L’expansion de la conscience

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L’expansion de la conscience

Le Dhamma de la Forêt

L’expansion de la conscience
Ayya Khema


Traduction de Jeanne Schut
dhammadelaforet.org/

Cinquième partie de la transcription de la Retraite intitulée Here and Now

De la même façon que nous pouvons façonner notre corps à volonté, nous pouvons changer notre esprit. Nous façonnons le corps quand nous mangeons moins et que nous maigrissons – ou quand nous mangeons plus et que nous grossissons, quand nous buvons trop d’alcool et que nous nous abîmons le foie ou quand nous fumons trop et que nous endommageons nos poumons. Nous pouvons aussi développer nos muscles en faisant des exercices, nous entraîner pour courir plus vite, sauter plus haut ou devenir champion de tennis ou de cricket. Le corps est capable de faire beaucoup de choses que les gens ne peuvent pas faire d’ordinaire s’ils ne se sont pas entraînés.

Nous savons, par exemple, que certaines personnes peuvent sauter deux ou trois fois plus loin que la normale ou courir dix fois plus vite que n’importe qui. Vous avez peut-être vu des gens faire des choses qui vous ont paru miraculeuses. Il existe aussi des personnes qui peuvent utiliser leur esprit d’une manière qui peut paraître miraculeuse mais qui n’est, en réalité, que le fruit d’un entraînement.

La méditation est le seul entraînement possible pour l’esprit. De même que l’éducation physique est généralement liée à une discipline du corps, l’entraînement de l’esprit exige une discipline mentale : la pratique de la méditation.

Tout d’abord, nous pouvons transformer nos pensées : les faire passer de mauvaises ou malsaines à bonnes ou saines. Celui qui veut devenir un athlète entraîne son corps en commençant par le commencement ; eh bien, il faut agir de même pour entraîner l’esprit. Au début, on apprend à faire face aux choses ordinaires et, plus tard, aux choses extraordinaires. Quand on prend pleinement conscience que l’on va mourir un jour, on réalise que tout ce qui est en train de se produire prendra fin très bientôt, avec la mort. Même si nous ne connaissons pas la date exacte de notre mort, il est certain qu’elle surviendra un jour. En pratiquant régulièrement la contemplation de la mort, on ne s’inquiète plus trop de ce qui nous arrive puisque tout cela n’a d’importance que pendant un temps très limité.

Nous en viendrons peut-être à voir que la seule chose qui compte, c’est le karma que nous créons et, par conséquent, nous agirons de notre mieux à chaque instant de chaque jour. Il est essentiel d’aider les autres ; rien ne remplace les actes de générosité. Offrons donc nos aptitudes et nos possessions. Puisque nous ne pouvons ni les garder ni les emporter avec nous, autant tout donner généreusement dès que possible.

Connaissez-vous cette loi de l’univers : « Plus on donne et plus on reçoit » ? Personne n’y croit et c’est pourquoi tout le monde essaie de gagner plus d’argent et de posséder plus de choses ; pourtant c’est une loi de cause à effet. Si nous y croyions et agissions en conséquence, nous le découvririons très vite. Ceci dit, elle ne fonctionne que si le don est fait d’un cœur pur, sans attentes. Nous pouvons offrir du temps, des soins ou simplement de l’intérêt pour le bien-être d’autrui. Nous en récoltons aussitôt les bénéfices en ressentant du bonheur dans notre propre cœur quand nous voyons la joie que nous avons apportée à quelqu’un. C’est peut-être la seule satisfaction dont nous pouvons espérer jouir longtemps dans cette vie car, de par sa nature, un geste de générosité ne disparaît pas complètement, une fois accompli : nous pouvons toujours, plus tard, nous remémorer notre geste et ressentir encore le bonheur qui l’accompagnait.

Quand nous prenons vraiment conscience que nous pouvons mourir d’un instant à l’autre – pas seulement au niveau des mots – notre attitude envers les gens et les situations change complètement. Nous ne sommes plus du tout les mêmes. La personne que nous étions jusque-là ne nous a guère comblés de satisfaction, de contentement ou de paix, de sorte que le changement qui se produit quand nous posons un autre regard sur les choses ne nous fait pas peur. Nous n’essayons plus de faire durer les bonnes choses parce que nous savons que la nature de notre temps est limitée et, dès lors, rien n’a plus la même signification.

