La question du Jour (Ajahn Chah)

Lupka

Q: Et les autres méthodes de pratique ? Actuellement, il semble y avoir tant de maîtres et tant de systèmes de méditation différents qu'on ne s'y retrouve plus.
Ajahn Chah a écrit :C'est la même chose que d'aller en ville. Vous pouvez vous en approcher par le nord, par le sudest et par de nombreuses routes. Bien des fois, la différence entre les systèmes n'est qu'extérieure.

Que vous suiviez telle ou telle voie, que vous avanciez rapidement ou lentement, si vous êtes attentifs, en fin de compte, c'est la même chose. Il y a un point essentiel auquel toute bonne pratique doit aboutir à la fin c'est le non-attachement. Pour tous les systèmes de méditation, le point final à atteindre est cette faculté de lâcher ce à quoi on est attaché. On ne peut pas non plus s'attacher à son maître. Si un système aboutit à la renonciation, au non-attachement, c'est qu'il s'agit de la pratique correcte. Peut-être désirez-vous voyager, voir d'autres maîtres et essayer d'autres systèmes. Quelques-uns parmi vous l'ont déjà fait. C'est un désir parfaitement naturel. Mais vous finirez par découvrir qu'en posant un millier de questions et en essayant de nombreux systèmes, vous ne parviendrez pas à la vérité. Puis, un jour, vous en aurez assez. Vous verrez alors que ce n'est qu'en vous arrêtant et en examinant votre propre esprit que vous pouvez découvrir ce dont le Bouddha a parlé. Vous n'avez pas besoin d'aller chercher à l'extérieur de vous-même. Un jour ou l'autre, il vous faudra bien retourner et regarder en face votre propre nature véritable. C'est ici même que vous pouvez comprendre le Dhamma.
Dernière modification par Lupka le 12 mai 2012, 10:11, modifié 1 fois.
Lupka

Q: Est-il nécessaire de rester assis pendant des heures d'affilée?

Ajahn Chah a écrit : Non, il n'est pas nécessaire de rester assis pendant des heures et des heures. Il y a des gens qui pensent que plus on médite en position assise, plus on est sage. J'ai vu des poules rester assises sur leurs nids pendant des jours et des jours! La sagesse provient d'un effort d'attention constant dans toutes les positions. Ta pratique devrait commencer le matin, à ton réveil, et continuer jusqu'au moment où tu t'endors. Ne t'inquiète pas au sujet du temps pendant lequel tu es capable de rester assis. La seule chose qui compte, c'est que tu sois toujours attentif, aussi bien pendant le travail ou la méditation en position assise qu'au moment où tu vas aux toilettes. Chaque personne a sa propre allure naturelle. Quelques-uns parmi vous mourront à l'âge de cinquante ans, d'autres à soixante-cinq ans, d'autres encore à quatre-vingt-dix ans: Ainsi votre pratique ne sera pas la même pour tous. Ne vous inquiétez pas à ce sujet. Contentez-vous d'être attentifs et laissez les choses suivre leur cours naturel. De cette façon, votre esprit deviendra de plus en plus tranquille, quel que soit l'endroit où vous vous trouvez: il sera calme comme l'eau limpide d'un étang dans une forêt. Et vous verrez alors toutes sortes d'animaux merveilleux et rares venir boire à l'étang. Vous verrez clairement la nature de tous les phénomènes (sankhara) de ce monde. Vous verrez de nombreuses choses aussi merveilleuses qu'étranges apparaître et disparaître. Mais vous resterez calmes. Des problèmes surgiront et vous verrez immédiatement à travers eux. C'est cela, la félicité du Bouddha.
Dhammadanam

Q: J'ai toujours énormément de pensées. Mon esprit erre beaucoup malgré tous mes efforts pour être attentif.
Ajahn Chah a écrit :Ne t'inquiète pas pour cela. Essaye de garder ton esprit dans le présent. Quelle que soit la nature de ce qui surgit dans ton esprit, contente-toi de l'observer. Lâche-le. Ne nourris même pas le désir de te débarrasser des pensées. De cette façon, l'esprit atteindra son état naturel. Il n'y aura alors plus de distinction entre bon et mauvais, chaud et froid, rapide et lent. Plus de moi et toi - plus de moi du tout. Uniquement ce qu'il y a au moment présent. Lorsque tu quêtes ta nourriture, tu n'as pas besoin de faire quoi que ce soit de spécial. Contente-toi de marcher et de voir ce qui se présente à toi. Ne t'attache ni à l'isolement ni à la solitude. Où que tu sois, connais-toi toi-même en étant naturel et en observant. Si des doutes surgissent, regarde-les venir et disparaître. C'est très simple. Ne t'attache à rien.

