Comprendre la première noble vérité

Dumè Antoni

Ted a écrit :Dumè, tu ne vas pas dire que la 1ère NV n'est compréhensible que par ceux qui sont éveillés ? qui ont le kensho ? ou qui ont 20 ans de pratique avec un maître reconnu ?
Au sens strict, la 1ère Noble Vérité est associée à l'Eveil du Bouddha. Ça dépasse de très loin l'idée que l'on se fait communément de la souffrance, au sens dualiste s'entend. Et donc oui, j'affirme que la Compréhension Parfaite de la 1ère Noble Vérité est le pendant de la Compassion Infinie et n'est accessible (réalisée) qu'au stade de l'éveil (libérateur ou non). Il n'est bien sûr pas impossible d'en comprendre intellectuellement les bases (parce que tous les êtres connaissent plus ou moins l'expérience douloureuse), mais ça n'est pas la même chose (comme l'empathie n'est pas la même chose que la Compassion Infinie).
Beaucoup de religions et philosophies ont fait le constat de la souffrance dans le monde, ce n'est pas nouveau. L'apport du bouddhisme, c'est son analyse particulière des causes et son traitement infaillible !
Le Bouddhisme n'est pas de l'analyse. Est-ce que tu es au courant que le Bouddha n'était pas un philosophe ?
ted

Dumè Antoni a écrit :
Ted a écrit :Beaucoup de religions et philosophies ont fait le constat de la souffrance dans le monde, ce n'est pas nouveau. L'apport du bouddhisme, c'est son analyse particulière des causes et son traitement infaillible !
Le Bouddhisme n'est pas de l'analyse. Est-ce que tu es au courant que le Bouddha n'était pas un philosophe ?
J'ai pas dit que le bouddhisme était de l'analyse.
Bon, je crois que tu es fatigué là. Tu as du mal à me lire. On continuera plus tard, c'est mieux... <<metta>>
Dumè Antoni

Je ne suis pas fatigué du tout. :shock: Tu dis "L'apport du bouddhisme, c'est son analyse particulière des causes et son traitement infaillible ". C'est bien à l'analyse que tu te réfères pour apporter un traitement infaillible. Mais si les mots doivent être différents de leur signification, alors je renonce, bien sûr. :neutral: :arrow:

Par ailleurs, si tu penses que toutes les religions se valent par leur constat de la souffrance, c'est que tu fais de la 1ère Noble Vérité l'équivalent d'un constat (qui serait celui de toutes les religions). Ce qui est très réducteur, pour ne pas dire clairement erroné.
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davi
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ted a écrit :Un bouddhiste sait que le monde est dukkha parce qu'on lui a dit, ou parce qu'il a souffert, souvent atrocement.

Mais chez ceux qui vivent bien, pour le moment, dukkha, ça ne leur saute pas vraiment aux yeux non ?... On peut toujours essayer de les convaincre que le monde est dukkha,  ils mourront heureux,  avec le sourire.

Qu'en pensez-vous ?
J'ai lu la suite de la discussion mais je vais tenter de répondre à cette question initiale.

