Robi a écrit :(C'est là je pense où les mots trouvent toujours leur limite et qu'on parle dès lors de connaissance transcendante. Une sorte de connaissance qu'on ne peut communiquer, je dirais).

Complètement d'accord avec toi.
Est-ce que tu as besoin d'un Patrul Rinpoché pour réaliser la beauté d'un coucher de soleil?
C'est là la limite des mots car on ne peut sonder la profondeur de cette anecdote que si on a goûté à ce que Patrul indique sans aucun cérémonial. Ce qu'a fait Patrul Rinpotché n'était pas de faire réaliser à son disciple la beauté d'un coucher de soleil (l'esprit samsarique y arrive très bien), mais de lui faire réaliser ce qui permet de réaliser cette beauté: ce qui a toujours été là sans qu'on fasse quoi que ce soit pour que ce soit là (un peu comme l'a souligné Jules). Par contre, il faut faire quelque chose pour réaliser la beauté du coucher de soleil: lever le nez, laisser tomber ce qui pourrait nous préoccuper intérieurement, être là bien présent au spectacle etc. Bref, comme quand on essaie de méditer de manière "engoncée". Et puis, des tas de gens, qui ont oublié le Petit Prince, (temporairement j'ose espérer), ne voient plus (ou ne prêtent plus attention à, comme dit Ted) la beauté des pissenlits en graines illuminés par le soleil du soir, ou celle de la lune qui se lève majestueusement au-dessus des montagnes.
Et pourtant, il suffirait qu'un Patrul Rinpotché ouvre la fenêtre pour que l'espace du grenier, qui a toujours été là (et qui permet que la fenêtre soit fermée et qu'elle puisse aussi s'ouvrir), soit soudain éblouissant de clarté. Seul un Patrul Rinpotché peut le faire au bon moment, pas en pleine nuit par exemple, ça ne sauterait pas autant aux yeux du disciple.
Une fois que la fenêtre est ouverte, il y a beaucoup plus que de la beauté dans un coucher de soleil; il y a vraiment beaucoup plus... ou beaucoup moins, ça dépend comment on voit les choses.
Les mots de cette anecdote sont limités en effet: il faut sentir la montée jusqu'en haut de la colline, puis le "laisser-aller" quand on se pose par terre de tout son long (pas que physiquement d'ailleurs), etc...