C'est comme si tu descendais une route, te heurtant à toutes sortes d'obstacles. Si tu rencontres des impuretés de l'esprit, contente-toi de les voir et surmonte-les en les lâchant. Ne pense pas aux obstacles que tu as déjà croisés. Et ne t'inquiète pas au sujet de ceux que tu n'as pas encore vus. Reste dans le présent. Ne te fais pas de souci au sujet de la longueur de la route ou de la destination. Tout change constamment. Quelle que soit la nature de ce que tu rencontres, ne t'y attache pas. L'esprit finira par atteindre son équilibre naturel où la pratique s'effectue automatiquement. Toutes les choses naîtront et disparaîtront d'elles-mêmes.
Dhammadanam

Q: Vous avez dit que samatha et vipassana - la concentration et la vision intérieure - sont la même chose. Pouvez-vous expliquer cela plus en détail?
Ajahn Chah a écrit :C'est assez simple. La concentration (samatha) et la sagesse (vipassana) se complètent réciproquement. D'abord l'esprit devient calme en se concentrant sur un objet de méditation. Cette tranquillité de l'esprit ne dure que le temps de la position assise, les yeux fermés. C'est ce qu'on appelle samatha. Or, un jour ou l'autre, cet état de samadhi finit par entraîner l'apparition de la sagesse ou vipassana. A partir de ce moment-là, l'esprit est calme que tu sois assis les yeux fermés ou que tu te promènes dans une ville grouillante d'activité. Pense par exemple au fait qu'autrefois tu étais un enfant alors que, maintenant, tu es un adulte. L'enfant et l'adulte sont-ils la même personne? Tu pourrais dire qu'ils le sont ou, selon un autre point de vue, tu pourrais dire qu'ils sont différents. De la même façon, samatha et vipassana peuvent être considérés comme étant séparés l'un de l'autre. Ou pense au rapport qui existe entre la nourriture et les fèces; on pourrait dire qu'elles sont la même chose, tout comme on pourrait dire qu'elles sont différentes. Ne te contente pas de croire ce que je dis, accomplis ta pratique et vois toi-même. Il ne faut rien de spécial pour cela. Si tu examines comment la concentration et la sagesse apparaissent, tu connaîtras la vérité toi-même. De nos jours, beaucoup de gens se raccrochent aux mots. Ils disent qu'ils pratiquent vipassana, méprisant samatha. Ou, au contraire, ils disent qu'ils pratiquent samatha, disant qu'il est indispensable de pratiquer samatha avant. Tout cela est stupide. Ce n'est pas la peine d'y penser de cette façon. Pratique simplement et tu verras toi-même.
Dhammadanam

Q: Pourriez-vous nous rappeler les points essentiels de la pratique bouddhique?

Ajahn Chah a écrit :En premier lieu, vous devez comprendre comment devenir conscients de votre corps et de votre langage, comment les observer véritablement et comment les utiliser dans votre pratique. En second lieu, vous devez apprendre comment travailler avec l'esprit dans vos efforts de concentration. Autrement dit, cherchez à obtenir la concentration afin de rendre l'esprit tranquille, puis servez-vous de cette concentration pour apprendre. En troisième lieu, vous pouvez apprendre, par la pratique et l'attention, à faire surgir la sagesse qui voit clairement la nature de toutes choses. De cette façon, votre sagesse ne sera dépendante ni d'une situation quelconque ni d'une forme ou d'un endroit particuliers, mais elle sera ce qui imprègne votre évolution à travers le monde.

Une autre manière, pour moi, d'exprimer ce qui est essentiel dans l'enseignement bouddhique, c'est de souligner à quel point il est important que vous commenciez par apprendre à distinguer vous-même ce qui est bien de ce qui ne l'est pas. Je ne dis pas cela dans un sens strictement moral. Il arrive souvent que des gens viennent me voir et me disent: " Nous avons entendu cet enseignement du Bouddha - est-ce correct? ". Ou encore: " Dois-je faire ceci ou dois-je faire cela ou dois-je faire ceci? ". Or, la pratique consiste à apprendre quelle que soit la situation; comment voir soi-même ce qui est bien, ce qui est harmonieux, ce qui est Dhamma, en voyant simultanément ce qui ne l'est pas. La manière d'enseigner du Bouddha était éminemment simple. Mais les gens, bien souvent, n'écoutaient pas ou n'entendaient pas. L'enseignement du Bouddha est celui de la voie du milieu, la voie où l'on apprend ce qui est équilibré, ce qui est Dhamma. Suivre la voie du milieu, c'est éviter d'être bloqué dans les extrêmes quelle que soit la situation. Tant de personnes viennent me voir pour me demander:

" Est-ce la bonne manière de pratiquer? Dois-je faire cela pendant mon séjour dans cet ashram ou dans ce centre? " Ils y suivent ce genre de pratique - " est-ce une bonne méthode? " Vous pouvez poser interminablement ces mêmes questions sans jamais recevoir une réponse qui vous amène au Dhamma. Car ces réponses ne vous amènent jamais dans le Dhamma. La seule manière de trouver le Dhamma est de regarder à l'intérieur de votre propre cœur et de voir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, ce qui est équilibré et ce qui ne l'est pas. Qu'est-ce qui se passe lorsque vous questionnez d'autres personnes? Est-ce que cela entraîne la compréhension, le doute ou l'étonnement? Apprenez à observer le processus même de l'interrogation plutôt que d'être prisonniers de n'importe quel genre de questions comme si elles étaient réelles.

