La nuit arrivait...

Katly

Fleur de bananier avait appris par d'autres moines la difficulté du jeune moine novice Avidinanda
Elle était désolée qu'un tel tourment ait envahit l'esprit de ce jeune moine. C'était une fille de la terre, de la nature et pour elle, se baigner comme ça était naturel, il y avait cette fille dans la nouvelle nonne.
Mais triste et inquiète pour ce moine, elle décida d'aller le trouver pour en parler.
Il était très surpris de la voir arrivée d'un pas tranquille vers sa hutte. Gêné, à la fois effrayé et hostile, il n'osait à peine la regarder tellement elle était si près maintenant, face à lui. Il regardait toujours par-terre, mais il voyait ses pieds nus, il rougit un peu.
Elle parla doucement :
- Avidinanda, pouvons-nous parler ? tu veux bien ? de ce qui te tourmente et m'inquiète.
Ils s'assirent calmement sur l'herbe.

Il répondit :
- J'ai vu une apparition gracieuse qui me tendait les bras, la nuit dernière.
Elle lui expliqua qu'elle était désolée de ce qui était arrivé, que ce n'était pas son intention de le tourmenter et qu'elle comprenait son malaise. Car elle avait vécu une chose semblable à son arrivée avec un moine charismatique. Elle en avait beaucoup souffert et n'en avait rien dit, elle avait gardé cela pour elle et s'était retirée loin dans la forêt des jours durant pour apaiser son esprit et son coeur. Elle avait surmonté sa peine. Aussi, elle lui dit qu'avant de venir ici, elle avait connu bien des souffrances et cherchait l'amour véritable.
Elle lui dit qu'il n'était pas facile au début de changer de la vie laïque à la vie monastique, même si elle était résolue comme lui.
Puis elle lui parla un peu de l'idée de créer un autre hameau pour les femmes, afin que chacun puisse pratiquer dans des conditions appropriées et pour toutes les commodités.

Avidinanda avait écouté sa voix douce, bienveillante et semblait apaisé. N'ayant plus rien à craindre d'elle, il sourit un peu.
- "Mais l'apparition ?" dit-il
- L'apparition ? quelle apparition ? hum... Fleur de bananier réfléchit un instant et dit :
- Avidinanda, savez-vous qu'il existe une histoire d'une déesse très belle qui apparait nue aux moines comme vous, la nuit. Un jour, c'est arrivé à un moine comme vous. Elle apparut, nue merveilleuse de beauté, il en fut tout retourné et elle lui dit : "je suis à toi." "hé, bien ! qu'attends-tu ? viens, viens ! vers moi tout de suite !" et encore "viens, viens vers moi ! immédiatement ! je suis toute à toi." "alors ? je t'attends ! vas-y !".
Avinanda était choqué tout à coup d'entendre Fleur de bananier parler ainsi et de l'histoire, il avait les yeux écarquillés et ravalait sa salive, tout en s'écartant un peu d'elle.
- Mais que s'est-il passé ?
- Je vous laisse deviner ce qui s'est passé. D'accord ? ça va aller...

Avinanda avait trouvé Fleur de bananier amicale, maintenant, il se demandait si elle l'était vraiment.
Ils se saluèrent, se quittèrent, mais tout le reste de la journée Avidinanda était soucieux.
Le soir, il rentra dans hutte, à la fois rêveur et angoissé, et tellement que lorsqu'il s'endormit, il se mit à rêver.
Et l'apparition, la silhouette gracieuse revint plus claire, lumineuse, plus belle que jamais elle s'approcha et parla d'abord d'un ton charmant puis impératif l'invita à venir et les injonctions très fortes comme décrites par Fleur de bananier. Avidinanda était à la fois fasciné, ébloui et effrayé.
Et au moment où presque ensorcelante, elle tendait les bras vers lui, tout le désir d' Avidinanda retomba net. Quelque chose s'illumina en lui.

Le lendemain, à l'aube, au chant des oiseaux, le jeune moine se réveilla frais et le coeur léger, son pieds toucha le sol, il sortit et marcha. Il pensa au Bouddha qui avait vaincu Mara et ses filles et qui avait touché la terre, et à son aspiration à suivre sa voie.
Souriant, il savait maintenant que Fleur de bananier était une amie.
Quand il l'a croisa, ils se comprirent d'un seul regard et il salua Soeur Résolue, avant de rejoindre les autres moines pour leur parler d'un hameau pour les femmes.
Soeur Résolue était heureuse qu'Avidinanda soit délivrée de son tourment, et prit tranquillement le petit sentier vers son jardin.
ted

Mahadeva était satisfait. La nuit dernière, il avait déjoué les plans de Mara en éveillant la compassion du jeune moine Avidinanda. Ce dernier avait hésité à entrer dans la hutte de Soeur résolue. Pourtant, tous ses sens étaient enflammés par le désir.

