Sans renaissances quel est l'intérêt du Dharma ?

Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Jean a écrit :Pour un jour n'être plus attaché particulièrement ni à la non pensée, ni à la pensée.
jap_8 Oui, et d'ailleurs Gyelwa Longchenpa dit dans son Samten Ngelso que ceux qui s'attachent à la non-conception sont des sots.

Il n'avait pas sa langue dans sa poche., :lol:

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Iskander

ted a écrit : Faut-il rappeller que ce que le Bouddhisme appelle Samsara, est le cycle des renaissances ? :D
Bien sûr, et pas que pour le Bouddhisme, la plupart des religions indiennes admettent le cycle des renaissances. Je ne conteste absolument pas ce fait.
La coproduction conditionnée est inséparable du cycle du samsara qui est le cycle des renaissances. Car elle le décrit.
Pas si vite: la coproduction conditionnée est la théorie postulée par le bouddha comme produisant les phénomènes (physiques ou psychiques). Elle s'applique tout autant à l'existence d'un verre que l'apparition/disparition d'un sourire, ou le déclenchement/extinction d'une dispute.

Maintenant la description typique du fonctionnement du samsara en douze maillons qui s’enchainent n'est que l'application du principe de coproduction conditionnée au fonctionnement du samsara (mais à l'origine c'était le fonctionnement de la production de dukkha). On pourrait tout aussi bien appliquer le principe de coproduction conditionnée au déroulement d'une dispute, ou à la formation des galaxies.

N'oublions pas non plus que cette formulation en douze maillons est historiquement tardive, et que les formulations les plus anciennes n'en avaient que huit ou moins, des ajouts ultérieurs étant par exemple le nom et la forme, les sphères sensorielles, la naissance, la vieillesse et la mort. N'oublions pas non plus que avec le temps on a eu tendance à voir ces maillons comme des éléments successifs d'un cycle (dont celui des renaissances), c'est à dire que chaque maillon est relié au suivant par un lien causal et temporel, alors qu'en réalité il faudrait voir ces éléments comme les rayons d'une roue qui sont tous nécessaires au temps t pour que la chose se manifeste: il n'y a donc pas de lien causal ou temporel, mais de condition.

De ce que j'ai compris des écritures, le bouddha applique le principe de la coproduction conditionnée pour expliquer la formation de la dukkha, c'est à dire lors de l'enseignement de la deuxième noble vérité. Il décrit les rayons de la roue qui sont présents pour qu'il y ait dukkha. Plus tard cela a dérivé vers un cycle causal et temporel, pour venir s’enchâsser avec la notion de renaissance. Pourtant de prime abord il n'y a pas de lien immédiat entre la question de dukkha et celle des renaissances.
Par ailleurs, l'erreur à mon sens, est de considérer d'une part que l'individu se désagrège en permanence, à chaque instant, mais d'autre part, qu'il y aurait une sorte de désagrégation finale qui elle, serait définitive. Pourquoi cette milliardième désagrégation serait-elle définitive ?
Parce qu'elle est de nature différente: le feu brule en étant différent à chaque instant. Mais si le combustible s'épuise, il disparait. Bien sûr, tu peux considérer que le prochain feu sera la renaissance du précédent, ou que plusieurs feux en même temps sont des multinaissances de ce feu. Il n'en reste pas moins que à moment donné le feu était changeant, et ensuite il n'est plus.
Comprendre que les morts, subtiles ou grossières, n'arrêtent pas ce ballet incessant de désagrégation/ré-agrégation, c'est cela "réaliser le non-né".

Il y a une fin à ce cycle. Et ce n'est pas la mort. C'est l'éveil. Ce qui est en accord avec les quatre nobles vérités. Qui sont donc incompatibles avec une vision sans renaissance.

Sinon, la mort serait la fin de la souffrance. Mais ce n'est pas l'enseignement du Bouddha.
Personnellement, Bouddha propose la fin de la souffrance au cours de l'existence, d'un point de vue subjectif. L'absence d'existence est - du point de vue subjectif - un état spéculatif et inaccessible, et donc hors d'application de l'enseignement du bouddha (et de mon propre intérêt). Je pense qu'à ce niveau là nous sommes d'accord.
tongra

L'éveil consiste plutôt à ne plus en avoir...il n'y a donc plus rien à arrêter.
Ce n'est pas vraiment ça. On ne peut interrompre le flux du mental pour la simple raison qu'il n'est qu'une dynamique de l'esprit qui est chapeauté par sa Nature.
Par contre le premier stade est de faire l'expérience que ce flux n'a aucune incidence ni ne provoque aucune réaction psychologique sur son témoin (l'expérimentateur) d'où ce sentiment de ne plus avoir de pensées.
Le deuxième stade est de fondre l'expérience, la trace subtile d'un objet expérimenté et l'expérimentateur même dans la nature de l'esprit.
tongra

Intéressante démonstration Iskander.

