Robi a écrit :Dharmadhatu ne connait que son école.

Et encore ! C'est vite dit ! Disons que je connais quelques uns des nombreux aspects du Bouddhisme indo-tibétain, c'est déjà plus réaliste. Et même ça, ça ne suffit pas: il faut décortiquer, examiner, contredire, vérifier, cultiver un vrai feeling... alors y a du boulot, pas que pour moi, pour nous tous. On peut avoir assisté à bien des cours et n'en garder que quelques traces approximatives, j'en sais quelque chose.
Ben dites, j'ai eu le nez creux en venant fouiner par ici.
A mon avis, cette question est venue souvent sur Nangpa: celle de l'identité de celui qui agit (avec toutes les instances d'un acte rappelées par Aldous, même si toutes ne sont pas toujours nécessaires pour qu'on parle d'un karma accumulé, seulement quand on parle d'une voie karmique complète, comme me l'avait un jour souligné Passagère), de celui qui a agit, et de celui qui éprouve des fruits karmiques.
L'autre jour je participai à une réunion entre des représentants des religions et des infirmières en soins palliatifs, et j'ai remarqué que, contrairement au Bouddhisme (pas seulement pour l'école dont je me réclame mais en général), les 3 grandes religions monothéistes donnent une grande importance au corps; Un ami chrétien a même presque assimilé la nature de l'esprit et celle du corps. Dans ce cas, il est difficile d'appréhender une causalité karmique qui peut jouer sur un nombre très grand d'existences diverses et variées.
Pour le Bouddhisme, il existe plusieurs vues sur l'identité d'une personne dont: le "je" est désigné en dépendance d'une continuité mentale ou d'une continuité d'agrégats. C'est pour ça que le Bouddha pouvait se souvenir de ses vies passées et de celles des autres, en disant "j'étais comme ci, tu étais comme ça" etc. Evidemment que si on considère qu'une personne n'est que celle qu'on rencontre maintenant, il est ridicule de dire qu'elle ait pu être animal ou déva: elle se résume à un être humain et c'est tout.
Le samsara, son origine, sa cessation et son remède ne sont donc possibles que si on accepte qu'une personne ne s'arrête pas à ce qu'on en perçoit à l'instant T. Ce que je trouve un peu bizarre c'est qu'au fond, on le sait tous qu'on est impermanents, mais par intermittence: la plupart du temps, on se conçoit comme une entité qui ne bouge pas et dont seuls certains aspects bougent: l'âge, le poids, la situation familiale, professionnelle etc. Or lors de ces éclairs de génie où nous reconnaissons notre impermanence, nous oublions un point indispensable: celui de notre durée sans laquelle aucune impermanence n'aurait lieu.
Souvent on comprend de travers des notions clés du Bouddhisme, même si on les retrouve presque dans chaque bouquin qu'on a eu entre les mains: l'impermanence, selon le Bouddhisme, est définie comme "instantanéité": on change d'instant en instant. Ca ne veut donc pas dire qu'une fois qu'on a été, on n'est plus: ça veut juste qu'on a été comme ci et qu'on est comme ça. Donc si on comprend ce qu'implique l'identité d'une personne, le karma ne fait plus aucun doute: tout ce qui arrivé à la vieille dame a été indirectement causé par ce qu'elle a été antérieurement (animal, être humain, etc.).
Sinon, il faudrait accepter l'idée que la vieille dame éprouve un fruit dont elle n'a pas planté la graine, ce qui au regard du Bouddhisme ne se trouve nulle part. Attention: le karma n'attend pas en embuscade avec une carotte et un bâton à la main, c'est juste un ensemble de causes et conditions. Quand les unes et les autres sont toutes présentes (un karma accumulé, des afflictions, un voleur etc.), alors le fruit advient, c'est aussi simple que ça.
Ce que le Prasangika indo-tibétain va ajouter c'est que l'un des aspects de notre ignorance fondamentale relève justement de cette relation intime qu'entretiennent des causes et des effets, en particulier par rapport au karma; c'est pour que ça qu'une telle discussion s'étend sur de nombreuses pages sur Nangpa (et ailleurs aussi j'imagine).
Désolé pour le bavardage !
Bises à tou(te)s