Mais Mahadéva avait fait appel à la bonté naturelle du jeune novice. Celui-ci avait fini par se détourner de la hutte pour aller lui chercher une jarre d'eau fraiche. Le noble Deva, toujours sous l'apparence du mendiant, l'avait observé longuement, en buvant à petites gorgées.

- "As-tu soif toi aussi ?" lui avait-il demandé.

Cette question avait été comme une révélation pour Avidinanda. Il s'était souvenu des paroles du Bouddha :
  • « Tout est en feu, les sens sont en feu. L’oreille est en feu… Le nez est en feu… La langue est en feu… les yeux sont en feu… l’esprit est en feu… La conscience mentale est en feu… C’est enflammé par le feu du désir, par le feu de la haine, par le feu de l’erreur »
La tête basse, sans répondre, il s'était alors lentement détourné de la hutte de la jeune femme.
longchen2

Fleur de bananier était parvenue à apaiser le jeune moine impétueux avec ses douces paroles. Pourtant il lui tardait que le Bouddha ne revienne dans la petite communauté pour se confier car elle n’avait pas été sincère...

Autant ses paroles sucrées et apparemment détachées étaient parvenues à éteindre momentanément la vive passion qu’elle avait réveillé dans le cœur du jeune moine, autant elle ne pouvait pas ignorer la fournaise qui s’était levée dans son propre cœur...
"C’est vrai que je ne les avais pas vu, mais qu’est ce qui m’a pris de provoquer ainsi tous ces hommes !" se répétait-elle dans sa hutte en se frappant la poitrine, manifestement en proie à un terrible sentiment de culpabilité qu’elle avait dans un premier temps refoulé.

Mahadéva qui était doté de clairvoyance connaissait la raison plus profonde de cette situation, Fleur de bananier fut dans sa dernière vie une grande courtisane... :cool:
Dernière modification par longchen2 le 12 septembre 2013, 09:46, modifié 1 fois.
Katly

Décidément, Mara n'acceptait pas le changement, la transformation, et ne supportait pas le repentir, les regrets sincères de Fleur de bananier qui l'avait conduite vers le Bouddha et la vie monastique, pour lui cette Fleur de bananier avait tout le mal du monde et les démons en elle. Elle avait refusé bien des avances, avant d'être moniale à cause du souvenir de tant de souffrance qu'elle avait connu. Et Mara essaya encore d'insinuer en elle, la culpabilité et lui faire croire qu'elle n'avait pas changé. Mara rêvait du châtiment à savourer.
Fleur de bananier s'en alla quelques temps plus loin dans la forêt, elle y sentait un amour bienveillant, cette forêt lui enseignait la vie.
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Fleur de bananier s'en alla quelques temps plus loin dans la forêt, elle y sentait un amour bienveillant, cette forêt lui enseignait la vie.
Sur ces mots Fleur de bananier se réveilla subitement.
Dans son rêve, elle était innocente et coupable en même temps. Elle était consciente et inconsciente à la fois….provocante ou pas…courtisane dans une ancienne vie selon un mendiant ou nonne dans une communauté près d'un lac où elle avait failli se baigner.
Mais d'ailleurs elle l'avait fait, en rêve.
Et c'était un souvenir délicieux: tend ta main sous les étoiles et ferme les yeux se répétait-elle en nageant dans son rêve et des milliers de scintillements venaient nager à ses côtés pour attraper la lune.

Elle s'étira et bailla. Aujourd'hui était un grand jour, on devait préparer la venue prochaine du Bouddha qui était attendue(depuis des lunes justement)
Elle se réjouit à l'idée de le revoir et d'être à ses côtés.
Elle se rappela les célèbres instructions du Bouddha à Bahiya et s'assit pour se les réciter:
"En référence à ce qui est vu, il n'y aura que ce qui est vu ; en référence à ce qui est entendu, que ce qui est en-tendu. En référence à ce qui est senti, que ce qui est senti. En référence à ce qui est connu, que ce qui est connu. C'est ainsi que vous devriez vous entraîner. Quand pour vous il n'y aura que le vu en référence au vu, que l'entendu en référence à l'entendu, que le senti en référence au senti, que le connu en référence au connu, alors, Bahiya, il n'y a pas de vous en connexion avec cela. Quand il n'y a pas de vous en connexion avec cela, il n'y a pas de vous ici. Quand il n'y a pas de vous ici, vous n'êtes ni ici, ni là bas, ni entre les deux. Cela, cela seulement, est la fin de la souffrance ".
Elle se promit de ne pas oublier ces paroles et sortit au grand air : le soleil tapait déjà fort et il y avait ce mendiant qui ressemblait à celui de son rêve…il était assis devant un arbre, toujours le même, et de temps en temps il prodiguait des conseils à ceux qui le sollicitaient. En fait, il n'a pas l'air d'un mendiant pensa Soeur résolue. Et elle lui prépara un bol de riz dont elle lui fit l'offrande.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
longchen2

Tout cela n’était qu’un rêve, repensa-t-elle, soulagée.

