Rapport entre les 4 nobles vérités et l'identité bouddhiste

hoshin

@ Hoshin : Lorsque tu parles du doute méthodique, s'agit-il d'une invention personnelle issue de ton expérience personnelle ou est-ce le fruit d'un enseignement dont la source peut être identifiée ?
Il ne s'agit pas d'une invention. C'est issu des enseignements des moines avec lesquels j'ai fait des retraites ainsi que des discussions avec mon maître de méditation.

Le doute méthodique est une manière de dire qu'il ne faut pas croire aveuglément (je m'essaie aux références littéraires: Kalama Sutta), qu'il ne faut pas non plus tomber dans le doute septique (vichikicha nivarana, voir "Vocabulaire pali-français des termes bouddhiques" Nyanatiloka), et qu'il s'agit d'investiguer le message du Bouddha, de le mettre à l'épreuve soi-même (là, je ne retrouve plus, désolé).
S'agit-il de ce qu'on appelle "l'esprit d'investigation" ?
Probablement. Peux-tu expliquer cette notion à fond?
Nous avions justement l'intention de créer une rubrique dans laquelle nous mettrons tout les points de vues personnels
J'essaierai, à l'avenir d'étayer mes propos (qui, comme vous l'aurez compris, ne sont pas des opinions/inventions)...

anjalimetta
kay

hoshin a écrit :
S'agit-il de ce qu'on appelle "l'esprit d'investigation" ?
Probablement. Peux-tu expliquer cette notion à fond?
Non, Hoshin, je ne saurais pas t'expliquer à fond, cette notion.

Mais il s'agit bien de "vérifier l'enseignement du Bouddha, comme l'orfèvre vérifie l'or". Et cela par la pratique méditative.
C'est différent d'une investigation scientifique... car c'est pratiquer et vivre la voie du Bouddha.

Autrement Maître Dogen a dit :

"Etudier la Voie de Bouddha, c'est s'étudier soi-même, s'étudier soi-même c'est s'oublier soi-même".

jap_8
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tirru...
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hoshin a écrit :Le doute méthodique est une manière de dire qu'il ne faut pas croire aveuglément (je m'essaie aux références littéraires: Kalama Sutta), qu'il ne faut pas non plus tomber dans le doute septique (vichikicha nivarana, voir "Vocabulaire pali-français des termes bouddhiques" Nyanatiloka), et qu'il s'agit d'investiguer le message du Bouddha, de le mettre à l'épreuve soi-même (là, je ne retrouve plus, désolé).

Le vocabulaire de Nyanatiloka est une excellente référence effectivement, même si parfois certains termes sont rendus de façon originale, il n'en demeure pas moins fidèle au Dhamma. Merci pour ces explications Hoshin qui m'ont permis de voir un peu plus clair. Il y a un autre terme effectivement pour désigner le doute autre que vicikicchā, il s'agit de kaṅkhā et il renvoi bien à une notion de doute méthodique, toujours selon la même source.

Kaṅkhā : 'Doute', peut être ou intellectuel ou éthique, c'est à dire soit le doute méthodique, soit le doute sceptique, ce dernier étant identique à vicikicchā. Le doute sceptique seul peut être rejeté et est karmiquement mauvais, car il paralyse la pensée et entrave le développement intérieur de l'homme. Les seize doute énumérés dans le Sutta (p.ex M.2) sont les suivant : "Ai-je existé dans le passé ? Ou n'ai je pas existé dans le passé ? Comment étais-je dans le passé ? De quel état dans état ai-je changé dans le passé ? vais-je exister à l'avenir ? Que serais-je à l'avenir ? Comment serais-je à l'avenir ? De quel état dans quel état passerais-je à l'avenir ? Suis-je ? Ou ne suis-je pas ? Comment suis-je ? D'où cet être est-il venu ? Où ira-t'il ?".