Effectivement, si l'on pose la question de la souffrance, la plupart des gens répondront par une dualité (Dumé l'a souligné plus avant), qu'il n'y a pas plus de souffrance que de bonheur, et que l'un annule l'autre. Je ne le vois pas comme ça, tout du moins par rapport à ma compréhension de la première Noble Vérité. A cause de notre naissance, dont la cause est l'ignorance, notre existence est souffrance, dans la nature de la souffrance, et ce que l'on prend pour un bonheur n'est en réalité qu'une diminution de souffrance. Si vous avez très mal à la tête, et que votre mal de tête diminue, vous allez vous sentir bien, malgré qu'un mal de tête perdure. Si bien qu'avoir ce mal de tête (moins fort) vous rendra heureux. Certains rétorqueront qu'on peut très bien inverser cette idée, en disant que le monde est dans la nature du bonheur, et qu'une souffrance est simplement une diminution de bonheur. Mais ce qui fait dire que c'est la première proposition qui est vraie, c'est qu'en ce monde, une cause de vrai bonheur n'existe pas, tandis que les vraies causes de souffrance existent. Qu'est-ce qu'une cause de vrai bonheur ? Une cause de bonheur qui ne dépend pas des circonstances. Exemple : j'ai faim. Je mange volontiers un éclair au chocolat. Au bout d'un moment j'ai moins faim. L'éclair au chocolat devient moins savoureux. Je n'ai plus faim. L'éclair reste plaisant un moment. Je n'ai plus faim du tout et ne pourrais plus rien avaler. A ce moment manger l'éclair commence à devenir pénible. Etc jusqu'à l’écœurement. Si cet éclair était une véritable source de bonheur, il ne pourrait jamais être la cause d'une souffrance. Par contre si on inverse l'idée, et que l'on est soumis à une cause de souffrance (à moins de changer l'angle de vue ce qui est une pratique bouddhique), on arrivera jamais à inverser la nature de la sensation. La torture ne donnera jamais de sensation agréable, même en la poursuivant indéfiniment. De plus pour conforter cette idée que ce monde est dans la nature de la souffrance, il n'ait qu'à dénombrer les bonheurs atteignables et les souffrances atteignables pour se rendre compte que ces dernières sont nettement plus accessibles que ces premières. Je sais ce que je peux faire pour souffrir, mais je ne sais pas vraiment ce que je peux faire pour être heureux.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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tirru...
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Merci Ted pour ce sujet de remémoration du dhamma qui peut avoir plusieurs angles de réflexion. En se basant sur un extrait du sutta de la mise en mouvement de la Roue du Dhamma qui dit :
Dhammacakkappavattana Sutta a écrit : Moines, il existe deux extrêmes qui doivent être évités par quelqu’un qui est arrivé à une vie sans foyer (bhikkhu). Quels sont ces deux extrêmes? S'adonner aux plaisirs des sens, ce qui est inférieur, vulgaire, mondain, ignoble et engendre de mauvaises conséquences, et s'adonner aux mortifications, ce qui est pénible, ignoble et engendre de mauvaises conséquences. Sans aller à ces deux extrêmes, moines, le Tathagata a découvert la Voie du milieu qui prodigue la vision, qui donne la connaissance, qui conduit à la quiétude, à la sagesse, à l'éveil et à l'émancipation.
Comprendre la première noble vérité (dukkha), dans le sens d'une compréhension vécue, c'est renoncer aux plaisirs mondains, au bonheur mondain (lokiya-sukha ) que procure la vie de foyer. La compréhension complète est plus à la portée des renonçants, de ceux qui sont arrivés à la vie sans foyer qu'à ceux qui ont des attaches comme vous et moi qui n'auront qu'une compréhension limitée !
Buddhadasa a écrit :Dans le sens du Dhamma, cependant, le bonheur est présent quand il n'y a aucune soif, aucun désir du tout, quand nous sommes totalement libres de toute soif, de tout désir et de toute envie.
Par ailleurs dans le même sutta on remarque qu'il y a trois étapes, trois modalités dans la compréhension de dukkha, à savoir :
Dhammacakkappavattana Sutta a écrit : Moines, c'est avec la compréhension: "Ceci est la Vérité Noble dite dukkha" que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière[1].


Moines, c'est avec la compréhension: "Cette Vérité Noble dite dukkha doit être comprise " que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière.