Le monde qui l’entourait lui apparaissait aussi parfois comme un rêve, une hallucination dont elle devait résolument se réveiller.

Atteindre l’autre rive, l’Éveil, ici et maintenant, dans cette vie même, était ce qui avait conduit ses pas vers le Bienheureux dont elle chérissait désormais les Enseignements anjalimetta
ted

Oui... Tout cela n'avait été qu'un rêve. Mais jusqu'à quel point ?

Elle se souvenait avoir pris les voeux la veille. Puis, méditant longuement la nuit, elle s'était endormie. Rêvant qu'elle se baignait nue devant la communauté des moines. Le souvenir la fit sourire. Il y aurait donc encore en elle un désir de séduction révélé dans son sommeil ?

Ce jeune moine de son rêve ressemblait tant au jeune homme qu'elle avait aimé il y a quelques années. Elle comprit alors que ses attachements n'étaient pas aussi simples à briser. Il ne suffisait pas de se raser le crane et de prendre la robe. Ses rêves nocturnes témoignaient encore de son agitation intérieure passée.

Elle se promit d'observer attentivement ses prochains songes. Mais là, à la lumière du soleil, sa détermination était inébranlable. Elle avait choisi un chemin et elle s'y tiendrait !

Mahadeva et Mara observaient patiemment Soeur résolue. En tant que Devas, ils pouvaient aussi bien agir dans les rêves des êtres que dans leur vie diurne. Mara pouvait même donner à un rêve l'apparence de la plus concrète réalité. Il était passé maître dans cette illusion. Et tout le monde subissait l'influence de Mara, sauf les éveillés.

- "Ai-je bien pris les voeux hier soir ?" se demandait Soeur résolue

Non, sur ce point, elle n'avait pas rêvé. Elle s'était bien rasé le crane et elle avait bien revêtu la robe.
Soulagée, elle poursuivit son chemin.
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Soeur résolue se concentrait depuis lors sur ses rêves.

Dans l'un d'eux, elle était devenue une bête sauvage et le goût du sang dans sa bouche était absolument délicieux et quand elle se réveilla elle mit trente secondes à réaliser qu'elle n'était pas cela. Ce qui lui fit tout de même contempler ses pieds et ses ongles avec un doute profond: ils lui parurent tout à coup ressembler à des pattes et des griffes d'animal sauvage.

Elle entreprit de se couper les ongles avec ferveur au petit matin. Puis, elle se dit que …quand même, les courbes et formes de ses pieds se perdaient dans la nuit des temps….elle médita longtemps sur le contact de ses pieds sur le sol et entama alors de longues marches autour du campement.

Dans un autre rêve, elle reçut un coup de couteau dans le dos avec un calme absolu qui la surprit plus que tout: pas de douleur mais une conscience aiguë de toutes les étapes de la lente progression du couteau dans sa chair.Elle avait l'impression de connaitre toutes ses cellules et de ressentir les moindres mouvements sans aucune souffrance. C'était juste qu'elle connaissait parfaitement ce qui se déroulait dans ce rêve, avec une maitrise d'elle même qui était totale. Au réveil, elle était morte …vraisemblablement…mais il lui fallut quelques secondes pour le réaliser.

Dans un autre enfin, le plus récent, elle n'existait qu'à travers les pensées d'êtres du futur qui écrivaient son histoire. Elle était leur jouet et leurs peurs et tous les rêves hasardeux ou insolites qu'elles faisait ne lui appartenaient pas plus que les longues trainées étranges et blanches du ciel qui parsemaient parfois ces mêmes rêves…

Elle en fit beaucoup d'autres, non racontables, mais ils lui firent sonder un abîme et une béance qui lui firent perdre les mots…il y avait dans ses rêves tous les cataclysmes depuis la nuit des temps jusqu'aux états les plus parfaits de l'univers…mais seulement la nuit, parce que le jour elle se contentait d'une vie simple et attentive et méditait beaucoup. Mais les mémoires étaient là qui écrivaient pour elle: elle devenait leur regard peu à peu….

Comme elle avait pris les voeux, elle se concentrait souvent sur les quatre pensées incommensurables…et dans le même temps, curieusement, ses rêves se faisaient beaucoup plus rares et beaucoup plus sereins…
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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