Cependant un courant animé par quelques philosophes audacieux dont BRENTANO et HUSSERL vont relever le défi de la scientificité dont la philosophie n'a pas à se priver par principe. Ce sera la Phénoménologie.
Qu'elle est-elle ? Elle se définit à partir d'une définition que va en donner BRENTANO : « Le caractère propre du fait psychique est de se rapporter à un objet », phénomène physique qui n'a qu'une existence intentionnelle car seuls les phénomènes psychiques possèdent une réalité effective.
Il semble donc que le caractère psychologisant soit encore très marqué. HUSSERL va reconnaître que la Connaissance est un vécu psychique en s'interrogeant cependant sur sa véritable adéquation avec l'objet connu dont il remarque la facticité « naturelle » considérée comme donnée à priori. Il met ainsi l'accent sur l'évidence de la cogitatio dont toute connaissance procède par le concept de présence-en-personne entendu comme évidence immédiate qui pose les objets et les objectivise de façon transcendante.
Cette transcendance posée va, par un phénomène de feed-back, revenir sous forme de principe, de règles morales de conduite au travers des exigences posées notamment par la vie sociale et par la-même va recouvrer un caractère d'immanence sans que pour autant soit éclaircie la possibilité de connaître la propriété attribuée à la connaissance ou au savoir d'atteindre un être transcendant. Autrement dit, HUSSERL prétend que la connaissance est autre chose que l'objet de connaissance et tentera cependant de démontrer l'inutilité d'une quelconque référence transcendante voilant l'accès à la connaissance du phénomène.
Comment ? Par l'affirmation d'une cogitation claire et distincte définie par DESCARTES d'un phénomène qui ne vise rien d'autre que lui-même, qui ne sert aucunement d'alibi à une quelconque démonstration extérieure à lui-même, en fait, par ce qui est donné-en-personne, en soi. C'est l'absolu évidence d'une cogitation de l'absolue présence en personne, débarrassée de l'ensemble des scories transcendantes surajoutées qu'avait généré la simple connaissance naturelle qu'HUSSERL va définir comme réduction phénoménologique.
C'est ainsi que va être reprise l'intentionnalité posée par BRENTANO dans la mesure où toute connaissance va résulter d'une intentio qui vise quelque chose et va en définir le champ et la portée. En même temps la phénoménologie va se retirer de l'attitude « naturelle » par la suspension du jugement pour ne plus s'intéresser qu'à l'objet sans projection égotique ni finaliste et ne la considérer qu'en tant que réflexive.
Quel rapport avec le Bouddhisme ? Il me semble évident par le rejet de toute transcendance entendue comme superstructure ajoutée à une approche naturaliste de la Nature et des rapports humains. Le bouddhisme l'appelle « illusion » et en fait le mobile, la raison et la finalité de son enseignement quelques soient les écoles, notamment par ce qu'il appelle « les trois domaines » qui correspondent à l'articulation des sens, des objets et des consciences et l'on voit aisément que ce qui intéresse les deux approches résulte plus de la méthode/moyens habiles employée que des objets qui les constituent.
L'autre point de convergence me semble être les concepts de « présence-en-personne » et UJI (le temps-qu'il-y-a) qui, chacun en ce qui le concerne, pose le Réel en-deçà et au-delà des diverses transcendances dont on l'affuble afin d'en découvrir la Nature dont le bouddhisme dira qu'elle est interdépendante et impermanente. C'est ainsi que les notions de commencement du monde et de sa fin seront exclues du discours bouddhique dans la mesure où ces évènements (!!!) ne sont d'aucune utilité pour la délivrance.
Evidemment les deux disciplines font appel et exigent l'esprit clair et distinct tel que le réclamaient DESCARTES et HOUANG-PO afin de comprendre et découvrir les méandres de l'Esprit qui s'égare dans ses propres créations, d'où le respect scrupuleux de la méthode et le rappel incessant à « l'esprit UN » avec l'introduction du concept d'intentionnalité, fondamental pour leur compréhension. En effet, que ce soit la Connaissance ou la Délivrance, elles n'arrivent pas sans effort et encore faut-il que leur champ d'application soit ouvert, c'est la fonction dévolue à l'intentionnalité en tant que prédisposition à.... qui débouchera sur une intention et une série d'action présente à elle-même.
Pour avoir participé au fil « Bouddhisme athé » il me semble que la comparaison avec la phénoménologie offre un champ d'application idéal pour retrouver un bouddhisme fondamental et fondateur débarrassé des idéologies aliénantes, même si des millions de personnes les pratiquent. Elles ne m'interdiront pas, en toute occurrence, de m'exprimer. Par contre si elles veulent confronter, je suis à leur disposition.