On pourrait comparer cela à l’attitude d’une personne qui reçoit des personnes à dîner. Elle est inquiète, elle craint que la nourriture ne soit pas cuite à point, que tout ne soit pas aussi confortable et parfait qu’elle le voudrait. Il faut que la maison soit impeccable pour ses invités. Quand ils arrivent, elle veille à ce qu’ils aient tout ce qu’ils pourraient souhaiter. Après leur départ, elle se demande s’ils ont apprécié son invitation, s’ils ont été heureux de son accueil, s’ils vont dire à d’autres amis que leur visite a été agréable. Elle se préoccupe ainsi parce que c’est elle qui reçoit. De leur côté, les invités ne s’inquiètent pas de la nourriture qui va leur être servie parce que c’est à l’hôtesse d’en décider, pas plus qu’ils ne se soucient de savoir si tout est parfaitement en ordre parce qu’il ne s’agit pas de leur maison.

Ce corps n’est pas notre maison, quelle que soit la durée de notre vie ; c’est un arrangement temporaire sans grande signification. Rien, en lui, ne nous appartient ; nous n’y sommes que des invités. Peut-être y resterons-nous pendant encore une semaine ou un an, peut-être dix ou vingt ans. Dans tous les cas, comme nous ne sommes que des invités, peu importe la façon dont tout cet organisme fonctionne. La seule chose que nous pouvons faire, en tant qu’invités, c’est essayer d’être agréables et d’aider les gens qui nous accueillent ; tout le reste n’a aucune importance. Dans le cas contraire, notre conscience restera « sur la place du marché », prisonnière du monde.

La seule chose qui importe, n’est-ce pas d’élever notre attention et notre présence consciente à un niveau qui nous permette de voir au-delà des petits soucis matériels ? Chaque jour, c’est la même routine : on se lève, on prend son petit déjeuner, on se lave, on s’habille, on réfléchit, on prévoit, on fait la cuisine, on fait des achats, on parle à des gens, on va travailler, on se couche, on se lève… et tout recommence. Cela suffit-il à remplir une vie ? Nous essayons tous de trouver, dans ce train-train quotidien, une chose qui nous apportera de la joie. Mais rien ne dure et, de toute façon, ce désir est toujours orienté vers quelque chose d’extérieur. Si, chaque matin, nous pouvions nous souvenir que la mort est une certitude mais qu’une nouvelle journée de vie commence pour nous, la gratitude et la détermination pourront s’éveiller et permettre de faire de cette journée quelque chose d’utile.

La seconde chose dont nous pouvons nous souvenir, c’est comment changer notre esprit pour qu’il abandonne le ressentiment, la méchanceté et la tristesse, et les remplace par leur contraire. Progressivement, l’esprit peut finir par changer si on y travaille régulièrement. Pas plus que le corps ne devient athlétique en un jour, l’esprit ne peut se transformer instantanément. Si on ne l’entraîne pas continuellement, il va rester le même qu’avant, ce qui a peu de chances de produire une vie harmonieuse et paisible. La plupart des gens considèrent qu’il y a beaucoup de choses désagréables, angoissantes ou inquiétantes dans leur vie. La peur est une condition humaine fondée sur l’illusion du « moi » ; nous avons peur que notre « moi » soit détruit, annihilé.