Moines, c'est avec la compréhension: "Cette Vérité Noble dite dukkha a été comprise" que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière.
[1] Tous Ces termes – vision, connaissance, sagesse, science, lumière -, sont les synonymes de la compréhension vécue.
Ajahn Sumedho a écrit :

« Il y a la souffrance » constitue le premier aspect de la Première Noble Vérité. Quel est-il ? Il n'est pas utile de compliquer les choses : il s’agit simplement du fait de reconnaître que « Ceci est souffrance, dukkha ». C’est une déclaration fondamentale. Une personne ignorante pense : « Je souffre, je ne veux pas souffrir. Je médite et prends part à des retraites pour ne plus souffrir, mais je continue à souffrir et je ne veux pas souffrir... Comment faire pour échapper à la souffrance ? Que puis-je faire pour m’en débarrasser ? ». Mais ceci n’est pas la Première Noble Vérité qui ne dit pas « Je souffre et je veux que ça s’arrête », mais « Il y a la souffrance » : c’est cela, la révélation.

Dès lors, vous considérez la douleur ou l’angoisse que vous ressentez non plus comme étant « la mienne, celle qui m’appartient », mais plutôt en tant que matière à réflexion : « Ceci est souffrance, dukkha ». Cette perspective est l’attitude de réflexion du Bouddha observant le Dhamma. La révélation est simplement : admettre la présence de la souffrance sans en faire une question personnelle. Ceci est une communication importante : considérer simplement l’angoisse mentale ou la douleur physique et la voir en termes de dukkha plutôt qu’en termes de misère personnelle, la voir simplement comme étant dukkha et ne pas réagir selon son habitude.

La seconde perspective de la Première Noble Vérité est : « La souffrance doit être comprise ». La deuxième révélation ou facette de chacune des Quatre Nobles Vérités contient le mot « doit » : « Cela doit être compris ». Ce second aspect est donc que dukkha représente quelque chose qu’il s’agit de comprendre. Il faut comprendre dukkha et non simplement essayer de s’en débarrasser.

On pourrait considérer le mot « comprendre » comme « prendre avec soi ». C’est un mot assez banal, mais qui, en Pali, possède un sens plus fort comme « accepter véritablement la souffrance », l’embrasser totalement plutôt que de simplement y réagir. Quelle que soit sa forme, physique ou mentale, nous avons tendance à seulement répondre à la douleur, mais, en usant de compréhension, nous pouvons vraiment observer la souffrance, l’accepter, la saisir et l’embrasser véritablement. Voilà donc la seconde révélation : nous devons « comprendre » la souffrance.

Le troisième aspect de la Première Noble Vérité est : « La souffrance a été comprise ». Quand vous avez vraiment pratiqué avec la souffrance – en l’observant, en l’acceptant et en arrivant ainsi à une compréhension profonde de sa nature – vous abordez la troisième facette : « La souffrance a été comprise », ou « dukkha a été comprise ». Les trois aspects de la Première Noble Vérité sont donc : « Il y a dukkha, dukkha doit être comprise et dukkha a été comprise! ».

Ceci est le schéma pour les trois aspects de chaque Noble Vérité. Il y a d’abord le diagnostic, puis la prescription et ensuite le résultat de la pratique. On peut également utiliser les termes palis : « pariyatti », « patipatti » et « pativedha ». « Pariyatti » est le diagnostic, la théorie ou la déclaration « Il y a souffrance », « patipatti » décrit la prescription, la pratique, l’action même de pratiquer avec la souffrance et « pativedha » est le résultat de la pratique. C’est ce qu’on peut appeler un modèle de réflexion ; en l’appliquant, vous développez votre capacité mentale à réfléchir, à contempler avec sagesse. L’esprit du Bouddha est un esprit réfléchissant, qui voit les choses telles qu’elles sont.

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yudo
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C'est pour cette raison que j'insiste si souvent si lourdement sur la formulation: "Il y a la souffrance" et non "Tout est souffrance".

Le constat, c'est que la souffrance existe, et ce constat est accompagné d'une énumération: "on souffre parce qu'on est séparé de ceux qu'on aime et coincé avec ceux qu'on n'aime pas. On souffre parce qu'on n'a pas ce qu'on voudrait et que ce qu'on a, on n'en veut pas". (Je paraphrase, mais c'est vraiment ce qui est dit).