°Source : Vocabulaire pali-français des termes bouddhiques" Nyanatiloka Mahathera
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Nous avions justement l'intention de créer une rubrique dans laquelle nous mettrons tout les points de vues personnels
J'essaierai, à l'avenir d'étayer mes propos (qui, comme vous l'aurez compris, ne sont pas des opinions/inventions)...
Merci pour ta compréhension cher Hoshin et merci aussi de m'avoir permis d'éclaircir ce point. Comme tu peux le constater, nous sommes soucieux de maintenir sur ce forum, du mieux que nous pouvons et selon nos moyens et nos connaissances, un minimum de rigueur lorsqu'il s'agit d'évoquer des enseignements et de douter méthodiquement :) pour apporter plus de clarté aux propos et de relier les connaissances à leur source originelle.

jap_8
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hoshin

Il y a un autre terme effectivement pour désigner le doute autre que vicikicchā, il s'agit de kaṅkhā et il renvoi bien à une notion de doute méthodique, toujours selon la même source.
Merci beaucoup pour ce terme!
nous sommes soucieux de maintenir sur ce forum, du mieux que nous pouvons et selon nos moyens et nos connaissances, un minimum de rigueur lorsqu'il s'agit d'évoquer des enseignements et de douter méthodiquement
Oui, j'essaierai d'y adhérer au mieux, dans la mesure du possible...
il s'agit bien de "vérifier l'enseignement du Bouddha, comme l'orfèvre vérifie l'or". Et cela par la pratique méditative. C'est différent d'une investigation scientifique...
C'est particulièrement intéressant, parce que, justement, mon maître de méditation parle de la méditation comme d'une "investigation 'quasi scientifique' de ce en quoi consiste le corps et l'esprit"...

Bien à vous

jap_8
kay

hoshin a écrit :
il s'agit bien de "vérifier l'enseignement du Bouddha, comme l'orfèvre vérifie l'or". Et cela par la pratique méditative. C'est différent d'une investigation scientifique...
C'est particulièrement intéressant, parce que, justement, mon maître de méditation parle de la méditation comme d'une "investigation 'quasi scientifique' de ce en quoi consiste le corps et l'esprit"...

Bien à vous

jap_8
La suite de ma phrase portait sur vivre la pratique et vivre la voie. Car à la différence du scientifique qui observe souvent des choses extérieures à lui, le méditant s'observe lui-même...

La différence n'est pas bien grande, il y a des similitudes. Matthieu Ricard ou Sa Sainteté le Dalaï Lama ont rencontré des scientifiques et il y a eu des discussions et des ouvrages très intéressants à ce sujet, de celui-ci comme : "Les pouvoirs de l'esprit", "l'univers dans un atome". Le maître Thich Nhat Hanh aborde, lui aussi, le côté scientifique... Bref, je n'ai pas tout ça en tête, mais c'est particulièrement intéressant, oui.

Bonne continuation.
jap_8
lausm

Hoshin a très bien formulé ce que je voulais dire.
Pour moi la compréhension des quatre vérités est expérimentale, et le reste d'ailleurs toujours (ce qui signifie que ce n'est jamais acquis).
Et son discours sur le doute rejoint pour moi ce que le zen nous enseigne, à savoir cet esprit d'investigation dont parle Kay, qui n'est ni plus ni moins que cette observation quasi scientifique du corps esprit.
Pour moi, tout enseignement est issu de cette expérience, et si l'enseignement peut aider, en fin de compte il ne sert que pour l'expérience. Tout comme la notice technique de ma voiture ne me sert à rien si je ne conduis pas, sauf à m'apprendre par coeur pour dire que je la connais par coeur! C'est en tous cas comme ça que j'envisage la question de l'enseignement du dharma : ça ne sert pas à nourrir l'intellect pour nourrir l'intellect. Sinon c'est juste un nouveau truc d'ego, c'est jouer à construire l'ego.
je pense que ça rejoins aussi ce que Dume disait à propos du doute sans sa pratique du zen rinzai.
C'est pour cela que je ne peux une seconde penser que le bouddhisme est une question identitaire : ce point de vue est un point de vue énoncé en regardant l'expérience de l'extérieur. Or dans le bouddhisme on observe et on est observé en même temps : observateur et observé ne sont pas séparés, tout en n'étant pas confondus. Cela tranche à la racine tout question d'identité qui repose toujours sur des critères énoncés de l'extérieur de l'objet concerné.
Donc les quatre nobles vérités, s'ils sont un pilier important, sont une conséquence de la pratique avant que d'être une cause de celle-ci. On peut commencer par là, mais à moment donné la compréhension doit dépasser le stade intellectuel, et cela ne peut aller sans voir où en soi existe sa souffrance et son au-delà de la souffrance.