Souhaiter changer son esprit doit permettre de donner du sens à chaque jour de cette vie, ce qui fait toute la différence entre « vivre » et simplement « être en vie ». Tous les jours, nous pouvons faire au moins une chose qui soit source de croissance spirituelle pour nous, ou bien une aide ou une marque de considération pour quelqu’un d’autre – de préférence, les deux. Si nous ajoutons un jour plein de sens à un autre, nous finissons par mener une vie pleine de sens. Sinon, notre vie reste centrée sur nous-mêmes, ce qui ne peut jamais être satisfaisant. Si nous oublions nos propres désirs et aversions, si nous ne nous préoccupons que de croissance spirituelle et de la libération qui en résulte, et si nous rendons service aux autres quand l’occasion se présente, notre souffrance diminuera grandement. Elle arrivera à un point où elle ne représentera plus qu’une sorte de mouvement sous-tendant l’existence ; elle n’aura plus rien d’une souffrance ou d’un malheur personnel. Tant que nous souffrons et que nous sommes malheureux, notre vie ne peut pas être très utile. Avoir du chagrin, de la peine et de la tristesse ne signifie pas que nous sommes très sensibles mais plutôt que nous n’avons pas réussi à trouver de solution.

Nous passons des heures et des heures à acheter de la nourriture, à préparer des repas, à les manger, à tout nettoyer ensuite et à penser au prochain repas. Vingt minutes de réflexion sur la façon dont nous pourrions donner plus de sens à notre vie ne devrait pas nous priver de trop de temps. Bien entendu, nous pouvons aussi passer beaucoup plus de temps à de telles contemplations qui sont une manière de donner une nouvelle direction à l’esprit. Si nous ne l’entraînons pas, l’esprit est lourd et peu habile mais, si nous lui donnons une nouvelle direction, nous apprenons à protéger notre propre bonheur. Ceci n’a rien à voir avec le fait d’obtenir ce que l’on désire et se débarrasser de ce que l’on n’aime pas. Il s’agit de développer la capacité de l’esprit à voir ce qui peut être utile et créer du bonheur.

Cette nouvelle direction de l’esprit qui naît de la contemplation peut être mise en œuvre. Pour cela, concrètement, que pouvons-nous faire ? Nous avons tous entendu beaucoup de paroles qui sonnent juste mais les mots, à eux seuls, n’accompliront jamais rien. Il faut que nous comprenions, en profondeur, que ces paroles exigent d’être mises en œuvre, mentalement ou physiquement. Le Bouddha a dit que, si nous entendons un enseignement sur le Dhamma et sentons qu’il est juste et vrai, nous devons commencer par mémoriser les mots et, dans un deuxième temps, voir si nous sommes capables d’agir en conséquence.

Si notre contemplation porte sur l’élimination des sentiments négatifs qui assombrissent notre cœur, nous pouvons l’évoquer très, très souvent avant de passer à l’étape suivante : mettre ce souhait en action. Pour ce faire, quand nous évoluons au quotidien, nous devons être très attentifs à toute pensée négative qui pourrait apparaître et, le cas échéant, la remplacer aussitôt par une pensée d’amour et de compassion. C’est ainsi que l’on entraîne l’esprit. Ainsi, notre esprit ne se sent plus aussi pesant, aussi accablé par l’impression d’être sur une voie prédéterminée, parce que nous comprenons qu’il est possible de changer. Quand l’esprit se sent plus léger et plus clair, il peut s’ouvrir. Mettre en action les enseignements du Bouddha change notre regard de telle sorte que les activités ordinaires du quotidien ne nous inquiètent plus autant. On voit simplement qu’elles sont nécessaires pour garder le corps en vie et permettre à l’esprit de continuer à s’intéresser à toutes les proliférations qui existent dans le monde.

Nous prenons alors conscience que, si nous avons pu changer notre esprit, ne serait-ce qu’un peu, il est vraisemblable que l’univers contient beaucoup plus que ce qu’un esprit ordinaire peut imaginer. Nous serons peut-être alors incités à rendre notre esprit extraordinaire. De même que des exploits peuvent être réalisés par le corps en termes d’équilibre, de discipline et de force, l’esprit peut, lui aussi, réaliser des exploits. Le Bouddha a parlé de l’expansion de la conscience comme étant le résultat d’une concentration correcte et souvent répétée. Une concentration correcte occasionne une modification de la conscience parce que, à ce moment-là, nous ne sommes pas connectés à nos connaissances relatives habituelles.

Etant capables de changer la direction de notre esprit, nous ne sommes plus autant impliqués dans les affaires du quotidien ; nous savons que la réalité doit être beaucoup plus vaste que cela. Quand l’esprit a été discipliné, renforcé et équilibré, il peut accomplir des exploits de conscience qui semblent tout à fait extraordinaires mais qui sont simplement l’un des résultats de son entraînement.