Pour moi, dire "tout est souffrance" est erroné. Non pas parce qu'il y aurait des choses qui n'entraînent pas la souffrance, mais parce que la formulation entraîne des réflexes épidermiques nuisibles à la compréhension de la chose. "Il y a la souffrance". Et elle y est même quand et là vous pourriez croire qu'elle n'y est pas.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
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cgigi2
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Yudo dit:
Pour moi, dire "tout est souffrance" est erroné. Non pas parce qu'il y aurait des choses qui n'entraînent pas la souffrance, mais parce que la formulation entraîne des réflexes épidermiques nuisibles à la compréhension de la chose. "Il y a la souffrance". Et elle y est même quand et là vous pourriez croire qu'elle n'y est pas.
gigi dit:
Tout est souffrance, la souffrance est en tout...

yudo dit:
Et elle y est même quand et là vous pourriez croire qu'elle n'y est pas.
gigi dit:
Vous dites exactement la même chose, il faut avoir du courrage pour admettre que tout est source de souffrance même ce qui ne parrait pas souffrant, la naissance est souffrance de la mère et de l'enfant, la fréquence de ce monde est un immense stress de la naissance à la mort, ce Samsara est quelque chose d'empoisonné et cela nous contamine, on peut constater cela tous les jours de notre vie, le Bouddha a enseigner que c'est possible de se détacher et de ne plus renaître car c'est la naissance dans ce Samsara qui pose problème, cela ne sert à rien d'essayer de minimiser la façon de dire les choses à ce niveau, le Bouddha l'a dit très clairement et lorsque l'on constate la véracité de ses dires alors on a plus du tout l'intention d'y revenir nous sommes tous soumis à la maladie la décrépitude et la mort cela ne sert à rien de se mettre la tête dans le sable n'es-ce -pas :)
avec metta
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tirru... a écrit :Merci Ted pour ce sujet de remémoration du dhamma qui peut avoir plusieurs angles de réflexion. En se basant sur un extrait du sutta de la mise en mouvement de la Roue du Dhamma qui dit :
Dhammacakkappavattana Sutta a écrit : Moines, il existe deux extrêmes qui doivent être évités par quelqu’un qui est arrivé à une vie sans foyer (bhikkhu). Quels sont ces deux extrêmes? S'adonner aux plaisirs des sens, ce qui est inférieur, vulgaire, mondain, ignoble et engendre de mauvaises conséquences, et s'adonner aux mortifications, ce qui est pénible, ignoble et engendre de mauvaises conséquences. Sans aller à ces deux extrêmes, moines, le Tathagata a découvert la Voie du milieu qui prodigue la vision, qui donne la connaissance, qui conduit à la quiétude, à la sagesse, à l'éveil et à l'émancipation.
Comprendre la première noble vérité (dukkha), dans le sens d'une compréhension vécue, c'est renoncer aux plaisirs mondains, au bonheur mondain (lokiya-sukha ) que procure la vie de foyer. La compréhension complète est plus à la portée des renonçants, de ceux qui sont arrivés à la vie sans foyer qu'à ceux qui ont des attaches comme vous et moi qui n'auront qu'une compréhension limitée !
Buddhadasa a écrit :Dans le sens du Dhamma, cependant, le bonheur est présent quand il n'y a aucune soif, aucun désir du tout, quand nous sommes totalement libres de toute soif, de tout désir et de toute envie.
Par ailleurs dans le même sutta on remarque qu'il y a trois étapes, trois modalités dans la compréhension de dukkha, à savoir :
Dhammacakkappavattana Sutta a écrit : Moines, c'est avec la compréhension: "Ceci est la Vérité Noble dite dukkha" que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière[1].


Moines, c'est avec la compréhension: "Cette Vérité Noble dite dukkha doit être comprise " que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière.


