par des sensations intérieures agréables ou déplaisantes. Ainsi, puisque nos états mentaux sont toujours influencés par des expériences sensorielles ou conceptuelles, la nature fondamentale de la conscience, sa simple luminosité, reste voilée et ne nous apparaît pas. Elle ne se manifeste pas au niveau conscient de l'esprit.

Au cours de cette méditation préliminaire, il faut veiller à ne pas se laisser distraire par des souvenirs ou des projets. On essaiera de rester concentré sur la seule expérience du moment présent. Même si cela paraît difficile, vous parviendrez très graduellement à prendre de la distance par rapport aux souvenirs et aux anticipations. Lorsque vous serez en mesure de maintenir pleinement votre attention dans l'instant présent, vous commencerez à entrevoir un vide, car lorsqu'on ôte le passé et le futur de la conscience, on éprouve une sensation de vide. Grâce à la méditation, vous pourrez progressivement prolonger cette expérience momentanée - cet aperçu initial - et la nature fondamentale de l'esprit - sa clarté - deviendra de plus en plus manifeste. Le mot "conscience" aura alors pour vous un sens très différent. C'est une expérience qu'il faut prendre comme objet si vous voulez développer la concentration focalisée uniquement sur la conscience. Notre esprit plein de souvenirs et de projets est comparable à de l'eau boueuse. Lorsque le contenant n'est plus agité, les particules de terre se déposent lentement au fond et l'eau devient de plus en plus claire. Le vide expérimenté dans la conscience est semblable à la clarté de l'eau.

La méditation qui consiste à identifier la nature de la conscience ne suppose aucune appartenance religieuse particulière. Elle est universelle et peut être adoptée par tous...


Kalachakra, Enseignements préliminaires et initiations, S. S. le Dalaï Lama (Vajra Yogini 1997).

On peut voir ailleurs (Méditation sur l'esprit ou The Gelug/Kagyü Tradition of Mahamudra) que ce vide n'est encore qu'une vacuité d'altérité, à ne pas confondre avec la profonde vacuité de soi.

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FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Jean

La méditation sur la présence amène à l'attention sur la respiration qui est le moyen le plus simple de gouter à l'instant présent.

Comme quoi, nous sommes tous des débutants.
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Dharmadhatu
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Jean a écrit :La méditation sur la présence amène à l'attention sur la respiration qui est le moyen le plus simple de gouter à l'instant présent.
jap_8 Ca peut aller dans ce sens oui, mais dans mon cas de débutant, ça aura été l'inverse, la respiration peut amener l'attention à la présence.

Je pense même que tout peut amener à la présence une fois qu'on a reconnu celle-ci.

FleurDeLotus
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ted

Dharmadhatu a écrit :
Le Dalaï Lama a écrit :Lorsque vous serez en mesure de maintenir pleinement votre attention dans l'instant présent, vous commencerez à entrevoir un vide, car lorsqu'on ôte le passé et le futur de la conscience, on éprouve une sensation de vide. Grâce à la méditation, vous pourrez progressivement prolonger cette expérience momentanée - cet aperçu initial - et la nature fondamentale de l'esprit - sa clarté - deviendra de plus en plus manifeste.

Le mot "conscience" aura alors pour vous un sens très différent. C'est une expérience qu'il faut prendre comme objet si vous voulez développer la concentration focalisée uniquement sur la conscience. Notre esprit plein de souvenirs et de projets est comparable à de l'eau boueuse. Lorsque le contenant n'est plus agité, les particules de terre se déposent lentement au fond et l'eau devient de plus en plus claire. Le vide expérimenté dans la conscience est semblable à la clarté de l'eau.
FleurDeLotus
C'est ce que les theravadins appellent "le royaume du citta".
Subarys avait posté un extrait d'un sutta :
Subarys a écrit :
"Lumineux, ô Bhikkhus, est le citta. Et il est souillé par des souillures externes. La personne ordinaire (Puthujjana) non instruite ne perçoit pas cela comme étant [son état] réel, c'est pourquoi je vous dis que -- pour une personne ordinaire (Puthujjana) non instruite -- il n'y a aucun développement du citta."