Le Bouddha est toujours parmi nous en train de nous enseigner. Si seulement vous pouviez comprendre. Il y a de la félicité et il y a du chagrin. Il y a du plaisir et il y a de la douleur. Et tout ceci est toujours là. Au moment même où vous comprenez la nature du plaisir et de la douleur, vous voyez le Bouddha, vous voyez le Dhamma. Le Bouddha n'est pas différent de cela. C'est dire que chaque moment où vous faites l'expérience de ce qui est agréable ou de ce qui est désagréable est le Dhamma, est le Bouddha - à condition que vous parveniez à le voir clairement. Mais la plupart des gens réagissent comme des aveugles à tout ce qui est agréable: " Oh, j'aime ça, j'en veux davantage! " Et à ce qui est désagréable: " Va-t'en. Je n'aime pas ça, Je n'en veux plus! " Si vous parvenez à vous ouvrir complètement à la nature de votre expérience de la façon la plus simple qui soit, vous êtes en train de témoigner au Bouddha tout le respect qui lui est dû, vous êtes en train de voir le Bouddha lui-même, de voir le Dhamma, de devenir le Bouddha.

C'est tellement facile, si seulement vous pouviez comprendre. C'est tellement simple et c'est tellement direct. Lorsque des choses agréables se présentent, comprenez qu'elles sont vides. Et lorsque des choses désagréables apparaissent, dites-vous bien que ce n'est pas vous ni à vous: elles s'en iront comme elles sont venues. Ne les considérez pas comme étant vous et ne vous considérez pas vous-mêmes comme étant les propriétaires de ces choses. Il vous suffit de voir cela et votre esprit retrouvera son équilibre. Lorsque l'esprit retrouve son équilibre, c'est que vous êtes sur la bonne voie, que vous suivez l'enseignement du Bouddha, l'enseignement qui conduit à la libération. Bien des fois, les gens s'excitent terriblement, demandant:

..Puis-je atteindre tel ou tel niveau de samadhi ? Ou: "Quels sont les pouvoirs que je peux développer? " Ou encore: " Que peut-on voir dans l'état de samadhi? " Ils ne font que sauter par-dessus ce que le Bouddha a enseigné pour aboutir à un autre endroit qui n'est pas vraiment utile. Vous trouverez le Bouddha dans les choses les plus simples, devant vous, il vous suffit d'être disposés à regarder. Et l'essence de cela consiste en l'établissement de l'équilibre qui à la fois ne retient pas et ne repousse pas. Vous pouvez vous rappeler tout ce que je vous ai dit jusqu'ici comme étant tout simplement les enseignements d'Ajahn Chah. Toutes les personnes ayant de la sagesse comprendront que ceci n'est pas vraiment le Dhamma. Ce ne sont que des mots pour parler du Dhamma. Et si vous pensez que ces mots sont le Dhamma, encore une fois, vous ne saisissez pas. En réalité, des mots tels que ces enseignements ne sont rien d'autre que ce qui vous renvoie à votre propre travail personnel à accomplir. Le Bouddha a atteint l'illumination tout seul. Il n'avait pas de maître. Il l'a fait tout seul. A cet égard, nous sommes tous comme le Bouddha. Personne ne peut le faire pour nous. C 'est quelque chose que nous devons tous, chacun de notre côté, faire nous-mêmes. Nous devons tous nous illuminer nous-mêmes. Je vous demanderai donc d'accepter ces quelques mots et de les prendre en considération si vous les jugez utiles. Mais ce qui compte, c'est que vous compreniez qu'il ne s'agit là que de quelques mots de plus. La vraie pratique n'a lieu que dans vos propres cœurs - c'est ce que vous faites pour vous éveiller à votre propre bouddhéité, comment vous devenez un Bouddha. De nos jours, beaucoup de gens semblent être la proie d'une grande méprise. En Thaïlande, ils viennent me voir pour me demander d'accomplir des cérémonies spéciales comme si cela devait leur faire un bien quelconque. Ou ils viennent me demander de bénir leurs statuettes du Bouddha comme si cela devait leur faire un bien quelconque. Ou - et c'est notamment le cas de vous autres Occidentaux - ils viennent me demander de leur donner des enseignements comme si cela devait leur faire un bien quelconque. Or, en réalité, tout cela n'est qu'une manière de vous insulter vous-mêmes puisque le Bouddha et le Dhamma, la vérité est déjà dans votre cœur. Tout ce que vous devez faire, c'est regarder à l'intérieur de vous-mêmes et vous servir de cela, comprendre cela, travailler avec cela. Alors les choses deviennent très simples. Vous n'aurez plus aucun problème.
Dhammadanam

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Questions & Réponses par Ajahn Chah

Une compilation d’enseignements sous forme de questions/réponses donnés durant la retraite de la saison des pluies à Wat Nong Pah Pong, monastère principal d’Ajahn Chah dans le nord-est de la Thaïlande . Ce travail est tiré du livre Living Buddhist Masters de Jack Kornfield qui fut l’un de ses premiers disciple occidentaux.

http://buddha-sasana.org/questions-reponses/
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