Moines, c'est avec la compréhension: "Cette Vérité Noble dite dukkha a été comprise" que, dans les choses qui n'avaient pas été entendues auparavant, s'est élevée en moi la vision, s'est élevée en moi la connaissance, s'est élevée en moi la sagesse, s'est élevée en moi la science, s'est élevée en moi la lumière.
[1] Tous Ces termes – vision, connaissance, sagesse, science, lumière -, sont les synonymes de la compréhension vécue.
Ajahn Sumedho a écrit :

« Il y a la souffrance » constitue le premier aspect de la Première Noble Vérité. Quel est-il ? Il n'est pas utile de compliquer les choses : il s’agit simplement du fait de reconnaître que « Ceci est souffrance, dukkha ». C’est une déclaration fondamentale. Une personne ignorante pense : « Je souffre, je ne veux pas souffrir. Je médite et prends part à des retraites pour ne plus souffrir, mais je continue à souffrir et je ne veux pas souffrir... Comment faire pour échapper à la souffrance ? Que puis-je faire pour m’en débarrasser ? ». Mais ceci n’est pas la Première Noble Vérité qui ne dit pas « Je souffre et je veux que ça s’arrête », mais « Il y a la souffrance » : c’est cela, la révélation.

Dès lors, vous considérez la douleur ou l’angoisse que vous ressentez non plus comme étant « la mienne, celle qui m’appartient », mais plutôt en tant que matière à réflexion : « Ceci est souffrance, dukkha ». Cette perspective est l’attitude de réflexion du Bouddha observant le Dhamma. La révélation est simplement : admettre la présence de la souffrance sans en faire une question personnelle. Ceci est une communication importante : considérer simplement l’angoisse mentale ou la douleur physique et la voir en termes de dukkha plutôt qu’en termes de misère personnelle, la voir simplement comme étant dukkha et ne pas réagir selon son habitude.

La seconde perspective de la Première Noble Vérité est : « La souffrance doit être comprise ». La deuxième révélation ou facette de chacune des Quatre Nobles Vérités contient le mot « doit » : « Cela doit être compris ». Ce second aspect est donc que dukkha représente quelque chose qu’il s’agit de comprendre. Il faut comprendre dukkha et non simplement essayer de s’en débarrasser.

On pourrait considérer le mot « comprendre » comme « prendre avec soi ». C’est un mot assez banal, mais qui, en Pali, possède un sens plus fort comme « accepter véritablement la souffrance », l’embrasser totalement plutôt que de simplement y réagir. Quelle que soit sa forme, physique ou mentale, nous avons tendance à seulement répondre à la douleur, mais, en usant de compréhension, nous pouvons vraiment observer la souffrance, l’accepter, la saisir et l’embrasser véritablement. Voilà donc la seconde révélation : nous devons « comprendre » la souffrance.

Le troisième aspect de la Première Noble Vérité est : « La souffrance a été comprise ». Quand vous avez vraiment pratiqué avec la souffrance – en l’observant, en l’acceptant et en arrivant ainsi à une compréhension profonde de sa nature – vous abordez la troisième facette : « La souffrance a été comprise », ou « dukkha a été comprise ». Les trois aspects de la Première Noble Vérité sont donc : « Il y a dukkha, dukkha doit être comprise et dukkha a été comprise! ».

Ceci est le schéma pour les trois aspects de chaque Noble Vérité. Il y a d’abord le diagnostic, puis la prescription et ensuite le résultat de la pratique. On peut également utiliser les termes palis : « pariyatti », « patipatti » et « pativedha ». « Pariyatti » est le diagnostic, la théorie ou la déclaration « Il y a souffrance », « patipatti » décrit la prescription, la pratique, l’action même de pratiquer avec la souffrance et « pativedha » est le résultat de la pratique. C’est ce qu’on peut appeler un modèle de réflexion ; en l’appliquant, vous développez votre capacité mentale à réfléchir, à contempler avec sagesse. L’esprit du Bouddha est un esprit réfléchissant, qui voit les choses telles qu’elles sont.