"Lumineux, ô Bhikkhus, est le citta. Et il est libéré des souillures externes. Le disciple nôble bien instruit perçoit cela comme étant [son état] réel, c'est pourquoi je vous dis que -- pour un disciple noble bien instruit -- il y a un développement du citta.
"
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Dharmadhatu
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jap_8 Merci Ted.

C'est là qu'on peut voir que tous les enseignements bouddhiques se complètent mutuellement et que nombre d'entre eux se trouvent en substance dans les Discours.

Amitié FleurDeLotus
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
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Shakhyam

"Un moyen efficace pour développer la concentration en un point est de prendre la conscience comme objet."

QUOIIIIII ?? - En entretenant, en renforçant je suppose la discrimination antagonique précisément à la source des souffrances humaines ?…

Cette première préconisation, présentée comme une panacée est en réalité un piège proposée en toute bonne fois par le Dalai Lama et son fidèle relai sur notre site qui entérinent une séparation de principe entre Sujet et Objet en oubliant au passage que de conscience il n’y en a pas UNE mais SIX, HUIT et éventuellement NEUF

Néanmoins, la totalité de cette déclaration citée n’est pas nécessairement négative au travers de la citation suivante : il faut veiller à ne pas se laisser distraire par des souvenirs ou des projets. On essaiera de rester concentré sur la seule expérience du moment présent. Même si cela paraît difficile, vous parviendrez très graduellement à prendre de la distance par rapport aux souvenirs et aux anticipations.

Voilà qui est parfait. Mais alors il faut convenir que l’anticipation karmique nécessaire aux re-naissances, l’accumulation des mérites et le souvenir des actions qui les ont générés sont à bannir des pratiques et raisonnements car nuisibles à l’appréhension de l’instant présent qui contrairement aux désaccords permanents présentés, ailleurs, par l’auteur du présent article se présente sous le mode de l’apparaître/disparaître.




FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Jean

Dans le film "Total Recall 2", une histoire de SF avec reprogrammation de la mémoire, il est bien dit à celui qui a eu sa mémoire reprogrammée que la seule réalité était l'instant présent. Il y avait aussi quelques représentations du Bouddha qui trainaient dans le décor, puis tout a explosé, mais le héros s'en est sorti. Ouf!!!!

Des gens qui ont perdu la mémoire aprés un accident ont-ils retrouvé leur ancienne personnalité? Il y a eu des études à ce sujet?
Shakhyam

Je ne sais si la comparaison est très pertinente dans la mesure où dans le film Total Recall 1 ou 2, que je n'ai pas vu, la seule perspective des dirigeants est d'empêcher l'ensemble de la population de réfléchir sur l'exercice du pouvoir, le mettre en perspective amont ou aval et éventuellement de le changer, d'où évidemment la tentation de ramener les Hommes au niveau le plus bas de la réflexion : le présent - Tel est le cas, par ailleurs, dans la littérature au travers du Meilleur des Mondes et de 1984 et d'un autre film, Brazil

Tel n'est pas le cas dans une perspective bouddhique. Il ne s'agit aucunement de restreindre les capacités humaines mais d'aider à leur épanouissement jusqu'à l'Eveil dans une perspective progressive ou d'en favoriser la réalisation abrupte dans une perspective subite. L'instant présent est non seulement fondamental mais fondateur de la réalité quelqu'en soit sa forme par ailleurs car il est loisible à chacun d'entre nous de se rendre compte que l'oubli de l'éternel présent est fondateur d'un monde coupé de sa source dont la SF nous montre précisément les outrances.