Entraîner l’esprit permet de le sortir du bourbier mental dans lequel il se trouve. Si un camion passe et repasse dans un chemin plein de boue, les sillons qu’il va creuser seront de plus en plus profonds et le camion peut finir par s’embourber définitivement. Nos réactions habituelles répétitives dans les situations de tous les jours font de même. La pratique de la méditation nous retire des sillons de ce bourbier parce que l’esprit prend une nouvelle dimension. La contemplation et la mise en pratique qui en résulte créent de nouvelles voies dans notre vie qui nous permettent de laisser les vieux sillons derrière nous. Ces sillons correspondaient à des réactions constantes à toutes sortes de stimulations sensorielles : des sons entendus, des objets vus, des odeurs, des saveurs, des contacts et des pensées. Il est vraiment dommage d’utiliser une bonne vie humaine pour se contenter d’être une machine à réagir. Il est beaucoup plus utile et profitable de devenir acteur de sa vie, ce qui signifie penser, parler et agir en pleine conscience.

Il est possible de parvenir à une forme de concentration où l’objet de méditation n’est plus nécessaire. L’objet de méditation n’est qu’une clé. Nous pourrions aussi dire que c’est une ancre avec laquelle stabiliser l’esprit pour qu’il ne s’égare plus dans les affaires du monde. Quand la concentration apparaît, c’est comme si la clé avait fini par trouver la serrure et la porte peut s’ouvrir. Quand nous ouvrons la porte du véritable samādhi, nous trouvons une maison comprenant huit pièces : les huit absorptions méditatives ou jhāna. Quand on a réussi à pénétrer dans la première pièce, il n’y a aucune raison pour qu’on ne puisse pas, avec une pratique déterminée et diligente, progressivement entrer dans toutes les autres. A ce niveau, l’esprit lâche le processus habituel de pensée que nous connaissons et passe à un état de ressenti. Quand la concentration est présente, la première chose que l’on éprouve est un sentiment de bien-être.

Malheureusement, beaucoup de gens croient, à tort, que les jhana sont à la fois inaccessibles et inutiles. Ceci est tout à fait contraire à l’enseignement du Bouddha. Toutes les instructions qu’il a données à propos de la voie qui mène à la libération incluent les absorptions méditatives. Ce sont les huit étapes sur le Noble Octuple Sentier (samma-samadhi). Il est également faux de croire qu’il n’est plus possible d’atteindre une véritable concentration. De nombreuses personnes y parviennent, parfois sans même s’en rendre compte ; elles ont simplement besoin d’être soutenues et guidées pour poursuivre leurs efforts. La méditation doit inclure les absorptions méditatives parce que ce sont elles qui provoquent l’expansion de la conscience, laquelle donne accès à un univers complètement différent de ce que nous avons pu connaître.

Les états mentaux qui apparaissent au cours des jhana permettent de vivre le quotidien avec la claire conscience de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Par exemple, quand on a vu qu’il est possible de faire pousser de grands arbres, on ne croit plus que les arbres sont forcément petits, même si ceux de notre jardin sont minuscules parce que la terre est aride. Si on a vu de grands arbres, on sait qu’ils existent, et on peut même essayer de trouver un endroit où ils poussent. Il en va de même pour nos états mentaux. Quand on voit qu’il est possible d’élargir la conscience, on ne croit plus que la vie se limite à une conscience ordinaire ni que la méditation se limite à la respiration.

