Dhammadanam a écrit :
Flocon a écrit :D'accord, en lisant le sutta en entier je comprends mieux. La formule "se libérer du karma" me gêne malgré tout (en gros pour les mêmes raisons qu'expose Dhammadanam). Personnellement, je préfère donc ne pas l'employer.
Tu dirais qu'il vaille mieux utiliser la notion de "purifier" son kamma ? Si j'ai bien compris la vision du zen, nous aurions une sorte de bagage de mauvais kamma qui obstrue la véritable nature et se libérer de ce mauvais kamma (à savoir le purifier par des actes kusala) permet de mettre à jour notre véritable nature ?
eveil_333

Je dirais pour ma part que la vision du zen consiste à se libérer du pouvoir du mauvais karma en apprenant à reconnaître sa vrai nature. C'est l'aspect subit, immédiat de l'éveil. Il ne supprime pas le fait qu'on doive assumer les conséquences de ses actes, mais pour contre, par la conscience qu'il donne, il permet de pouvoir choisir de les subir ou de les assumer. On redevient l'acteur responsable de sa vie, au lieu de subir un flux de conséquences d'actes paroles et pensées en toute inconscience.
La purification, si il faut utiliser ce mot terrifiant, vient surtout dans le fait de reconnaître immédiatement tout ce processus. Mais le zen est une école de méditants acharnés, plus appuyés sur l'expérience que la théorie à la base , ou plutôt qui valide la théorie dans l'expérience.
Donc ça se vit plus comme une prise de conscience directe, c'est très direct : c'est un ressenti interne où par exemple, après quelques heures sur le coussin, on va prendre conscience de motivations internes à de nombreux sujets dont on n'avait aucune conscience, et donc reconnaître notre responsabilité et là où on l'a souvent attribuée à des facteurs extérieurs, ceci sans jugement ni culpabilité, mais comme une reprise de contact avec des parties oubliées de nous mêmes.
Après, le fait de répéter cette attitude consistant à regarder en soi même, génère une modification, plus inconsciente que consciente, mais plutôt positive, de notre positionnement au coeur de toutes ces choses que nous vivons : plus on est conscient, plus on peut décider vraiment de là où on va ou là où on ne veut pas aller. La purification réside plus en cela : retrouver la marge de manoeuvre.
C'est pour cela que le zen s'exprime souvent en termes de non attachements à une morale ou des préceptes : non qu'ils soient considérés comme invalide, mais surtout ils sont considérés utiles pour ceux qui n'accèdent pas à cette capacité de voir en eux-mêmes : s'ils n'arrivent pas à marcher sur le chemin, on les encorde sur les cables de la via ferrata. Ceux qui accèdent à cette conscience ne transgressent pas les préceptes, mais n'ont pas besoin qu'on leur rappelle d'être éthiques : cela devient naturel.
Maintenant, cela ne signifie pas que nous ne soyons pas porteurs de mauvaises habitudes karmiques.
Mais j'ai retrouvé ce texte sur l'intention, qui je crois exprime très bien ce qu'est la libération du karma dont on veut parler.
J'ai donc retrouvé le passage de l'ouvrage « l'alchimie des émotions », de Tara Benett Goleman, qui décrit très clairement cette chaîne de réactions qui conduit soit à une action consciente, soit une réaction subie, conditionnée, sans espace de négociation.
Elle parle d'une expérience faite par un chirurgien sur une opération sur le cerveau, où le patient était conscient(le cerveau n'étant pas pourvu de terminaisons nerveuses, intervenir dessus n'est pas douloureux), où il en a profité pour observer le développement de l'influx nerveux, tout le processus entre l'impulsion nerveuse, la conscience de l'intention, et le déclenchement de l'action motrice.
« Le Dr Libet surveillait l'activité électrique de la région du cerveau du patient responsable du mouvement du doigt. Grâce à ce dispositif, il a pu détecter le moment précis où le cerveau déclenchait le processus aboutissant au mouvement du doigt. Bref, il a été capable de séparer l'intention de remuer du moment de la conscience de cette intention et celui-ci de l'instant de l'acte proprement dit.
C'est ainsi qu'il a découvert que la région du cerveau qui commande le mouvement commence son activité un quart de seconde avant que le patient prenne conscience de son intention de remuer le doigt. En d'autres termes, le cerveau envoie une impulsion avant même que nous n'ayons conscience de notre volonté de commettre l'action.
A partir du moment où le patient prend conscience de son intention d'agir, a démontré Libet, il s'écoule un deuxième quart de seconde avant que ce mouvement commence. Ce battement est crucial : C'est durant cette fraction de seconde que nous choisissons de résister à l'impulsion. C'est à ce moment précis que la volonté entre en scène : durant ce quart de seconde, elle a le choix entre briser la chaîne ou suivre aveuglément l'impulsion.
Si nous obéissons à la séquence automatique et machinale, l'action suit l'impulsion sans que nous nous demandions sérieusement si nous voulons l'acte que nous sommes en train d'accomplir.
A la racine de toute émotion se trouve la nécessité d'agir. Et la plupart du temps nous obéissons à l'impulsion sans même y penser. Nous agissons d'instinct sans prendre le temps de délibérer. La colère entraîne cris et gesticulations, la peur pétrifie, la souffrance se traduit par des sanglots.
C'est durant ce quart de seconde que l'attention peut être émotionnellement libératrice : prompte à détecter les automatismes émotionnels, elle interpose la conscience rationnelle entre l'impulsion et l'action. Et voilà la chaîne de l'habitude émotionnelle brisée.
Il ne s'agit donc pas d'un processus graduel à ce niveau, mais d'une chose qui se joue dans l'instant. L'exercice de la vigilance consiste justement à pouvoir aller au coeur de ce quart de seconde pour redevenir libre de ses actes et pouvoir les choisir, au lieu de subir sa vie. Et point besoin pour cela de renoncer à ressentir quoi que ce soit, mais vraiment de comprendre au sens le plus physiologique ce qui nous anime, ce que nous vivons.
C'est donc en ce sens que Flocon dit, j'espère ne pas trahir ton discours, que le mot purification n'est pas adapté...c'est vraiment une éducation à voir directement, maintenant, et c'est cela qu'on considère pouvoir trancher le pouvoir du karma....aller au coeur du quart de seconde où l'on choisit, ou pas, de sa vie.