En d'autres termes, la forme apophatique du langage est le seul vecteur capable de rendre compte du monde sans s'enfermer dans une positivité réductrice et s'ouvrir sur une positivité, négative dans les termes mais positive dans son but à savoir, l'expression de la fonction élaboratrice du réel, empreinte de vacuité et y retournant, sans fin.

Et à ce titre, je ne pense pas que la discrimination (séparation) entre un sujet qui prend " la conscience comme objet" et lui-même soit une méthode libératrice. Au contraire, elle enferme dans un monde d'objet réifiés en croyant s'en extraire et ne fait ainsi qu'en renforcer la prégnance.



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
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Dharmadhatu
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Shakhyam a écrit :Un moyen efficace pour développer la concentration en un point est de prendre la conscience comme objet."

QUOIIIIII ?? - En entretenant, en renforçant je suppose la discrimination antagonique précisément à la source des souffrances humaines ?…

Cette première préconisation, présentée comme une panacée est en réalité un piège proposée en toute bonne fois par le Dalai Lama et son fidèle relai sur notre site qui entérinent une séparation de principe entre Sujet et Objet en oubliant au passage que de conscience il n’y en a pas UNE mais SIX, HUIT et éventuellement NEUF
jap_8 Merci pour cette remarque. Je suis très flatté de savoir être à tes yeux un fidèle relais de la parole éveillée de Sa Sainteté.
:idea: Il existe des débats dans la tradition indo-tibétaine sur la question des différentes consciences. L'école Prasangika par exemple réfute en général qu'il puisse exister plus de 6 consciences. Selon la vue des Anuttarayoga Tantras, la conscience mentale est distinguée en plusieurs types principaux, 4 en général, des plus grossières aux plus subtiles (si tant est qu'à ce niveau on puisse parler de consciences "grossières"). L'épistémologie bouddhiste peut distinguer en plus de types de consciences. Sa Sainteté évoque ici l'esprit primordial grossier, tel qu'il le rappelle dans The Gelug/Kagyü Tradition of Mahamudra (que j'ai l'espoir de traduire un jour):

Les systèmes Anuttarayoga Tantra de Kalachakra et Guhyasamaja, considérés en général, ont un moyen d'expliquer comment l'esprit de claire lumière émerge, qui diffère quelque peu par rapport à celui que l'on trouve dans le Dzogchèn. L'un des enseignants de Akou Shérab Gyatso, Gyelrong Tsulthrim Nyima, dans Une dernière lettre testament lancée dans le vent, un commentaire du texte du Mahamudra du 1er Panchen Lama, a fait la distinction entre nos types d'esprit primordial: grossier et subtil. Quand nous considérons que nos niveaux d'esprit grossiers sont fuyants [fleeting], il ne nous est pas possible de les désigner comme primordiaux. En général, "primordial" renvoie à quelque chose qui n'a jamais été et ne peut jamais être transitoirement contaminé par des causes et des circonstances. Normalement, nous faisons référence à l'esprit primordial comme étant une conscience de claire lumière qui émerge après que les plus inconscientes et subtiles expériences d'apparence, de solidification, et d'imminence ont cessé. Par conséquent, le mot "grossier" dans l'expression "esprit primordial grossier" ne peut pas s'appliquer aux niveaux temporaires de conscience tels que la claire lumière quand elle est co-émergente à ces trois apparences les plus subtiles, puisque 'primordial' et cette acception de 'grossier' sont mutuellement exclusifs.