La respiration est l’ancre qui stabilise l’esprit ; à partir de cette stabilité, nous sommes en mesure d’ouvrir la porte de la véritable méditation. Une fois la porte ouverte, nous ressentons un bien-être physique qui se manifeste de plusieurs façons différentes. La sensation est parfois forte, parfois légère mais elle est toujours perçue comme agréable. Le Bouddha a dit de ce ressenti : « C’est un plaisir que je m’accorde ». Si on ne fait pas l’expérience de la joie qu’apporte l’état méditatif – joie qui n’est pas de ce monde – on ne renoncera jamais au monde et on continuera à le considérer comme notre demeure. Ce n’est que lorsque l’on comprend que la joie de la méditation est indépendante de toutes les circonstances extérieures que l’on est finalement capable de dire : « Le monde et tous ses attraits ne m’intéressent plus ». C’est alors que le détachement intervient. Sinon, pourquoi et comment renoncerait-on à ce qui nous apporte, à l’occasion, du plaisir et de la joie ? Il est impossible d’abandonner toutes les joies et tous les plaisirs qu’offre le monde si on n’a rien pour les remplacer. C’est la première raison pour laquelle, dans l’enseignement du Bouddha, les absorptions méditatives sont essentielles. Nous ne pouvons pas lâcher le monde tant que nous avons encore l’impression qu’avec ce corps et ces sens nous pouvons obtenir ce que nous recherchons tous : le bonheur.

Le Bouddha nous encourage à chercher le bonheur, et même à le protéger, mais il faut le chercher dans la bonne direction. Dès la première fois où l’on ressent un réel plaisir physique en méditation, on réalise pleinement que quelque chose en nous est source de joie et de bonheur. Ce bien-être physique éveille également un intérêt agréable qui contribue à nous faire volontiers pratiquer la méditation. Bien qu’il s’agisse d’une sensation physique, elle n’a rien à voir avec ce à quoi nous sommes habitués parce qu’elle prend sa source ailleurs. D’ordinaire, les sensations agréables viennent d’un contact physique, tandis qu’ici, elles naissent de la concentration. Comme ces sensations ont des origines différentes, les résultats sont forcément différents. Le contact est grossier tandis que la concentration est subtile, de sorte que la sensation née de la méditation a une qualité spirituelle plus subtile que la sensation agréable qui peut résulter d’un contact physique. Quand on découvre clairement que la seule condition nécessaire au bonheur est la concentration, on cesse de chercher, comme autrefois, des personnes agréables, des plats savoureux, un meilleur climat ou plus d’argent, et on ne gaspille plus son énergie mentale à ces choses-là. Il s’agit donc d’un premier pas indispensable sur la voie de la libération.

Nous pénétrons maintenant dans des états d’esprit qui vont au-delà des choses ordinaires de ce monde. Nous savons tous ce qu’est un esprit préoccupé par des soucis quotidiens. Il s’inquiète de toutes sortes de choses, s’angoisse, fait des projets, accumule les souvenirs, les espoirs, les rêves, les désirs, les répulsions et les réactions. C’est un esprit très affairé. Maintenant, pour la première fois, nous pouvons entrer en contact avec un esprit qui ne contient rien de tout cela. Le bien-être de la méditation exclut toute pensée ; c’est un vécu, un ressenti. Nous comprenons enfin que la sorte de pensée qui accapare généralement notre esprit ne nous procurera pas les résultats escomptés. Elle n’a de valeur que lorsqu’elle projette le désir de méditer. Nous apprenons, dès le premier plaisir de véritable concentration, que le monde ne peut pas nous apporter ce que nous offre la méditation. Un bonheur indépendant des circonstances extérieures est beaucoup plus satisfaisant que tout ce que le monde peut procurer. Nous découvrons aussi que l’esprit a la faculté de s’ouvrir à une conscience différente, jamais rencontrée auparavant. Ainsi, nous constatons, par l’expérience directe, que la méditation est l’outil nécessaire à la libération spirituelle.

Du fait de ce ressenti agréable, une joie intérieure surgit, qui donne au méditant l’assurance que la voie vers le non-soi est une voie porteuse de joie et non de souffrance. Ainsi, la résistance naturelle à la notion de non-soi est grandement diminuée. La plupart des gens résistent à l’idée de n’être « personne », même après l’avoir compris intellectuellement. Mais, quand on fait l’expérience de ces deux premiers aspects de la méditation, il devient évident que cette nouvelle perception de la réalité n’est possible que lorsque le « moi » – qui pense tout le temps – est temporairement enfoui. En effet, quand le « moi » est actif, il réagit aussitôt en pensant : « Oh, comme c’est agréable ! » et la concentration s’arrête là. Il faut que cette expérience soit vécue sans qu’en vous, rien ne dise : « Je suis en train de vivre cela ». L’explication et la compréhension de ce qui a été vécu viennent plus tard.