En fait on commence par pratiquer la quatrième vérité avant de connaître la première!!
Mais c'est tout le charme de cette pratique d'être et pleine d'énoncés paradoxaux, et de pouvoir l'aborder par des endroits différents!!

Allez savoir ce qu'est le vrai bouddhisme!!
Pour ma part, je suis bien en peine de le dire!
Et en plus je pense que ce n'est pas l'objet de la pratique que de le définir, sa définition se fait par sa pratique elle-même!
Iskander

lausm a écrit :C'est pour cela que je ne peux une seconde penser que le bouddhisme est une question identitaire : ce point de vue est un point de vue énoncé en regardant l'expérience de l'extérieur. Or dans le bouddhisme on observe et on est observé en même temps : observateur et observé ne sont pas séparés, tout en n'étant pas confondus. Cela tranche à la racine tout question d'identité qui repose toujours sur des critères énoncés de l'extérieur de l'objet concerné.
Le Bouddhisme en tant que question identitaire n'est pas seulement qu'un point de vue externe. Il peut tout aussi bien être interne. Et d'ailleurs, le fait qu'il soit externe n'enlève en rien de sa pertinence.

Par exemple, celui qui suit la voie de la bouteille peut mourir de cirrhose sans jamais vraiment prendre conscience de son identité d’alcoolique. Ce manque de consolidation identitaire interne n'empêche pas un point de vue externe de se développer, et n'enlèvera pas la légitimité du point de vue externe.

En réalité, la question identitaire apparaît dès que dans un contexte social on remarque une différence entre soi et l'autre. Que la réalisation vienne de soi (interne), ou de l'autre (externe) n'empêche le processus. Or le Bouddhisme est un phénomène éminemment social, même si cela ne constitue (pas du tout) la totalité de sa portée.

Bref, une identité est un phénomène à deux sens. Il vient de l'intérieur ou de l'extérieur, et émerge toujours d'une différence dans le corps social
hoshin

Le vocabulaire de Nyanatiloka est une excellente référence effectivement, même si parfois certains termes sont rendus de façon originale, il n'en demeure pas moins fidèle au Dhamma.
Tiens! As-tu une autre référence pour une manière plus classique de donner sens aux termes pali?
Pour moi, tout enseignement est issu de cette expérience, et si l'enseignement peut aider, en fin de compte il ne sert que pour l'expérience. Tout comme la notice technique de ma voiture ne me sert à rien si je ne conduis pas, sauf à m'apprendre par coeur pour dire que je la connais par coeur! C'est en tous cas comme ça que j'envisage la question de l'enseignement du dharma : ça ne sert pas à nourrir l'intellect pour nourrir l'intellect. Sinon c'est juste un nouveau truc d'ego, c'est jouer à construire l'ego.
Oui, je me sens assez proche de cela...
C'est pour cela que je ne peux une seconde penser que le bouddhisme est une question identitaire
Je dirais que le bouddhisme devient une question identitaire lorsqu'on "revient" dans le monde conventionnel où règne les concepts. Quand je médite, si je me dis que je suis bouddhiste, je prends conscience de cette pensée, et elle s'évapore.

Bonne journée à vous!
lausm

Oui, c'est exactement le sens de ce que j'ai dit dans le post précédent.
Faire du bouddhisme une question identitaire est surtout une question pour ceux qui ne pratiquent pas et ont besoin de le caser dans une case conceptuelle de leur esprit.
Pour ma part, il y a la pratique, même l'usage du mot bouddhiste, je l'utilise par exemple ici, mais il ne me satisfait pas plus que ça.

D'ailleurs, j'ai constaté que pour ce qui est du zen en France, à partir où certains ont voulu utiliser le terme de bouddhisme zen de façon plus officielle, cela a fait émerger beaucoup plus de problèmes, de désaccords, de troubles, que ça n'a nourri la pratique ni aidé les pratiquants sur le terrain.

Mon zafu est-il bouddhiste?? :mrgreen:
tongra

Le nom et la forme sont le début des ennuis.
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