ted a écrit :A mon avis, notre geste vers l'enfant n'est pas de l'ordre de l'amour désintéressé mais de l'ordre du réflexe...
D'accord avec ça. Réflexe ou conditionnement social... Et ce geste ne se produira pas si d'autres zones du cerveau sont sollicitées différemment au moment où l'enfant tombe : on le relèvera dans la rue si tout va bien pour nous, mais si l'on est en train de fuir un raz de marée ou un incendie, on lui donnera plutôt un coup de pied pour l'écarter de notre chemin (et si on ne le fait pas, ce sera le fruit d'une réflexion altruiste qui inhibera le premier mouvement égoïste, donc tout sauf un geste spontané).
Je ne sais pas trop ce qui correspondrait à de "l'amour désintéressé" dans le bouddhisme : les quatre incommensurables, peut-être?
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.
Si l’ego est de la partie, je ne crois pas que l’amour sera désintéressé, logiquement.
Si l’ego, le « je » n’est plus de la partie, sans doute il n’y a plus que l’amour, mais je ne sais pas si le mot amour (avec toutes nos représentations, factices par certains côtés) conviendrait, pure Compassion peut être ?
Edit: A mesure qu’on lâche prise sur le « je » (grâce à la pratique), sans doute l’amour deviendra "plus ouvert", il y aura plus d’espace dans l'amour, et qui sait, peut être quelques étincelles de pure Compassion émergeront de temps à autres.
<<metta>>
Dernière modification par Longchen le 18 octobre 2012, 09:12, modifié 2 fois.
1) On a premièrement le désir de faire quelque chose de "juste" et pas quelque chose "d'injuste" : premier intérêt, duel.
2) On s'intéresse un minimum, je suppose , à ceux qu'on aide/qu'on aime : intérêt vis à vis des autres.
3) On attend forcément quelque chose en retour, pas forcément de ceux qu'on a aidés/aimés, mais aussi par rapport à notre conscience, à nos valeurs : notre intérêt étant d'avancer sur la voie, vers l'éveil. Donc troisième intérêt.
c'est le piège évident = une action calculée juste perd tout son potentiel du fait qu'elle a été calculée.
c'est comme dans la nouvelle de Marcel Aymé "l'huissier"
histoire d'un gars qui, étant mort et revenu à la vie pour cause indécision à la porte du Paradis, se met à accumuler les bonnes actions en les notant sur un petit carnet. Il finit par se faire tuer (pour de bon) pour une bonne action qu'il n'a pas calculée du tout. Ce sera la seule qu'on lui comptera...
Flocon a écrit :
ted a écrit :A mon avis, notre geste vers l'enfant n'est pas de l'ordre de l'amour désintéressé mais de l'ordre du réflexe...
D'accord avec ça. Réflexe ou conditionnement social... Et ce geste ne se produira pas si d'autres zones du cerveau sont sollicitées différemment au moment où l'enfant tombe : on le relèvera dans la rue si tout va bien pour nous, mais si l'on est en train de fuir un raz de marée ou un incendie, on lui donnera plutôt un coup de pied pour l'écarter de notre chemin
Je dirais plutôt que c'est de l'empathie... Mais c'est un truc bizarre, l'empathie. Ca varie selon notre état d'esprit, voire selon la personne en face de nous.
Ceci étant dit... L'amour gratuit a sans doute de solides racines empathiques Comme d'ailleurs, si j'en crois un bouquin que j'ai chez moi, tous les rapports sociaux, y compris les rapports de haine (l'empathie, parait-il, marcherait aussi à l'envers)
Sourire a écrit :(...) Je dirais plutôt que c'est de l'empathie... Mais c'est un truc bizarre, l'empathie. Ca varie selon notre état d'esprit, voire selon la personne en face de nous. (...)
Si cela est sujet à des variations, je ne sais pas si on peut l'associer à la "pure Compassion". J'imagine un peu cette qualité naturelle (s'élevant spontanément de notre nature véritable) comme le soleil, il éclaire constamment et indifféremment tout et tous.
Mais je me trompe peut être.