Ce que je suppute de plus en plus c'est que les doctrines ont besoin de classifier et d'expliquer de façon limitative, car dans le temps et l'espace, pour apporter une aide à vivre la vie. Sans explications, qui ne peuvent être que provisoires et fausses en définitive, la vie serait quasi impossible pour la plupart d'entre nous. Les asiles seraient pleins en permanence.

Donc il est rassurant d'élaborer doctrines et concepts (comme ton exemple le montre : ça prend même parfois pas mal de temps). Ca permet d'évacuer la peur fondamentale de ne rien être et de la gratuité ou "fortuité" de ce qu'on nomme la vie.

On peut imaginer et décortiquer tout cela au moyen du mental et de l'inférence, de façon aussi subtile que possible, ça n'en restera pas moins une grille fine et subtile mais qui n'énonce et ne démontre qu'un mode toujours et encore limité.

Ce mode, ce monde et cette vision ne sont en rien réduit en regard de la Nature véritable du mode d'être, ils s'y inscrivent en toute justesse ... mais ce n'est pas Cela.
ardjopa

L'éveil consiste plutôt à ne plus en avoir...il n'y a donc plus rien à arrêter.
A mon sens, tu te trompes, l'éveil ne consiste pas à ne plus "produire de pensées", mais à ne plus s'y identifier;
Les voir sans les suivre, ni les repousser, ni les retenir;
Il est dans la nature du mental que des pensées y naissent, vivent et meurent, de même que des nuages sont produits naturellement dans le ciel, et s'en vont;
L'éveil n'est pas que le ciel ne produise plus de nuages, mais plutot qu'il réalise qu'il n'est pas ces nuages, mais le ciel "immuable" où ils ont lieu
FA

En effet l'éveil ne consiste pas à arrêter les pensés discursives, à grand renforts de techniques méditatives...
Elles sortes par la porte de devant mais reviennent par la porte de derrière...

L'éveil consiste plutôt à ne plus en avoir...il n'y a donc plus rien à arrêter.
Ce que je remets en cause n'est pas la pensé, mais ce que j'ai désigné dans mon post comme étant les
pensées discurcives... C'est celles là qui sont éliminées dans le processus d'éveil qui constituent l'armature de l'égo...

Après il reste la pensée fonctionnelle...

FleurDeLotus
Fa
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Fa a écrit :Ce que je remets en cause n'est pas la pensé, mais ce que j'ai désigné dans mon post comme étant les
pensées discurcives... C'est celles là qui sont éliminées dans le processus d'éveil qui constituent l'armature de l'égo...
jap_8 Je viens juste de discuter de ça avec Gèn Jinpa, qui enseignera la dialectique à Shedrub Ling, et les pensées (tib.namtok; qui sont erronées) et les conceptions (tokpa; qui peuvent être valides) ne sont pas des perceptions directes; or il n'y a que deux types généraux d'appréhension des phénomènes: discursif et direct.

Donc les deux: pensées et conceptions sont discursives. Conclusion: pensées discursives est un pléonasme. Les conceptions subtiles peuvent être innées, comme les 80 évoquées dans le corpus tantrique, mais elles sont quand-même discursives.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

Hello Dharma,
Conclusion: pensées discursives est un pléonasme.
Donc, selon ton école, lorsqu'on se chante intérieurement le mantra "Gate, Gate, Paragate, Parasamgate, Bodhi Svàhà", ce n'est pas de la pensée? Un mantra n'est pas considéré comme discursif n'est-ce pas, mais c'est quand même par la pensée qu'on se le récite il me semble. Peux-tu nous apporter quelque précisions s'il te plait ?

<<metta>>
FA

Ce que j'entends par pensées discursive : Pensées spéculatives, préoccupation sans fondements alimentées par des peurs irraisonnées, etc...

