Certains d’entre vous connaissent peut-être la vielle légende chinoise de l’empereur Houn Toun. Houn Toun était un empereur qui avait une particularité anatomique bizarre. Toutes les portes de ses sens étaient fermées depuis la naissance. Il n’avait ni yeux, ni oreille, ni nez…. Houn Toun était donc dans l’état naturel du « vrai Soi », pareil au « Grand Miroir Parfait » du Dharmakaya puisque nullement altéré par les différentes affaires du monde…
Je ne vais pas raconter l’histoire en entier mais seulement comment elle finit. Deux de ses amis empereurs, pour le remercier d’avoir aider à mettre fin à un conflit qui les séparait, décidèrent de lui faire un cadeau. Ce cadeau, c’était simplement lui offrir la vue, l’odorat, l’ouie… de manière à ce qu’il voit et goûte les splendeurs de la nature. Mais quand ils ouvrirent les portes de sens de Houn Toun, celui-ci mourut immédiatement.

Je vais essayer de vous expliquer en quoi la mort de Houn Toun constitue nos naissances respectives individuelles.
Imaginez un instant que vous êtes comme Houn Toun, et cela depuis votre naissance. C’est évidemment difficile d’imaginer cela puisque vous devez essayer d’oublier votre propre histoire, votre nom, la couleur de vos yeux, le parfum des fleurs… Si vous n’arrivez pas à vous projeter dans la peau de Houn Toun, ce n’est pas grave. L’essentiel est que vous puissiez admettre que vous auriez pu être né comme Houn Toun. Cette situation imaginaire, on la notera S1.
Imaginez à présent qu’un homme, Pierre, né à la même période que Çakyamuni quelque part en Inde, était exactement dans le cas de Houn Toun. Il est donc né aveugle, sourd, muet… Cette situation, on la notera situation S2.
Imaginez également qu’un autre homme, Paul, né au moyen âge quelque part en Europe, était, lui aussi, exactement comme Houn Toun. Il est donc né aveugle, sourd, muet… Cette situation, on la notera situation S3.
Première question : Compte tenu des situations S1, S2 et S3, quelle est selon vous, c'est à dire en vous projetant dans la situation S1, la différence entre Pierre, Paul et vous-même ? Il n’y en a aucune. Il n’est pas possible de distinguer Pierre, Paul de vous-même ni de Houn Toun. Si vous pensez qu’il existe une différence, c’est simplement parce que vous n’arrivez pas à vous imaginer dans la situation S1.
Supposons à présent que l’on fasse à Pierre la même chose que les empereurs amis de Houn Toun lui ont fait, c'est-à-dire lui ouvrir les portes des sens. La différence, c’est que Pierre ne meurt pas. Il découvre le monde, s’y plait plus ou moins. Toujours est-il qu’il va commettre un acte A1. Peu importe que cet acte soit bon ou mauvais.
Supposons aussi que quelqu’un fasse à Paul ce qu’on a fait à Pierre. Et, comme Pierre, Paul découvre le monde, s’y plait plus ou moins et va commettre un acte A2.
Supposons à présent, et ça ce n’est pas difficile, que vous retrouvez votre situation normale, c'est-à-dire celle où vous avez tous vos sens. Vous oubliez donc que vous êtes Houn Toun. Vous n’êtes plus Houn Toun, vous êtes vous.
On fera la supposition suivante : l’acte A1 commis par Pierre a eu des conséquences : celles de faire en sorte que Paul naisse avec tous ses sens. Et l’acte commis par Paul, A2, a eu des conséquences : celles de faire en sorte que vous puissiez naître avec tous vos sens.
Deuxième question : Par qui l’acte A1 a-t-il été commis ? On l’a dit : il a été commis par Pierre. Mais on a dit aussi que, dans l’état Houn Toun, rien ne vous distinguait de Pierre ou de Paul. En effet, dans l’état Houn Toun, vous ne savez pas que vous êtes vous. Vous pouviez donc, sans que cela vous pose le moindre problème, considérer que vous étiez Pierre ou Paul.
Donc, vous avez parfaitement pu commettre l’acte A1 ou encore l’acte A2. Ce qui signifie que vous avez commis un acte A1, en Inde, à l’époque de Çakyamuni qui eu pour conséquence de vous faire naître en Europe, au moyen âge. Et vous avez aussi commis un acte A2 qui vous a fait naître au XXème sièce, là où vous savez.
Cela montre en quoi nous sommes les héritiers de nos propres actes. Tel est notre karma.
A présent, voici un kôan : Sans rien modifier de la situation actuelle, arrêtez les actes de barbarie qu’ont commis tous les hommes de cette Terre ! Si vous savez le faire, la terre ne connaîtra jamais la guerre et vous pouvez vous asseoir immédiatement face au Bouddha Amida. Dans le cas contraire...
Troisième question : comprenez-vous à présent en quoi la mort de Houn Toun constitue nos naissances respectives individuelles ?