<<metta>>
Quand aux variations qu'elle subit... C'est compliqué. Je serais bien en peine de faire un résumé de ce livre, mais en gros, il y a des cas où, entre "comprendre autrui jusqu'au fond de son être" et "ressentir avec lui", il y a une disjonction. Parfois même, cette faculté de ressentir les choses se pervertit et on entre dans ce qui pourrait se définir comme une empathie inversée. je ne sais pas si on doit en parler sur ce sujet, ça va le faire dériver. Si tu y tiens, on en crée un autre.
Mais à la base, c'est quand même une graine d'élan vers autrui
Je revenais histoire de préciser (pas sure d'avoir été claire) que si j'ai évoqué l'empathie, c'est rapport à l'exemple de l'enfant qu'on relève quand il tombe...
je refais un post sur le thème, du coup... sinon j'aurais édité
ted a écrit : Mais pourquoi relever/aider une personne spontanément, et non lui filer un bon coup de pied spontanément ? Est ce qu'il n'y a pas déjà une discrimination qui se manifeste et qui fait un choix ? Choix "intéressé" par le résultat ?
A mon avis, notre geste vers l'enfant n'est pas de l'ordre de l'amour désintéressé mais de l'ordre du réflexe...
On parle d'amour après-coup, on parle de réflexe après-coup ... Ca se sont les interprétations d'une action. Effectivement cela aurait tout aussi bien pu être un coup de pied aux fesses, mais après-coup, selon nos codes, on n'aurait pas désigné cela comme de l'amour.
Coucou tout le monde ! Voici ce que le post initial de Ted m'a inspiré :
L'amour désintéressé, c'est quand il y a amour sans attachement. Dans sa forme parfaite, c'est une relation avec l'autre qui peut provoquer la joie en nous, mais pas l'affliction. Le Bouddha explique dans un sutta que lorsque ses disciples pratiquent avec diligence, il se réjouit, mais lorsqu'il a fait l'effort d'enseigner et qu'ils ne suivent pas ses conseils, cela ne le touche pas, son esprit reste imperturbable, calme et paisible.
Il y a donc intérêt : l'intérêt du bien être d'autrui et/où de sa progression spirituelle. Mais il n'y a pas d'intérêt personnel : on agit à 100% pour l'autre, et 0% pour nous-même. L'amour désintéressé ne veut pas dire qu'on agit avec désintérêt, c'est l'amour désintéressé dans le sens où on n'agit pas par intérêt. Même pas pour pouvoir se réjouir en cas de situation heureuse : ça peut arriver, mais il n'y a aucune attente à ce sujet, et si ça ne se produit pas, il n'y a aucune déception, aucun sentiment négatif. Seul le calme règne.
L'amour désintéressé : réservé aux êtres libérés ?
Bien sûr, dans sa forme plus commune (pour les non éveillés), il peut y avoir souffrance en cas de dénouement malheureux. Mais si on est vraiment dans l'amour désintéressé, ça sera une souffrance due à l'illusion (par compassion/identification, où l'on souffre du simple fait de savoir que quelqu'un souffre) et non pas au désir (déception car on espérait que notre action nous permettrait de nous sentir bien). Le point de départ de ce deuxième niveau d'amour désintéressé est le même que pour les éveillés : on part d'une situation neutre (sans implication émotionnelle), et on n'attend rien.
Le point de départ du troisième niveau de l'amour désintéressé n'est plus neutre : on souffre de la souffrance de l'autre, par compassion/identification. Cela peut très bien être un deuxième niveau qui s'est transformé en troisième niveau après un dénouement malheureux. À partir du moment où on souffre de la souffrance de l'autre, ou qu'on a peur qu'elle se produise, l'amour désintéressé est en effet rétrogradé d'un cran : quoi qu'on fasse, en plus de vouloir aider l'autre par compassion, on cherche aussi à se débarrasser de notre propre mal-être induit par la souffrance de l'autre.
