UN JARDIN
A une époque lointaine où la Sagesse régnait en Asie, un Maitre et son disciple marchaient sur une des allées de gravier blanc d’un extraordinaire jardin Zen, où partout régnaient la beauté et l’harmonie.
Partout était l’équilibre des couleurs et des tons. Des papillons voletaient emplissant l’espace de leur nuance de bleu et de jaune. Quelques insectes pressés, passaient de fleurs en fleurs.
L’air ambiant était empreint d’une grande douceur et du parfum du jasmin bordant le chemin.
Le Maitre, malgré son grand âge, marchait d’un pas léger, à côté de lui, Chen-Yu, son disciple le plus avancé, qui le suit avec un plaisir évident plein de respect …
Ils allèrent ainsi jusqu’au moment où Chen-Yu rompit le silence.
"Mon Maitre, j’aimerai que vous me fassiez par de votre sagesse sur un point sur lequel je me questionne depuis plusieurs jours en venant dans ce merveilleux jardin"
Le Maitre, le regard plein de bonté, l’invita à poursuivre.
"Pourquoi la vie du commun des mortels n’est pas à l’image de ce merveilleux jardin"
Il appuya ses mots d’un geste de la main désignant l’espace autour de lui.
Le Maitre pris le temps d’arriver sur le banc de pierre où il avait coutume de venir méditer l’après-midi.
Après quelque seconde il dit :
"Mon bon Chen-yu, tu dis que ce jardin est parfait, mais je te le dis, il ne l’est pas… Il manque quelque chose pour qu’il le soit"
Le disciple examina autour de lui l’air surpris et ne vit rien qui ne puisse venir étayer les dires de son Maitre dont les affirmations étaient toujours fondées. Il connaissait son immense Sagesse et il savait qu’il avait raison.
"Maitre, avec votre autorisation, je vais m’en vais rendre ce jardin parfait"
"J’ai toute confiance en toi mon disciple, je te sais assez sage pour être à la hauteur de cette entreprise"
Chen-yu, l’âme légère et arborant un large sourire, partit à la recherche de ce qui rendait ce jardin imparfait, non sans avoir salué le vieil homme.
Le vieux Maitre avait sorti d’une de ses manches, un long rouleau dont il entreprit la lecture à voix haute.
Chen-yu pris du temps pour examiner tout le jardin, en long et en large.
C’est avec un grand plaisir qu’il ramena, presqu’une heure plus tard, dans une petite corbeille en osier, quelques feuilles et brindilles sèches.
Il s’approcha lentement de son Maitre et s’inclina devant lui.
"Mon Maitre, une fois encore vous aviez raison, je loue votre sagesse"
Il montra les quelques feuilles qu'il avait trouvé.
Le Maitre examina la corbeille puis regarda son disciple
"Mon bon Chen-Yu, tu t’es donné beaucoup de mal, je t‘ai vu à l’œuvre mais, je te le dis, ce merveilleux jardin n’est encore pas parfait"
"Mon Maitre, je puis vous l’assurer, j’ai fait le tour de ce jardin, il n’y a plus une feuille au sol, ni une seule brindille. Ce jardin est parfait. Cependant je connais votre sagesse et j’ai toute confiance en vous. Alors, une fois encore je pars œuvrer pour que ce jardin soit, cette fois, parfait."
"Tu as tout mes encouragements, vas !"
Chen-yu s’éloigna de son Maitre le sourire aux lèvres, non sans l’avoir salué de nouveau.
Il examina partout, souleva chaque branche de chaque fourré. Une longue demi-heure passa sans qu’il ne trouva rien mais il continua sa quête.
Au bout d’une heure, il revint souriant prêt de son maitre, heureux du travail qu’il avait fait. Il e salua avec respect
"Mon maitre, vous connaissez mon sérieux et je peux vous dire avec assurance qu’il n’y a plus dans ce jardin la moindre feuille jaunie au sol, ni la moindre brindille sèche. Je peux dire mon Maitre, que cet endroit ravirait Boudha lui-même"
Tout en disant cela il montra le butin qu’il avait ramassé : 2 minuscules feuilles jaunes !
"Mon bon Chen-Yu, je connais ton sérieux tu peux en être sur et je sais que si tu me dis que dans ce jardin il n’y a plus une feuille morte sur le sol ni la moindre brindille jaunies, je te crois, cependant mon apprenti, je te le dis, malgré toute ta bonne volonté et l’énergie que tu as déployé, ce jardin n’est toujours pas parfait !
Chen-yu examina autour de lui, un peu perdu.
" Mon apprenti, ne sois pas troublé, tu a acquis une grande sagesse depuis toute ces années que tu as passé en ma compagnie. Je sais que tu as la capacité de résoudre ce qui te semble un mystère. Réfléchies un instant, calme tes pensées et retrouve ton calme intérieur. Tu trouveras la réponse !"
Chen-yu se recueillit un instant jusqu’au moment où il arbora un immense sourire.
"Mon Maitre, votre Sagesse est infinie et l’humble disciple que je suis vous remercie pour la leçon d’aujourd’hui"
Le vieux sage parut satisfait en voyant s’éloigner de lui son apprenti qui marcha jusqu’à un magnifique saule.
Là, il fit quelque chose qui aurait horrifié les 3 jardiniers qui veillent chaque jour sur ce havre de paix.
Il saisit une branche et la secoua vigoureusement.
Le voyant faire, le Maitre Zen partit dans un rire tonitruant
Chen-Yu cessa que lorsqu’autour de lui, le sol fut couvert de feuille.
L’Ancien s’était levé de son banc et s’était rapproché de son apprenti.
"Quelle est cette folie que tu viens d’accomplir là mon bon Chen-Yu ?"
"Mon Maitre, la leçon de ce jour est extraordinaire et je vous en remercie"
"Quelle était-elle mon bon Chen-Yu ?"
"Maitre, j’ai compris qu’à l’image de la vie, ce jardin dois faire preuve d’un peu de désordre pour que l’harmonie céleste soit présente car la vie n’est pas un long fleuve tranquille"
"Un jour je te le dis, tu seras un bon Maitre"
Satisfait, le maitre invita son disciple à continuer la visite de ce jardin, maintenant, parfait.