On prend ainsi pleinement conscience que, sans le « moi », la joie intérieure est d’une nature beaucoup plus vaste et profonde que tout ce que l’on a pu connaître dans cette vie. C’est ainsi que mûrit la détermination de vraiment s’engager sur la voie ouverte par les enseignements du Bouddha. Jusque-là, les gens se contentent généralement de choisir quelques aspects du Dhamma dont ils ont entendu parler et pensent que c’est suffisant. Il peut s’agir de dévotion, de récitations de textes, de fêtes religieuses, de bonnes actions, d’une conduite vertueuse – et tout cela est très bien. Mais la réalité des enseignements est une grande mosaïque dans laquelle tous ces différents morceaux s’imbriquent en un immense ensemble, au cœur duquel se trouve le non-soi (anattā). Si nous n’utilisons que quelques-uns de ces morceaux de mosaïque, nous n’aurons jamais de vision d’ensemble. Savoir méditer fait une immense différence à notre approche de ce conglomérat d’enseignements qui inclut le corps et l’esprit, et qui transforme complètement ceux qui pratiquent ainsi.

Nous devons appuyer notre capacité à méditer sur une pratique quotidienne. Nous ne pouvons pas espérer nous assoir et méditer correctement si nous ne cessons de retourner des pensées qui nous préoccupent et si nous n’essayons pas, tout au long de la journée, de modérer la colère, l’envie, la jalousie, l’orgueil, la fierté, la haine et le rejet. Quand nous utilisons l’attention et la claire compréhension, quand nous apaisons nos désirs sensoriels, nous avons de bons fondements pour poser notre méditation. Si nous amenons la méditation dans notre quotidien, nous ne pouvons pas manquer de remarquer en nous un changement, lent mais progressif, comme chez un athlète qui s’entraîne jour après jour. L’esprit va se renforcer et va pouvoir faire face aux situations graves ; il ne sera plus chamboulé par tous les événements de la vie.

Si nous pouvons consacrer chaque jour du temps à la contemplation et à la méditation, sans oublier l’attention au quotidien, ce sera un très bon début pour que s’ouvre la conscience. L’univers et tous les êtres, y compris nous-mêmes, nous apparaîtront très différents parce que notre regard aura changé. Une célèbre phrase Zen dit : « Au départ, la montagne est une montagne ; ensuite la montagne n’est plus une montagne et, finalement, la montagne est à nouveau une montagne ». D’abord nous voyons la réalité relative des choses : les gens sont tous des individus différents, les arbres ont chacun une essence différente, les choses ont toutes une signification particulière pour nous. Ensuite, nous commençons à pratiquer et, soudain, nous voyons une réalité différente, universelle et en expansion. Nous nous investissons énormément dans notre méditation et ne nous inquiétons plus trop pour ce qui se passe autour de nous. Nous constatons une expansion et une élévation de notre conscience et nous savons que nos réactions ordinaires sont sans importance. Pendant un certain temps, nous ne nous intéressons qu’à cela et à vivre dans une réalité différente. Mais, finalement, nous revenons exactement à notre point de départ, nous faisons les mêmes choses qu’avant, à la différence que nous ne sommes plus perturbés par elles – la montagne redevient une simple montagne. Tout reprend le même aspect ordinaire qu’avant mais rien n’a de réelle importance et rien n’est séparé du tout.

Voici la description d’un Arahant telle qu’elle apparaît dans le Discours sur les Bénédictions (Maha-mangala Sutta) : « Bien qu’il soit touché par les circonstances du monde, son esprit n’est jamais déstabilisé ». L’Eveillé est touché par les circonstances du monde, il agit comme tout le monde – mange, dort, se lave et parle aux gens – mais son esprit est toujours stable. Il demeure frais et paisible en toutes circonstances.

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davi
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Merci pour ce texte très inspirant cgigi jap_8
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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