Prenons un exemple :

A une certaine époque on pensait que la terre était plate et donc si elle était plate, il fallait nécessairement qu'il y ait quelque-part un "bord du monde".
On imaginait que ce bord du monde était bordé de brumes épaisse, et que si on s'approchait trop prés du bord, on risquait de tomber dans les limbes...

Bref cette conception du monde qui nous paraît aujourd'hui risible, engendrait à l'époque beaucoup de crainte, et préoccupation notamment chez les navigateurs.
Le jour où l'on a compris que la terre était une sphère, toutes les appréhensions relatives "aux bords du monde" se sont évanouies, de mêmes que les pensées spéculatives et les superstitions sur ce sujet.

Des postulats erronés sur le monde qui nous entoure engendrent des peurs irraisonnées, et des souffrances inutiles. L'esprit spécule mais ses raisonnement se fonde
sur des bases malsaines, ces bases génèrent la peur et la souffrance.
Voilà ce que j'entends par "pensée discursive", qui sont l'expression des aspects névrotiques de nos personnalités.

FleurDeLotus
FA
chakyam

THESE, ANTITHESE, SYNTHESE ??

L'un des intérêts de ce fil réside dans la progressivité des avis émis et leurs diversités malgré les manoeuvres de toute nature utilisées par certains « amis de bien » pour empêcher un avis contraire aux leurs de s'exprimer (hors sujet, exil au salon de thé, affirmation de critiques du bouddhisme, insultes alléguées à l'encontre d'un autre membre etc etc...) - Force est de constater l'échec cuisant de cette stratégie et l'acceptation de plus en plus évidente que les Renaissances ne constituent pas un passage obligé au Bouddhisme comme l'atteste les extraits ci-dessous.

Iskander le 21 Août
… la pratique de la Voie est possible sans les renaissances, et il est tout à fait légitime de qualifier ses pratiques de bouddhistes, même si on n'accepte pas les renaissances.
… Je n'ai jamais compris en quoi l'idée des renaissances serait utile avant de pouvoir de par soi même en saisir la réalité. C'est très différent des notions comme la coproduction conditionnée, les quatre nobles vérités, ou l'octuple sentier, qui sont nécessaires très tôt dans la pratique ...


Eh bien ! Il en aura fallut du temps et de l'opiniâtreté pour s'entendre dire de telles phrases dont au passage je remercie l'auteur.

... cet enseignement n'est pas affaire de croyances, du moins pas selon la perspective bouddhiste : il repose lui-même sur l'expérimentation du Bouddha, expérimentation qui est parvenue à son terme, alors que celle du pratiquant ne l'est pas.

Ca c'est une croyance supplémentaire en une expérimentation qui te serait à tout jamais interdite !!... et pourquoi donc ? Ceux qui s'expriment ainsi et pensent ainsi sont des idolâtres de la pensée du bouddha et la stérilisent.


Par contre la méthodologie bouddhiste attribue des valeurs différentes aux croyances à partir du critère expérientiel. Suivant ce critère, une croyance est plus importante ou légitime si elle a été vérifiée par une expérience personnelle, par rapport à une croyance qui nous a été transmise par un tiers.


Enfin ! Depuis le temps que je demande aux uns et autres « accros » de la Renaissance de nous faire part de leur expérimentation personnelle... sans succès ! Voilà quelqu'un qui commence à penser que l'expérience a de l'intérêt

Iskander le 21 Août
En effet, je crois à la renaissance que tu mentionnes, l'illusion de continuité d'une même personne au cours de la vie. Nous ne sommes pas la même matière (atomes) entre le temps x, et le temps x+y. Si y est suffisamment long, il y a même pratiquement zéro atomes communs entre ces deux manifestations de l'individu. Pourtant l'individu a l'impression non seulement d'une continuité entre le temps x et x+y, mais aussi qu'il est le même individu à ces temps différents, même s'il reconnaît des changements plus ou moins grands entre les deux moments. Techniquement, ceci est une renaissance, et elle est continue dans le temps. Simplement elle n'a qu'une durée finie, et se termine à l'issue de la désagrégation des formes de l'individu. Ceci étant dit, je dois avouer que je ne sais pas ce qui produit cette illusion, et je ne peux donc pas écarter le fait que cette illusion s'étende à plusieurs existences, ou même à plusieurs individus/entités/trucs coexistents.