Source et suite...
anjalimetta
Merci tirru pour ce post, je crois que je viens de comprendre (au moins intellectuellement) la 1ère noble vérité. L'explication d' Ajahn Sumedo est tout à fait éclairante et remet les choses sous un angle que je n'avais pas vraiment envisagé jusqu'alors...
Je lirais la suite plus tard.
ted

Quand vous avez vraiment pratiqué avec la souffrance – en l’observant, en l’acceptant et en arrivant ainsi à une compréhension profonde de sa nature – vous abordez la troisième facette : « La souffrance a été comprise », ou « dukkha a été comprise ». Les trois aspects de la Première Noble Vérité sont donc : « Il y a dukkha, dukkha doit être comprise et dukkha a été comprise!
Dites moi si je dis une bêtise :

Quand ils disent : "dukkha à été comprise", dukkha ne disparaît pas ? On est bien d'accord ?

On est dans le cas de l'homme où la femme qui voit clairement pourquoi sa femme l'a quitté, pourquoi il a perdu son job, pourquoi ses enfants se sont suicidés et pourquoi tous ses amis se sont enfuis. Et surtout, pourquoi il est malheureux de tout ça. Cet homme voit clairement comment il en est arrivé là. Il voit la logique implacable à l'oeuvre. Il voit comment ses pensées, paroles et actions passées ont contribué à tous ses malheurs.

En quoi cette compréhension l'empêcherait de se révolter et de haïr l'univers ?
Cet univers qui a permis tous ces processus implacables si joliment décris ?
Dumè Antoni

Ted a écrit :Quand ils disent : "dukkha à été comprise", dukkha ne disparaît pas ? On est bien d'accord ?
La fin de dukkha est dans la 3ème Noble Vérité. Donc, la compréhension de dukkha implique sa cessation car on ne peut pas comprendre "totalement" une chose si on n'en connaît pas ses limites (c'est à dire là où elle n'est plus). Or, la "limite" (dans le sens de fin) de Dukkha, c'est Nibbana.
On est dans le cas de l'homme où la femme qui voit clairement pourquoi sa femme l'a quitté, pourquoi il a perdu son job, pourquoi ses enfants se sont suicidés et pourquoi tous ses amis se sont enfuis. Et surtout, pourquoi il est malheureux de tout ça. Cet homme voit clairement comment il en est arrivé là. Il voit la logique implacable à l'oeuvre. Il voit comment ses pensées, paroles et actions passées ont contribué à tous ses malheurs.
Pas vraiment. Là, tu es dans le "pathos" (ce n'est pas péjoratif ; c'est la manière dont on la ressent et non la comprend). La compréhension de dukkha, ça n'est pas seulement faire l'épreuve de la souffrance "dans sa chair", quitte à en comprendre les raisons (karmiques). Ça va beaucoup plus loin que ça parce que ça concerne tous les êtres sensibles, sans exception, et c'est dans la réalisation que nous sommes ceux-là (de tous les temps, passés, présent et futur). Et cette réalisation est associée à celle (ou est celle) de nibbana ; autrement dit, la compréhension n'est pas dissociée de celle de Nibbana et Nibbana ne consiste pas à voir la souffrance par projection de sa propre souffrance. En d'autres termes, on ne peut pas comprendre correctement dukkha si on ne dépasse pas le cadre de la dualité sujet/objet (et donc sans connaître nibbana).
En quoi cette compréhension l'empêcherait de se révolter et de haïr l'univers ?
Cet univers qui a permis tous ces processus implacables si joliment décris ?
C'est une mauvaise question parce que tu comprends dukkha dans le cadre du "pathos" (dualité sujet/objet), pas dans la manière dont le Bouddha (et les bikkhu/bonzes/personnes éclairés...) qui a/ont une "certaine" (plus ou moins "profonde") expérience de l'éveil.
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