Dire que chacun de nous est seul, ou forme un monde à lui seul, n'est-il pas en contradiction avec le non-soi ? Comment peut-on être seul quand l'interdépendance de chaque chose est universelle ?
On peut peut être se sentir seul, avoir une impression de solitude dans certaines circonstances, mais si l'on se sent seul n'est ce pas dans le cadre de l'illusion que l'on a d'avoir un soi ? Un ego ? N'est ce pas même la souffrance la plus logique qui découle de la croyance en un soi séparé ?
Tout dépend de ce que l'on entend pas "être seul".
Même au milieu du désert ou d'une forêt ou de la banquise on est pas seul. Il y a toujours les éléments qui nous entourent, parfois des intelligence animales ou des insectes ou des végétaux, et même sur la banquise, nous avons en nous les milliers d'ancêtres dont nous sommes issus, à la fois spirituellement, symboliquement ou métaphysiquement pourrait-on dire et aussi biologiquement au travers de notre ADN. Tant que je respire, je ne suis pas seul, il y a l'air autour de moi et celui qui est dans mes poumons et l'oxygène qui circule dans mon sang, par exemple. Tant que je suis en contact avec la Terre, même par l'intermédiaire de bâtiments, suis je seul ? Ou suis je en contact avec la Terre ?
Est ce qu'Atisha dit dans le Lam Rim que nous sommes vraiment seul dans le Samasara ou que, en raison de notre vue non-juste, nous nous croyons seuls ? Dans le samsara nous sommes prisonniers de l'illusion du "soi", n'est ce pas cette illusion qui nous fait croire que nous sommes seuls alors qu'il n'en est rien ? La solitude ne serait-elle pas une illusion propre au Samsara et à la croyance en un soi ?
A partir du moment on l'on estime avoir un soi, que ce soi est réel, alors on peut croire qu'il est possible d'être coupé des autres, donc d'être seul, de se sentir seul, de souffrir car on se sent seul. A partir du moment ou l'on se libère de la vue fausse d'un soi, on se libère de la croyance en la possibilité d'être seul et donc on se libère de cette souffrance là.
Je ne sais pas trop pourquoi au juste mais cela me fait penser à Saint François d'Assise parlant aux oiseaux. Tout comme chez le Bouddha qui fit preuve aussi de compassion envers les animaux, François d'Assise, Saint chrétien, prêcha aux oiseaux et ceux-ci en furent heureux et contentés. Même si il n'y avait aucun homme autour de lui, François D'Assise n'était pas seul, il trouvait à qui parler, et les oiseaux lui répondaient à leur façon. (Je sais que le texte ci-dessous n'est pas d'origine bouddhique mais je le trouve très beau et en parallélisme possible avec la geste du Bouddha Shakyamuni). Tous les dharmas sont vides
Entre temps, tandis que de nombreux hommes, comme on l'a dit, s'étaient joints aux frères, le très bienheureux père François faisait route à travers la vallée de Spolète. Il parvint à un endroit près de Bevagna, où se trouvait assemblée une très grande multitude d'oiseaux d'espèces diverses : colombes, corneilles et d'autres qu'on appelle ordinairement des moineaux. En les voyant, le très bienheureux serviteur de Dieu François, en homme d'une très grande ferveur et qui portait un grand sentiment de piété et de douceur même aux créatures inférieures et privées de raison, courut vers eux avec allégresse, laissant ses compagnons sur le chemin. Une fois qu'il fut assez près, voyant que les oiseaux l'attendaient, il les salua à sa manière habituelle. Mais voyant non sans étonnement que les oiseaux ne prenaient pas la fuite comme ils le font d'ordinaire, il fut rempli d'une joie immense et les pria humblement, disant qu'ils devaient entendre la parole de Dieu. Parmi les nombreuses choses qu'il leur dit, il ajouta encore celles-ci : « Mes frères les oiseaux, vous devez beaucoup louer votre Créateur et l'aimer toujours, lui qui vous a donné des plumes pour vous revêtir, des pennes pour voler et tout ce dont vous avez eu besoin. Dieu vous a rendus nobles parmi ses créatures et il vous a accordé d'habiter dans la pureté de l'air ; car comme vous ne semez ni ne moissonnez, lui-même ne vous en protège et gouverne pas moins, sans que vous vous en souciiez le moins du monde. » A ces paroles, les petits oiseaux – à ce qu'il disait, lui et les frères qui s'étaient trouvés avec lui – exultèrent de façon étonnante, selon leur nature : ils commencèrent à allonger le cou, à étendre leurs ailes, à ouvrir le bec et à regarder vers lui. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait et revenait, touchant leurs têtes et leurs corps de sa tunique. Enfin il les bénit et, après avoir fait un signe de croix, il leur donna congé de s'envoler pour aller dans un autre lieu. Quant au bienheureux père, il allait avec ses compagnons, se réjouissant sur son chemin, et il rendait grâces à Dieu, que toutes les créatures vénèrent par une confession suppliante.
Thomas de Celano, Vie du bienheureux François, 58 (1229)