Bien aise de voir retenue l'illusion de continuité. « illusion » de « continuité » sont bien les mots justes car de même que les conditions matérielles de leur devenir le sont, ceux et celles qui se l'imaginent sont également dans le fantasme du corps/esprit éternel, le temps étant compris comme ne se terminant jamais.

Par ailleurs, l'erreur à mon sens, est de considérer d'une part que l'individu se désagrège en permanence, à chaque instant, mais d'autre part, qu'il y aurait une sorte de désagrégation finale qui elle, serait définitive.

L'erreur est surtout de considérer les choses du point de vue de l'individu, construction sociale, qui cependant se modifie d'instant en instant sans que jamais et en aucun lieu n'intervienne une désagrégation finale. L'individu en l'occurence n'est que l'expression de la vie et de l'Eveil qui ne connaissent ni commencement ni fin, c'est le non-né qui n'a rien à voir avec la naissance et la disparition relative du corps physique.

… ces éléments qui nous composent, se combinent au grès des circonstances et constituent les individus que nous sommes. Du point de vue du Bouddhisme il y a bien renaissance, et transmigration...Mais ces phénomènes sont dénués d'identités propres. Ce sont des éléments qui circulent et qui se combinent au grès des circonstances favorables ou défavorables en interagissant avec notre conscience.
Ainsi du point de vue de l'éveil de la conscience, qui est la connaissance de ce processus, seule l'ignorance, et la bêtises transmigrent, pas les individus qui ne sont que des composés d'agrégats c'est à dire d’éléments constitutifs plus robuste


Cette position vient conforter la critique émise il y a un certain temps selon laquelle la personne, l'individu qui bénéficierait éventuellement du processus de Renaissance n'est plus depuis longtemps celle ou celui qui l'a initiée... que dire alors après 3 millions d'années ?



Iskander le 22 Août
N'oublions pas non plus que avec le temps on a eu tendance à voir ces maillons comme des éléments successifs d'un cycle (dont celui des renaissances), c'est à dire que chaque maillon est relié au suivant par un lien causal et temporel, alors qu'en réalité il faudrait voir ces éléments comme les rayons d'une roue qui sont tous nécessaires au temps t pour que la chose se manifeste: il n'y a donc pas de lien causal ou temporel, mais de condition

Comment, en effet, peut-on envisager une quelconque causalité, au travers d'éléments qui disparaissent aussitôt apparus et dont la mémoire est défaillante (pour le moins) comme l'a parfaitement décrit M. STCHERBATSKY ainsi d'ailleurs que notre réflexion commune sur l'Impermanence et l'A-atman.


Ted le 20 Août
Je partage plutôt ton avis sur le fait que cette connaissance n'est pas indispensable pour ceux qui ont choisi de faire un travail sur l'instant présent.

Eh oui ! L'instant présent n'a nul besoin d'accumulation de savoirs, de concaténation d'expériences. Il se suffit à lui-même et le rasoir d'Ockham est toujours là … bien utile.

Même Katly s'extasie sur l'Instant présent ici :viewtopic.php?f=61&t=6879&p=17486#p17486
Je cite : Beau message, belles paroles que rien ne déforme, ne détourne ou n'altère comme un diamant, douces et fraîches comme la rosée du matin

Iskander le 22 Août
Bouddha propose la fin de la souffrance au cours de l'existence, d'un point de vue subjectif.

« au cours de l'existence » - Rien ne précise que cette existence ait une fin ou même un commencement sauf si l'on a besoin de limites temporelles pour justifier un processus de Renaissances... ou le contraire d'ailleurs – Où est la libération dans tout çà ?
« point de vue subjectif » - ah bon ? Il y en a un autre ?


Ardjopa le 22 Août
A mon sens, tu te trompes, l'éveil ne consiste pas à ne plus "produire de pensées", mais à ne plus s'y identifier;
Les voir sans les suivre, ni les repousser, ni les retenir;
Il est dans la nature du mental que des pensées y naissent, vivent et meurent, de même que des nuages sont produits naturellement dans le ciel, et s'en vont;
L'éveil n'est pas que le ciel ne produise plus de nuages, mais plutot qu'il réalise qu'il n'est pas ces nuages, mais le ciel "immuable" où ils ont lieu


Totalement d'accord ! À une exception prêt … « l'immuabilité » du ciel ???
N'oublions pas : « Au commencement, aucune chose n'est », pas même le ciel immuable.



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Répondre