Enfin, pour les personnes qui ont une valeur particulière à nos yeux, pour qui on a des sentiments, l'amour désintéressé se mélange à l'attachement : on peut faire preuve d'abnégation, mais c'est surtout parce que le simple fait de savoir l'autre heureux nous procure de fortes sensations. Je pense personnellement qu'il y a toujours une part de metta dans cette situation, même si elle est sous sa forme la moins pure car mélangée à l'attachement.
Si par contre on agit pour le bien d'autrui dans le but de gagner ses faveurs, alors metta a disparu.
Flocon a écrit :
Je ne sais pas trop ce qui correspondrait à de "l'amour désintéressé" dans le bouddhisme : les quatre incommensurables, peut-être?
L’amour véritable
Par Thich Nhat Hanh
Selon le bouddhisme, il y a quatre composantes de l’amour véritable.
1— Maitrî, qui peut se traduire par bonté aimante, bienveillance. La bonté aimante n’est pas seulement la volonté de rendre une personne heureuse, d’offrir de la joie à cette personne aimée. C’est la capacité d’offrir de la joie, du bonheur, à la personne que vous aimez ; car même si vous avez l’intention de l’aimer, votre amour peut faire souffrir cette personne.
Il faut de l’entraînement pour pouvoir aimer correctement ; et pour pouvoir offrir du bonheur, de la joie, vous devez pratiquer le regard profond dirigé vers cette personne-là. Parce que si l’on ne comprend pas la personne, on ne peut pas l’aimer correctement. La compréhension est l’essence de l’amour. Si l’on ne peut pas comprendre, on ne peut pas aimer. Tel est le message du Bouddha. Si le mari, par exemple, ne comprend pas les difficultés les plus profondes de sa femme, son aspiration la plus profonde, s’il ne comprend pas sa souffrance, il ne pourra pas l’aimer comme il faut. Sans compréhension, l’amour n’est pas une chose possible.
Comment faire pour comprendre une personne ? Il faut avoir du temps, il faut pratiquer le regard profond dirigé vers cette personne. Il faut être là, attentif, il faut observer, il faut regarder. Et le fruit de ce regard profond s’appelle la compréhension. L’amour est une chose véritable s’il est fait d’une substance appelée compréhension.
2— La deuxième composante de l’amour véritable est la compassion : karunâ. Ce n’est pas seulement la volonté de soulager la douleur chez une autre personne, mais la capacité de le faire. Il faut pratiquer le regard profond pour bien comprendre la nature de la souffrance de cette personne, afin de pouvoir l’aider à se transformer. La connaissance, la compréhension sont toujours à la base de la pratique. La pratique de la compréhension, c’est la pratique de la méditation. Méditer, c’est regarder profondément dans le cœur des choses.
3— La troisième composante de l’amour véritable, c’est la joie : muditâ. S’il n’y a pas de joie dans l’amour, il ne s’agit pas d’amour véritable. Si l’on souffre tout le temps, si l’on pleure tout le temps et si l’on fait pleurer celui ou celle que l’on aime, ce n’est pas véritablement de l’amour, c’est même son opposé. Si dans votre amour il n’y a pas de joie, vous pouvez être certain qu’il ne s’agit pas d’amour véritable.
4— La quatrième composante est upékshâ, l’équanimité, ou bien encore la liberté. Dans l’amour véritable, on obtient la liberté. Quand on aime, on offre la liberté à celui ou à celle qu’on aime. Dans le cas contraire ce n’est pas de l’amour véritable. Il faut aimer de telle sorte que la personne aimée se sente libre, non seulement autour d’elle mais aussi à l’intérieur. « Chéri(e), as-tu assez d’espace dans ton cœur et autour de toi ? » Voilà une question intelligente pour vérifier si votre amour est une chose véritable.
* Vivre en plein conscience - paix et joie dans les tribulations de la vie - Ed Terre du Ciel - 1997 * Merveilleux petit ouvrage de Thich Nhat Hanh, le vénérable moine bouddhiste vietnamien.
Source : L’hibiscus
Thich Nhat Hanh
Village des pruniers
Centre Martineau
33580 Dieulivol
Téléphone :05 56 61 84 18