
1) si la réalisation de la vacuité pouvait se passer de l'enseignement du Bouddha, le Bouddha n'aurait jamais enseigné la vacuité et il n'existerait qu'un seul véhicule, celui des Pratyeka-buddhas (et encore: ils ne bénéficient d'aucun enseignement qu'au cours de leur dernière existence), ce qui est bien sûr faux: le Bouddha a enseigné la vacuité dans tous les véhicules par immense compassion à notre égard, qui sommes des êtres ordinaires qui ne savons même pas que nous pataugeons dans le k-k (karma et klesha).Robi a écrit :Un promeneur (sans enseignement quelconque bouddhiste) dans la forêt qui observe la nature sans faire intervenir son "je" son moi son ego réalise la vacuité sans le savoir, il médite (il peut en être envahi de joie, de paix, d'harmonie, de beauté). Là ou le "je" le moi l'ego n'est pas est la méditation (et la réalisation de la vacuité d'un point de vue bouddhiste)
2) on ne peut pas réaliser quoi que ce soit sans le savoir, sinon il ne s'agit tout simplement pas d'une réalisation au regard de l'épistémologie bouddhiste. Sinon le Bouddha dès son tout premier Sutta n'aurait jamais pu dire: Avec la compréhension: "ceci est la Noble Vérité sur dukkha"... "cette Noble Vérité sur dukkha a été comprise", ô bhikkhus... parce qu'il n'aurait pas su qu'il avait réalisé les 4 Vérités !
3) ne pas faire intervenir son "moi" ne veut pas dire grand-chose; a) si ça veut dire que le moi n'est pas manifeste, alors on pourrait se dire: "Inutile de sortir la poubelle avant de partir en vacances puisque son odeur n'intervient pas !"

En effet, au regard du Bouddhisme, le moi peut ne pas être manifeste, cela ne veut pas dire qu'il a disparu (exemple: pendant qu'on roupille): il sera manifeste à la moindre occasion (on sait tous comment ça fonctionne, je n'ai pas besoin de m'étendre là-dessus).
3b) si ça veut dire que le moi a disparu: ça ne joue pas non plus parce que selon le Bouddhisme, nos sens sont trompeurs et donc si on observe la nature, on va l'observer avec un "soi" inhérent de la nature et ce soi de la nature va faire en sorte qu'ensuite on va avoir une adhésion à un moi inhérent (parce qu'il n'y a pas d'objet sans sujet et si on appréhende un objet en soi, on va automatiquement appréhender un sujet en soi par voie de conséquence). Avec les mots de Nagarjuna, ça donne: Tant qu'il y a la saisie des agrégats, il y a la saisie du "je" (Ratnavali - Conseils au roi). Or les agrégats comprennent tous les phénomènes impermanents: comme la forme visuelle d'un paysage, la sensation qu'elle engendre etc...
4) ce n'est pas en observant autre chose que l'absence de soi personnel qu'on réalise le non-soi personnel. Prenons ton exemple: le trekkeur se balade dans la forêt et dans la pénombre il voit un bout de bois tordu qu'il prend pour un serpent. Sursaut ! Peur, mouvement de recul, adrénaline etc. S'il se dit qu'il faut juste observer les oiseaux chanter dans les arbres, ça ne sert à rien. Autre exemple (pour ceux qui ont peur des araignées ! ou du croquemitaine ou de n'importe quoi d'autre): tu as du mal à dormir parce que tu as cru voir une énorme araignée courir sous ton lit. Ce n'est pas en regardant par la fenêtre que tu vas pouvoir t'endormir tranquillement.

D'ailleurs les thérapeutes qui soignent les tocs le savent très bien: il faut que la personne souffrant du syndrome constate que sa maison ne va pas s'écrouler si elle ne lace qu'une fois ses chaussures. Si un enfant écrit "éléfant", seule la connaissance de l'orthographe juste (éléphant), et non pas le fait de connaître l'orthographe correcte de n'importe quel autre mot, peut permettre à l'enfant de ne plus faire cette erreur. Bref, seule une connaissance valide directement antinomique à l'erreur peut éradiquer cette erreur. Ca oui c'est logique ou cohérent (et c'est pourquoi il s'agit du 2ème attribut de la Vérité de la voie). C'est magnifiquement dit par Dharmakirti (Pramanavartika): La certification et la surimposition sont ce qui réfute et ce qui est réfuté.
L'observation de la nature n'est pas un état d'esprit opposé au moi.
5) s'il fallait se passer de méditer de manière analytique parce que le but est une perception directe, le moyen et le but étant différents, alors Djé Tsongkhapa répond: il ne servirait à rien pour nous, êtres ordinaires, de vouloir atteindre l'Eveil puisque nous: êtres ordinaires, et le but "Bouddhas" sont différents (ils sont même mutuellement exclusifs). Tsongkhapa ajoute que de toute façon la causalité ne peut fonctionner que dans la différence. On sait tous qu'une graine n'est pas la même chose qu'une pousse, et qu'elle n'est même pas la même chose qu'une graine germée.
J'aurais encore d'autres arguments, mais par manque de temps etc...


Les éclats de diamant,
La réfutation simultanée de la production des quatre extrêmes et de l'existant, de l'inexistant, des deux et ni l'un ni l'autre,
La réfutation de la production selon quatre alternatives,
Le roi des raisonnements: la preuve de l'existence dépendante,
Et le raisonnement septuple (ou quintuple chez Nagarjuna; pour le soi personnel en particulier):
Bien sûr ces raisonnements nécessitent qu'on ait d'abord compris à quel type de moi ou de soi on a affaire. Par exemple, si on se dit que l'objet de réfutation est la simple personne, alors il serait risqué de méditer le non-soi personnel par peur de disparaître à jamais.

Je vais peut-être publier les raisonnements en détail sur un autre fil parce que le nombre de pages de ce présent fil risque de décourager les chercheurs les plus téméraires.