Gyelrong Tsulthrim Nyima a expliqué les types d'esprit primordial grossier et subtil dans le contexte du système Mahamudra. Selon cette présentation, la caractéristique unique du Mahamudra est son emploi d'une compréhension décisive de la nature vide de l'esprit primordial grossier comme une aide spéciale et non-commune pour manifester l'esprit primordial subtil. Cela donne beaucoup à réfléchir concernant la présentation que fait le 1er Panchen Lama de la technique Mahamudra consistant à reconnaître d'abord la nature conventionnelle de l'esprit primordial de claire lumière en tant que sa simple clarté et cognition [awareness] - qui est sans aucun doute l'esprit primordial grossier - et en venir ensuite à reconnaître la nature la plus subtile de l'esprit de claire lumière - sa vacuité d'existence intrinsèque. Par exemple, voir que la conventionnelle nature de clarté et cognition s'applique à tous les types de conscience, comme la nature de l'eau demeurant la même dans des contenants aussi bien purs que boueux, nous aide à voir que la vacuité, en tant que nature la plus subtile, est aussi présente dans tous les types de conscience. Ceci nous donne aussi à penser à la différenciation effectuée dans le Dzogchèn entre la conscience pure rayonnante * et la conscience pure de base **, ainsi qu'à la technique consistant à reconnaître la première afin de reconnaître la seconde.


_______________________
* tib. rigpé tsel (n. d. t.)
** shi'i rigpa (idem).

(Snow Lion, pp. 226 - 227).
Néanmoins, la totalité de cette déclaration citée n’est pas nécessairement négative au travers de la citation suivante : il faut veiller à ne pas se laisser distraire par des souvenirs ou des projets. On essaiera de rester concentré sur la seule expérience du moment présent. Même si cela paraît difficile, vous parviendrez très graduellement à prendre de la distance par rapport aux souvenirs et aux anticipations.

Voilà qui est parfait.
Très heureux de te savoir d'accord, car comme l'explique Daniel Perdue dans l'immense Debate, les pratiques zens ne sont autres qu'une reconnaissance pleinière de la nature de l'esprit, il faut entendre la même "présence" du Mahamudra sutrique et la même claire lumière fille reconnue dans le Maha Sandhi, pratiques illustres du Bouddhisme indien (et par voie de conséquence, tibétain aussi).

La spécificité des pratiques tantriques du Mahamudra et des pratiques relevant du niveau des Anuttarayogas est de rendre pleinement manifeste la claire lumière mère (la darone, comme l'appelle Jean. :lol: ). Dans cet état, vécu par les yogis qui peuvent demeurer en t'ouk dam (observé par des médecins récemment), tous les souffles subtils sont résorbés dans le canal central, et il est question de l'eau versée dans de l'eau, pour illustrer l'évènement vécu.

Même dans le Mahamudra des Sutras où le pratiquant est présence naturelle, claire et vaste, et qu'il tente ensuite d'être la présence la plus subtile en réalisant sa nature profonde, il est question de l'eau pure versée dans de l'eau pure. Que pourrait-il bien y avoir à différencier ?

Il est donc tout à fait normal que nous tombions ok là-dessus puisque l'évènement vécu par le pratiquant zen ne peut pas être différent, ni par sa compréhension de la vacuité (svabhava-shunyata), ni par le niveau de conscience, de l'évènement vécu par un pratiquant du Mahamudra des Sutras qui en est à la reconnaissance de la nature primordiale grossière de l'esprit, par exemple.

Nota bene: Ce type de pratique est sensée permettre une "désaisie" par rapport aux intellections, ce qui n'est déjà pas mal. Comme le Bouddha ou son fils spirituel Nagarjuna qui proclament une vue sans avoir eu jamais prononcé un seul mot...
Mais alors il faut convenir que l’anticipation karmique nécessaire aux re-naissances, l’accumulation des mérites et le souvenir des actions qui les ont générés sont à bannir des pratiques et raisonnements car nuisibles à l’appréhension de l’instant présent qui contrairement aux désaccords permanents présentés, ailleurs, par l’auteur du présent article se présente sous le mode de l’apparaître/disparaître.
Comment en convenir à moins d'être en porte à faux par rapport au Bouddhadharma ? L'apparition et la disparition n'ont aucune existence ultime, cependant ne pas les reconnaître pour ce qu'elles sont (= effectives au regard des conventions mondaines; lokavyavahara; arthakriya en sanskrit) revient à être en porte à faux vis à vis de la réalité, à moins de vouloir faire entendre que ce qu'enseigne le Buddhadharma sur les principes fondamentaux est erroné par rapport à son objet d'engagement (les référents des termes, ici: le tel quel). Ce qui reste largement à démontrer.

Nier l'efficience de la causalité au niveau conventionnel n'apporte rien de bon, pas vrai ? Ce serait nier les 4 Vérités des Aryas puisqu'elles impliquent la causalité (dukkha, dukkha samudaya, etc...

viewtopic.php?f=61&t=6813

FleurDeLotus
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anjalimetta Le véritable instant présent, suite:

On peut autrement choisir comme objet de concentration en vue de la quiétude l'esprit lui-même. L'"esprit" désigne ici la conscience qui ne cesse de se perpétuer. La plupart du temps, la pensée est dispersée au-dehors, et comme on n'est pas constamment en train d'observer l'essence de son esprit, lorsqu'il faut le définir, cet esprit, on est juste capable de répéter que l'esprit, ou plus précisément la conscience, est une simple expérience de connaissance et de clarté.

Il est difficile de se représenter dans l'expérience elle-même la nature claire, connaissante et "expérientielle" de l'esprit. On ne parvient pas à s'en former la moindre idée. Il faut essayer et encore essayer de faire l'expérience des qualités de connaissance et de clarté propres à la conscience.

L'esprit suit de très près les objets extérieurs: les formes, les sons, les odeurs, les saveurs et les tangibles. La conscience visuelle, par exemple, est celle qui appréhende les formes. La pensée qui se représente la forme semble elle-même avoir une forme. S'il en est ainsi, l'essence claire et connaissante de l'esprit est voilée par la forme. Il faut donc renoncer aux souvenirs, à toutes ces pensées où l'on évoque telle ou telle expérience passée, en ne leur permettant pas de revenir et en les bloquant, de même qu'on ne laissera pas libre cours aux espoirs et aux craintes relatifs au futur.

Prenons l'exemple d'une rivière. On ne peut pas, pendant qu'elle court, en voir le lit. Si l'on arrête le courant un bref instant, il n'y a plus d'eau qui dévale, et quand ce qui est déjà tombe a disparu, on voit le sol, le lit du cours d'eau. De la même façon, lorsqu'on a interrompu le flot ininterrompu des pensées, quand on écarte le déferlement continu, tel le flot d'un torrent, des pensées perpétuelle, on dirait un vide, mais ce n'est pas le vide de la vacuité; c'est plutôt le vide dont il s'agit lorsqu'on dit, par exemple, que "le temple est vide de moines".

Ainsi, c'est soudainement le vide lorsque s'arrête ce que le discours intérieur remplissait. Lorsqu'on parvient à prolonger cet instant de vide, à un moment ou à un autre, on fera l'expérience des qualités de connaissance et de clarté qui définissent la conscience.


Pacifier l'esprit, S.S. le Dalaï Lama (p. 138-9).

On peut voir que le contexte est celui de la méditation et qu'il ne faut pas négliger la post-méditation. Sinon, on transformera la "quiétude" (shamatha) en un système de non-pensée appelé quiétisme.

On peut voir aussi que reconnaître la nature cognitive de l'esprit n'implique pas automatiquement la réalisation de la vacuité car, en cette occurrence, la vacuité de l'esprit (même dans ses niveaux les plus subtils des Anuttarayogas) est une vacuité d'altérité. Et donc que l'examen analytique quant à l'essence de l'esprit (ou plutôt de sa non-essence, nihsvabhavata) est indispensable.

Tout cela pour dire qu'il n'y a d'objectivation que purement nominale (le terme est seulement le doigt indiquant la Lune); et que lorsque la nature, même grossière, de claire cognition de l'esprit, est reconnue, alors les concepts sont tout autrement perçus. Ainsi, comment le ciel pourrait-il être perturbé par les nuages ?

FleurDeLotus
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